Sélection de la langue

Recherche

Comparution devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique au sujet des répercussions des systèmes de caméras de surveillance sur la vie privée

Cette page Web a été archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Le 22 octobre 2009
Ottawa (Ontario)

Déclaration par Elizabeth Denham
Commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada

(L’allocution prononcée fait foi)


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs du Comité, bonjour. Je vous remercie d’avoir invité le Commissariat à vous parler de l’incidence sur le droit à la vie privée des caméras de surveillance, quand elles sont utilisées dans des applications commerciales comme Google Street View et Canpages, et d’autres enjeux liés à la surveillance vidéo et aux nouvelles technologies. Je suis accompagnée aujourd’hui de mes collègues Carman Baggaley, conseiller principal en politiques stratégiques, et Daniel Caron, conseiller juridique. Malheureusement, la commissaire Stoddart ne peut être ici aujourd’hui. Elle a une laryngite. Je crois que c’est la première fois qu’elle s’absente d’une consultation.

Nous nous réjouissons de l’intérêt du Comité envers cette question; nous avons d’ailleurs suivi avec intérêt l’audience du 17 juin 2009 à laquelle participaient des représentants de Google et de Canpages. Nous saisissons donc avec plaisir l’occasion que vous nous offrez d’aborder cette nouveauté technologique.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) est neutre sur le plan technologique. Selon nous, elle ne freine pas l’innovation. La LPRPDE se veut un outil dynamique, moderne et efficace pour renforcer le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens, et nous croyons qu’elle peut régir la collecte et l’utilisation commerciale de renseignements personnels par l’intermédiaire de la technologie d'imagerie à l'échelle de la rue.

Nous sommes entièrement conscients qu’un grand nombre des services qui utilisent l’imagerie à l’échelle de la rue sont populaires auprès du public. Nous continuons à nous préoccuper de l’utilisation commerciale de cette technologie, car nous voulons nous assurer que celle-ci protège la vie privée des Canadiennes et des Canadiens en respectant les exigences de la LPRPDE, notamment en matière de connaissance et de consentement, de mesures de sécurité et de conservation.

J’aimerais maintenant vous donner un bref aperçu des travaux du Commissariat en la matière.

Contexte

Depuis quelques années, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada suit de près le développement et l’utilisation en ligne de la technologie d’imagerie à l’échelle de la rue dans le cadre d’activités commerciales, au Canada comme ailleurs. J’ai fait valoir qu’une telle technologie peut avoir des répercussions sur la protection de la vie privée, et le Commissariat a cherché à en savoir plus sur elle et sur son lancement au Canada.

Les applications d’imagerie à l’échelle de la rue utilisent divers moyens pour photographier le paysage urbain. De façon générale, une caméra est installée sur un véhicule qui parcourt les rues. Les images peuvent ensuite être visualisées sur Internet grâce à l’application cartographique de l’entreprise. S’il est vrai que l’intention des entreprises est de photographier le paysage urbain pour que les utilisateurs puissent faire la visite virtuelle d’un quartier en particulier, les entreprises prennent également en photo des personnes pouvant être identifiées, ce qui les lient à un endroit en particulier.

Cet enjeu a attiré notre attention pour la première fois en 2007, alors que nous apprenions que Google photographiait les rues de certaines villes canadiennes en vue du lancement de l’application Street View au Canada, à l’insu et sans le consentement des personnes qui apparaissaient sur ces images.

La commissaire a écrit une lettre ouverte aux dirigeants de Google pour leur faire part de ses préoccupations à l’égard de l’application Street View. Elle a profité de l’occasion pour souligner que les entreprises qui, comme Google, souhaitent utiliser cette technologie à des fins commerciales au Canada doivent respecter la loi sur la protection des renseignements personnels s’appliquant au secteur privé et mettre en place de meilleures mesures de protection pour ces renseignements.

La prise de personnes en photo dans un lieu public

J’aimerais vous parler d’une idée fausse qu’entretiennent communément certaines entreprises sur la prise de personnes en photo dans un lieu public. Si un organisme photographie une personne dans un lieu public à des fins commerciales — par exemple, lorsqu’une entreprise photographie le paysage urbain et prend en photo une personne pouvant être identifiée, puis affiche l’image sur Internet à des fins commerciales — la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels s’applique quand même. Une des principales protections repose sur l’obligation de dire aux personnes quand elles sont photographiées à des fins commerciales et de quelle façon l’image sera utilisée. Le consentement de ces personnes doit également être obtenu. Même si la loi prévoit certaines exceptions, celles‑ci sont limitées et précises, et concernent les activités journalistiques, artistiques et littéraires.

Le point de vue du Commissariat sur la protection de la vie privée dans le cadre de l’imagerie à l’échelle de la rue

L’application Street View est maintenant disponible au Canada — depuis le 7 octobre — ainsi que dans d’autres pays, et le service de Canpages, Vue de la rue, a été implanté au début de l’année dans certaines villes de la Colombie‑Britannique. Canpages souhaite étendre son service à d’autres villes canadiennes et a récemment publié un avis selon lequel la société procède à la prise en photo des rues de Montréal et de Toronto.

Le Commissariat et ses homologues des provinces qui ont des lois sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé essentiellement similaires à la loi fédérale, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec, se sont entretenus avec les deux entreprises au sujet de leurs applications de cartographie et d’imagerie à l’échelle de la rue. Un peu plus tôt cette année, la commissaire et ses homologues provinciaux ont publié une fiche d’information destinée à l’industrie et au grand public, que vous devriez avoir reçue. Cette fiche explique ce qui devrait selon nous être mis en place pour que les services commerciaux qui utilisent cette technologie puissent se conformer aux lois sur la protection des renseignements personnels du Canada. La fiche d’information Vous êtes photographiés explique de façon détaillée les mesures de protection de la vie privée qui sont particulièrement pertinentes dans le cas de l’imagerie à l’échelle de la rue, à savoir :

  • Les entreprises doivent faire savoir aux citoyens qu’elles vont photographier les rues de leur ville, le moment où cela se produira, la raison de cette activité et le moyen par lequel ils peuvent demander à ce que leur photo ne soit pas affichée en ligne. Entre autres, les véhicules utilisés pour photographier pourraient porter des marques visibles — par exemple, l’auto de Google, si vous l’avez déjà vu, est très bien identifiée — et l’on pourrait utiliser divers moyens pour diffuser les renseignements sur les dates et emplacements de tournage, la raison pour laquelle on procède à ce tournage et la manière dont les citoyens peuvent communiquer avec l’entreprise pour obtenir davantage de renseignements.
  • Nous croyons également que les visages et les plaques d’immatriculation doivent être brouillés de façon à ce qu’ils ne puissent pas, à tout le moins, être identifiés.
  • Les entreprises doivent avoir un moyen efficace et rapide de retirer une image à la demande de la personne photographiée.
  • Les images non brouillées conservées à des fins commerciales légitimes doivent être protégées par des mesures de sécurité appropriées et les données brutes ne doivent pas être conservées indéfiniment.

L’utilisation de la technologie a changé : elle respecte mieux la vie privée. Nous avons joué un rôle important en faveur de ce changement, non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Les personnes et les numéros de plaques d’immatriculation sont brouillés, mais le procédé de brouillage doit continuer d’évoluer et d’être amélioré. Des démarches pour faire retirer une image sont mises en place et la nécessité d’établir des périodes de conservation claires a été abordée. Les entreprises semblent comprendre la nécessité de demander l’avis d’organisations communautaires sur le caractère délicat de filmer certains lieux.

Les avis faits au grand public sont une préoccupation constante. Nous croyons que le type de renseignements recueillis n’est pas particulièrement sensible et que les entreprises peuvent présumer un consentement implicite pourvu qu’elles sensibilisent le public de manière raisonnable au sujet de leurs activités. Une entreprise doit prévenir les personnes qu’elle viendra prendre des photos dans leur quartier pour que ces personnes puissent agir en conséquence.

Les nouvelles technologies et la LPRPDE

Comme vous le savez, l’objectif de la LPRPDE est d’établir un équilibre entre le droit à la vie privée d’une personne et le besoin d’une entreprise de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable considèrerait appropriées dans les circonstances. La LPRPDE s’applique à toute une gamme d’entreprises, des banques aux sociétés de télécommunication en passant par les concessionnaires automobiles et les sites de réseautage social. Si elle n’est pas normative, elle demande en revanche aux organisations de se conformer à des pratiques ou des principes favorisant l’équité dans le traitement de l’information. Chaque organisation, eu égard à son modèle d’affaires et d’autres exigences réglementaires, doit trouver le moyen de respecter ces principes et d’atteindre un équilibre entre ses besoins légitimes et le droit à la vie privée des personnes. Le Commissariat à la protection de la vie privée aide les organisations à atteindre leurs objectifs commerciaux dans le respect de leurs obligations en vertu de la LPRPDE. Je serais très heureuse de vous parler ce matin de Facebook, qui est un excellent exemple de cette collaboration.

Comme je le soulignais plus tôt, la LPRPDE est neutre sur le plan technologique, elle est fondée sur des principes et, jusqu’à maintenant, elle semble avoir la latitude nécessaire pour orienter les utilisations commerciales de nouvelles technologies. Vous savez sans doute qu’au cours de l’été, le Commissariat a publié des conclusions relativement à deux plaintes déposées en 2008 portant principalement sur les nouvelles technologies et de nouveaux modèles d’affaires. Une concernait le site de réseautage social Facebook et l’autre, l’utilisation de l’inspection approfondie des paquets (IAP) par une entreprise de télécommunications. Aux termes de la LPRPDE, nous avons réussi à trouver un équilibre raisonnable qui servira de feuille de route en vue d’aider le Commissariat à faire face aux futurs enjeux liés à la protection de la vie privée. Ces conclusions auront une incidence positive sur le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens (et, en fait, sur celui des 300 millions d’utilisateurs de Facebook dans le mode entier), tout en reconnaissant les intérêts des entreprises. Tout ce que nous avons appris au cours des 18 derniers mois dans le cadre de notre travail concernant l’imagerie à l’échelle de la rue, les sites de réseautage social et l’inspection approfondie des paquets nous sera d’une grande utilité et nous croyons que ces exemples ont permis d’accroître l’importance de la protection de la vie privée au sein des entreprises et pour le commun des mortels.

Comme il est mentionné dans le Rapport annuel concernant la LPRPDE de 2008, malgré tous les avantages indéniables des nouvelles technologies, celles-ci continuent de présenter de nouvelles difficultés pour la protection de la vie privée. En effet, le Commissariat prévoit examiner, au cours de la prochaine année, les répercussions de la publicité axée sur les comportements, de l’informatique dans les nuages et de la technologie géospatiale sur la protection des renseignements personnels. Nous solliciterons les points de vue des entreprises, des universitaires, des groupes de défense des droits et du grand public afin de mieux comprendre la façon dont la LPRPDE s’applique à ces technologies et pratiques commerciales, ainsi que leur incidence sur la protection de la vie privée.

Puisqu’on nous a demandé de nous présenter devant vous, nous avons déposé notre rapport annuel concernant la LPRPDE de 2008 et je crois que vous en avez tous un exemplaire. Les principaux thèmes du rapport sont la sensibilisation des jeunes et un rappel que les Canadiennes et Canadiens doivent assumer la responsabilité de leurs renseignements personnels sur Internet. Nous croyons que les jeunes sont particulièrement vulnérables parce qu’ils sont de grands utilisateurs de la technologie et qu’ils ne se rendent peut‑être pas compte des risques.

Par conséquent, comme l’indique notre rapport, nous avons vraiment mis l’accent sur des activités de sensibilisation du public afin d’ouvrir un dialogue avec ce segment de la population.

Nous vous avons remis des collants où figure la phrase, Réfléchissez avant de cliquer, qui ont été distribués aux étudiants pendant la semaine d’intégration universitaire. Nous disposons également de nombreux autres outils, produits par des jeunes pour les jeunes, notamment un blogue pour les jeunes et des vidéos tournées par des jeunes. Vous trouverez tous ces outils sur notre site Web : youthprivacy.ca. Les commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux ont adopté une résolution en 2008 sur la protection de la vie privée des jeunes qui recommande des mesures que les particuliers et les organisations peuvent prendre.

Enfin, avant de conclure, j’aimerais mentionner un autre thème principal du rapport annuel, soit la question des atteintes à la protection des données et leur signalement. Comme vous le savez, il s’agit d’un problème mondial. Les gouvernements, les organismes et les commissaires à la protection de la vie privée tentent de résoudre ce problème à l’aide de divers modèles, dont l’avis d’incident obligatoire.

Le rapport met en évidence une étude que nous avons effectuée concernant notre régime actuel de signalement volontaire. Je serais heureuse de vous en parler davantage mais, essentiellement, le rapport confirme que nous ne pouvons pas être en mesure de recevoir des rapports déposés par des entreprises faisant état de toutes les atteintes importantes à la vie privée au Canada. C’est impossible. Les données sont relativement faibles. Le rapport révèle également le besoin continu de formation, étant donné qu’un tiers des atteintes signalées n’étaient pas le résultat de piratage ou de lacunes technologiques, mais plutôt de simples erreurs de la part des employés, comme l’entrée du mauvais numéro de télécopieur.

Conclusion

En terminant, je remercie le Comité de son invitation à venir discuter de la protection de la vie privée dans le contexte des nouvelles technologies, dont la technologie d’imagerie à l’échelle de la rue. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Date de modification :