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Comparution devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique sur la communication d’information à l’Internal Revenue Service des États-Unis

Le 14 avril 2016
Ottawa (Ontario)

Déclaration prononcée par Daniel Therrien
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi)


Introduction

Je vous remercie de m’avoir invité à donner mon point de vue sur certains aspects de l’entente concernant l’échange de renseignements fiscaux conclue par l’Agence du revenu du Canada (ARC) et l’Internal Revenue Service (IRS) des États-Unis. Ma présence s’explique par le fait que je surveille la conformité à deux lois fédérales : la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui régit les pratiques de traitement des renseignements personnels au sein des ministères et des organismes fédéraux, et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), qui porte sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé au Canada.

Aperçu des déclarations antérieures faites par le Commissariat

 À travers le projet de loi C-31, Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014, la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada—États-Unis pour un meilleur échange de renseignements fiscaux, a mis en place une entente intergouvernementale qui permet l’échange de renseignements fiscaux entre le Canada et les États-Unis. Cet échange est requis pour respecter les exigences en matière de déclaration de la Foreign Account Tax Compliance Act, ou FATCA. Le projet de loi C-31 modifiait également la Loi de l’impôt sur le revenu en y ajoutant la partie XVIII, pour mettre exigences en matière de diligence raisonnable établies dans l’entente intergouvernementale.

La FATCA est une loi américaine qui oblige les institutions financières des pays étrangers, y compris le Canada, à communiquer à l’IRS certains renseignements concernant les comptes de personnes des États-Unis. Les institutions qui ne se conforment pas à cette obligation pourraient se voir imposer une retenue fiscale de 30 % sur tout revenu de source américaine. À notre connaissance, 112 pays ont mis en œuvre des ententes de déclaration en vertu de la FATCA ou prévoient de le faire.

En vertu de l’entente intergouvernementale, le gouvernement du Canada s’engage à recueillir certains renseignements sur les comptes détenus par des Américains dans des institutions financières canadiennes et à les transmettre aux États-Unis.  

Ce processus comporte deux étapes :

  • La Loi de l’impôt sur le revenu définit les exigences en vertu desquelles les institutions financières canadiennes sont tenues de communiquer l’information concernant ces comptes à l’ARC.
  • L’ARC communique ensuite l’information à l’IRS. L’entente intergouvernementale est réciproque dans la mesure où l’ARC reçoit aussi des renseignements de l’IRS.

Lors de témoignages antérieurs devant le Parlement à propos de la FATCA, le Commissariat a reconnu la pratique de longue date visant l’échange de renseignements entre les pays à des fins fiscales. Par exemple, la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, qui jette les bases de l’échange de renseignements en vertu de l’entente intergouvernementale, a été signée en 1980. Au cours des dernières années, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déployé des efforts à l’échelle internationale afin d’assurer l’échange automatique de renseignements fiscaux.

Toutefois, nous avons aussi exprimé nos attentes quant au fait que les activités d’échange de renseignements doivent être menées dans le respect du droit à la vie privée des individus. Cela s’applique à l’ARC et aux institutions financières.

Considérations particulières en matière de protection des renseignements personnels

Comme nous l’avons fait valoir dans le cadre de notre témoignage sur le projet de loi C-31 et de l’examen de l’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) que l’ARC nous a présentée, nous nous attendons à ce que la collecte, l’utilisation et la communication des renseignements personnels soient restreintes, que le délai de conservation soit défini et que des mesures de protection appropriées soient établies.

Par exemple, toutes les parties visées doivent limiter la collecte de renseignements personnels à ce qui est nécessaire et éviter de recueillir des données qui ne sont pas requises. Ce principe s’applique autant à l’ARC qu’aux institutions déclarantes assujetties à la LPRPDE.

Dans le même ordre d’idées, il faut limiter l’utilisation et la communication des renseignements personnels. Le libellé de l’entente intergouvernementale précise que les renseignements reçus sous ses auspices sont protégés en vertu de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, qui restreint l’utilisation et la communication à la collecte, à l’administration et à l’application de la loi à des fins fiscales.

En ce qui a trait à la conservation, à notre connaissance, l’ARC conserve ses dossiers pendant sept ans, ce qui correspond à la période de conservation des déclarations de revenus des particuliers.

En ce qui concerne les mesures de protection, on remarque que, dans l’entente intergouvernementale, les échanges sont soumis à des règles de confidentialité et à des mesures de protection en vertu de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune. Or, la Convention précise que les renseignements reçus doivent être traités comme des renseignements secrets, au même titre que les renseignements obtenus en vertu des lois fiscales d’un État. On s’attend à ce que l’ARC protège les renseignements personnels contre toute utilisation et toute communication non autorisées, surtout si on tient compte de la nature délicate des renseignements financiers et de l’attente raisonnable qu’ont les personnes quant au fait que ces renseignements sont habituellement tenus confidentiels.

Consultations sur l’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP)

En août 2015, l’ARC a transmis une EFVP au Commissariat. Nous sommes ravis de constater que l’Agence a adopté toutes nos recommandations, entre autres :

  • ramener le délai de conservation de 11 à 7 ans;
  • sensibiliser les institutions financières déclarantes à la nécessité de se protéger contre le risque de recueillir trop de renseignements;
  • s’engager à protéger l’information, y compris au moyen de mesures particulières pour atténuer les risques mentionnés dans l’évaluation des risques et des menaces;
  • mettre à jour l’EFVP pour qu’elle tienne compte de toutes les utilisations et communications proposées de renseignements personnels, et s’assurer que ces utilisations et communications servent uniquement aux fins de l’administration fiscale.

Autre

Même si le Commissariat reconnaît qu’il faut lutter contre l’évasion fiscale, il est important que les lois habilitantes définissent clairement les obligations imposées aux entités déclarantes, notamment l’ARC et les organisations visées par les obligations de la FATCA en matière de déclaration, comme les institutions financières.

Par exemple, l’entente intergouvernementale précise que, sauf si elle en décide autrement, une institution déclarante n’est pas tenue d’examiner ou d’identifier les comptes dont le solde est inférieur à un seuil donné (comme des comptes de dépôt dont le solde est inférieur à 50 000 $US) ni de faire de déclarations.

Cela dit, il semble que la partie XVIII de la Loi de l’impôt sur le revenu exige la déclaration de tous les comptes à déclarer d’Américains, sauf si l’institution financière indique précisément qu’un compte n’a pas à être déclaré.

On se préoccupe par ailleurs du fait que, compte tenu du caractère apparement discrétionnaire des seuils fixés pour les exemptions, il sera peut-être difficile de savoir vraiment dans quels cas les comptes ayant un solde inférieur à 50 000 $US seront signalés à l’ARC.

Poursuite du suivi

Le Commissariat a écrit à l’ARC afin de lui poser d’autres questions, notamment pour savoir combien de comptes dont le solde est inférieur à 50 000 $US ont été reçus et transférés et obtenir des précisions sur la manière dont sont appliquées les exemptions au seuil ainsi sur le niveau d’examen que l’ARC réalise en ce qui a trait aux dossiers transmis à l’IRS. Nous voulions aussi savoir si l’ARC peut nous indiquer le nombre de dossiers transmis par l’IRS sur des Canadiens.

Nous avons aussi demandé à l’ARC pourquoi le nombre de dossiers transmis à l’IRS dans un premier temps est supérieur aux estimations initiales.

Conclusion

Les exigences de la FATCA en matière de déclaration sont un exemple de coopération entre États en vue d’assurer le respect des obligations fiscales et, à cet égard, n’ont rien d’inhabituel ni de répréhensible.  

Cela dit, les principes de protection de la vie privée doivent être respectés et permettre d’établir un juste équilibre dans la mise en œuvre de l’entente.

L’entente intergouvernementale et la législation habilitante ont des conséquences juridiques sur les lois relatives à la vie privée, dans la mesure où elles créent l’obligation d’échanger des renseignements sans le consentement des personnes concernées, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. On constate aussi un manque de clarté concernant les seuils fixés pour les exemptions de déclaration. C’est pourquoi le Commissariat assure un suivi auprès de l’ARC sur ces questions dans le cadre de son processus d’EFVP.  

La protection du droit à la vie privée des individus et la prestation de conseils sur la manière d’améliorer les mesures de protection dans les ententes d’échange de renseignements sont des éléments essentiels de mon mandat.

Puisque le Parlement a choisi d’adopter une loi de mise en œuvre à l’appui des exigences de la FATCA en matière de déclaration, nous continuons de recommander avec insistance que ces obligations ne soient pas appliquées de manière trop large, mais plutôt de façon à prendre en compte comme il se doit le droit à la vie privée des individus.

Je vous remercie de m’avoir écouté et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

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