Sélection de la langue

Recherche

La transparence et la vie privée à l’ère numérique : vers un nouvel équilibre

Cette page Web a été archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Commentaire à l’occasion du 5e Séminaire international sur la transparence et la vie privée dans l’application de la loi et l’administration de la justice

Le 21 octobre 2011
Mexico (Mexique)

Allocution prononcée par Chantal Bernier
Commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada

(La version prononcée fait foi)

Versión en español


Aperçu

L’enjeu principal qui se dresse devant nous est de trouver le juste équilibre entre deux valeurs très importantes : le principe de l’audience publique et le droit des personnes à la vie privée. Je vous suis reconnaissante de m’offrir cette occasion d’aborder la conciliation de ces deux valeurs avec vous.

Les systèmes juridiques démocratiques reposent depuis longtemps sur le principe central de l’administration transparente de la justice — non seulement pour être équitables mais pour être perçus comme équitables. Jusqu’à récemment, cette transparence était limitée par ce qu’on appelait l’« obscurité pratique » du papier et les limites physiques d’une salle d’audience.

Nous sommes maintenant passés de l’accès restreint aux salles d’audience et au papier à la diffusion numérique sur Internet. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, Internet — qui repose sur la numérisation et la réseautisation des données — vient changer la donne. Ses effets sur le respect de la vie privée sont appréciables — et souvent nuisibles.

L’argument que je voudrais développer aujourd’hui, c’est qu’Internet n’a pas seulement modifié le degré de transparence de la justice, mais sa nature même. À tel point, en fait, que nous devons repenser les modalités de la transparence judiciaire pour tenir compte de l’incidence différentielle d’Internet, car celui-ci renverse l’équilibre établi entre la transparence judiciaire et la protection de la vie privée.

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (ou CPVP) a diffusé des lignes directrices pour concilier les principes de transparence et de respect de la vie privée dans les tribunaux administratifs fédéraux. J’espère qu’elles pourront servir d’exemple en montrant comment affronter le nouveau défi qui consiste à trouver un équilibre entre la transparence judiciaire et le respect de la vie privée à l’ère numérique.

Mon intervention débutera par une description de l’hypothèse qui sous‑tend ma réflexion : l’incidence différentielle d’Internet sur le principe de la transparence judiciaire nous oblige à réévaluer son application.

Je vous parlerai ensuite du rôle du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et de son autorité sur les tribunaux administratifs fédéraux, après quoi je passerai au cœur de ma présentation, soit la réévaluation de la transparence judiciaire à l’ère numérique.

Pour terminer, je décrirai les lignes directrices que nous avons publiées sur cette question.

Incidence différentielle d’Internet

Afin de nous situer dans le vif du sujet, j’aimerais vous lire un courriel que j’ai reçu :

« Je viens de recevoir l’avis comme quoi mon grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Je suis préoccupé car le grief comporte des questions de discrimination et de l’information médicale. J’envisage d’abandonner mon grief parce que je ne veux pas que mes renseignements personnels soient affichés sur Internet. Je suis vraiment déchiré parce que la résolution finale de cette question est très importante pour moi; cependant, je ne veux pas que mes perspectives d’emploi soient compromises à cause de la publication sur Internet de mon nom. [traduction] »

Évidemment, je n’ai pu offrir aucun réconfort. J’ai dû répondre qu’effectivement, le danger était là et que la décision de poursuivre la procédure ou non reposait sur un choix personnel. Cet échange me paraît mettre en lumière de façon éloquente la répercussion différentielle — et j’irais jusqu’à dire délétère — de la publication sans distinction sur Internet : nous avons créé un frein à l’accès à la justice.

L’atteinte au droit à la vie privée entrave‑t‑elle l’accès à la justice?

Le Commissariat entretient depuis longtemps les mêmes inquiétudes que les personnes qui craignent que leur participation à l’audience d’un tribunal puisse causer une intrusion dans leur vie privée une fois que la décision sera affichée en ligne.

Le manque d’intérêt dont les tribunaux et d’autres organismes font preuve à l’égard de la protection de la vie privée pourrait bien limiter l’accès à la justice. Le risque que des renseignements personnels soient publiés peut rendre les gens de plus en plus réticents à défendre leurs droits devant les organismes administratifs et quasi judiciaires.

Étant donné que ces organismes influent sur de nombreux aspects de nos vies, ce manque d’accès à la justice peut être très néfaste pour les personnes désireuses de régler des différends avec l’État, des employeurs ou des fournisseurs de services. Pourquoi une personne respectueuse des lois qui lutte pour obtenir des prestations gouvernementales devrait‑elle se voir contrainte d’exposer ainsi sa vie privée à l’examen du public?

Enjeu

Pour répondre à cette question, je commencerai par vous donner un aperçu de la réglementation canadienne concernant la protection de la vie privée et du rôle du Commissariat à cet égard.

Il existe deux lois fédérales applicables à la protection des renseignements personnels au Canada : l’une vise le secteur privé et l’autre, le secteur public — comme c’est le cas au Mexique.

Le Commissariat a pour mandat de surveiller l’application des lois fédérales en matière de protection des renseignements personnels. Nous remplissons ce mandat au moyen de six fonctions bien définies :

  1. Nous répondons aux demandes d’information, qui sont au nombre de plus de 11 000 par an.
  2. Nous recevons des plaintes et faisons enquête à leur sujet. Cela représente plus de 200 cas par an contre des entreprises du secteur privé et plus de 600 contre des organisations du secteur public.
  3. Nous examinons les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) que nous soumettent des organisations fédérales concernant des programmes ou activités qui pourraient nécessiter la collecte de renseignements personnels.
  4. Nous vérifions les pratiques de gestion de l’information des organisations assujetties à l’une ou l’autre loi.
  5. Nous organisons et soutenons des activités de recherche et de sensibilisation du public.
  6. Nous apportons notre appui au Parlement en commentant les projets de loi et les modifications législatives touchant les questions relatives à la protection de la vie privée.

J’aimerais d’emblée insister sur le fait que les cours de justice canadiennes ne sont pas visées par la Loi sur la protection des renseignements personnels. La juridiction du CPVP s’étend exclusivement à l’organe exécutif du gouvernement, soit plus de 30 tribunaux administratifs et quasi judiciaires fédéraux. Ces tribunaux se penchent sur des questions telles le déni de pensions et de prestations d’assurance‑emploi, la conformité aux normes en matière d’emploi et autres normes professionnelles, les allégations d’entraves à la réglementation et les contestations du processus d’embauche à la fonction publique fédérale.

Il existe des distinctions essentielles entre les cours judiciaires et les tribunaux administratifs au Canada qui sont pertinentes pour la question de la vie privée et de la transparence :

  • Les tribunaux administratifs sont assujettis aux lois sur l’accès à l’information et sur la protection des renseignements personnels; les cours supérieures ne le sont pas.
  • Les tribunaux administratifs doivent rendre des comptes aux organes législatifs qui les créent.
  • Les membres des tribunaux administratifs sont habituellement choisis et nommés par le pouvoir exécutif. Ils sont indépendants de celui‑ci, selon le principe d’autonomie, mais ils en font partie.
  • Les citoyens qui comparaissent devant les tribunaux administratifs le font souvent sans être représentés par un avocat, et les personnes qui composent le tribunal sont souvent des citoyens qui n’ont pas de formation juridique. Toutes ces personnes sont par conséquent susceptibles d’avoir peu d’expérience dans la définition des enjeux liés à la protection de la vie privée et de ne pas bien connaître les exceptions au principe de l’audience publique.

Le degré d’indépendance des tribunaux administratifs peut varier selon leur loi habilitante, mais ils sont soumis aux mêmes règles constitutionnelles de justice naturelle, d’impartialité et d’équité que les cours. De ce fait, les principes sous‑jacents de la transparence et du respect de la vie privée s’appliquent aux tribunaux administratifs comme ils s’appliquent aux cours, et la loi qui régit la protection des renseignements personnels au gouvernement régit également la transparence et la protection des renseignements personnels dans les tribunaux administratifs.

En adoptant la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Parlement a voulu imposer des règles précises à ces organismes pour le traitement des renseignements personnels. Ces organismes affichent couramment leurs décisions sur Internet, même si ces décisions comprennent souvent des détails de nature personnelle que peu de gens voudraient voir diffusés à grande échelle — on pense aux salaires, aux problèmes de santé physique et mentale, aux descriptions détaillées de conflits avec les employeurs, et aux allégations d’inconduite en milieu de travail. D’autres renseignements d’une pertinence douteuse, comme le nom des enfants, les adresses domiciliaires, les lieux et dates de naissance et la description de condamnations criminelles ayant fait l’objet d’un pardon, sont aussi parfois inclus dans les décisions publiées.

Essence du principe de l’audience publique

L’essence du principe de l’audience publique comprend deux aspects :

  • ce sont le secret et la transparence qui sont mis en opposition, et non pas la vie privée et la transparence;
  • c’est au tribunal que s’applique ce principe, et non aux parties.

L’application de ce principe permet de veiller à l’efficacité des règles de la preuve, et de favoriser une prise de décision juste et transparente.

La transparence demeure un principe fondamental de la justice, mais Internet représente un changement crucial dans l’équation entre la protection de la vie privée et la transparence.

Internet déforme l’application du principe de l’audience publique

Trois répercussions générales d’Internet déforment l’application du principe de l’audience publique :

  • Les limites de la perte de vie privée inhérente au processus judiciaire traditionnel sont supprimées.
  • La protection de la vie privée est soustraite au contrôle du tribunal.
  • Et, effet le plus pervers, l’attention est détournée du tribunal pour se porter sur les parties.

Par conséquent, pour préserver le principe de la transparence judiciaire, nous devons adapter les modalités de son application.

L’objet du principe de l’audience publique est de mettre en opposition la transparence et le secret; ce ne devrait pas être d’opposer la transparence et la vie privée.

En effet, la vie privée peut et doit être préservée, même lorsque l’on vise d’autres résultats importants de la transparence — plus particulièrement la légitimité du processus juridictionnel, la responsabilisation de la cour ou du tribunal, et l’assurance de la confiance du public à l’égard du système juridique.

Au Canada, les tribunaux utilisent fréquemment Internet comme moyen efficace et peu coûteux de communiquer leurs décisions au public. Les avantages de cet outil de communication sont nombreux. En publiant leurs décisions par voie électronique, les tribunaux peuvent mieux informer le public de leur mandat, donner facilement accès à des décisions faisant jurisprudence, promouvoir la transparence et faire preuve de responsabilité.

Toutefois, les décisions des tribunaux peuvent contenir une quantité importante de renseignements personnels, dont certains, comme les renseignements sur les problèmes de santé, la situation financière ou les troubles de santé mentale, sont de nature délicate.

Bien souvent, les modalités de publication en ligne des décisions des tribunaux et des renseignements personnels qu’elles contiennent n’ont pas été adaptées à la réalité, à savoir qu’Internet donne un accès illimité aux décisions juridiques à un nombre infini de personnes, qui peuvent en utiliser le contenu à leur gré.

Un article de presse paru au Canada il y a quelques années expose bien l’effet d’Internet sur le droit à la vie privée dans les questions de justice. L’article portait sur le nouveau système de dossiers judiciaires en ligne de la Colombie‑Britannique.

Le système en ligne permet de chercher des renseignements sur n’importe quel procès civil ou criminel impliquant quiconque — même ceux qui n’ont écopé que d’une contravention pour stationnement interdit.

Le système était tellement populaire à ses débuts qu’il est devenu difficile d’y accéder en raison de l’énorme achalandage en ligne. Il y avait une file d’attente numérique pour accéder au système.

Une défenseure de la vie privée a souligné qu’elle n’avait jamais entendu parler de file d’attente au greffe pour avoir accès à ce type d’information. En effet, les contraintes jadis imposées par les documents papier avaient un effet dissuasif.

Je crois que personne ne soutient que cet appétit de plus en plus vorace pour des renseignements personnels sur autrui répond uniquement à un objectif social. Cela cache probablement d’autres intentions, souvent beaucoup moins nobles — comme la curiosité sans bornes et parfois malsaine de certains membres du public et le désir d’autres personnes d’exploiter cette source en ligne à des fins commerciales ou, dans d’autres cas, de faire des gains au moyen du vol d’identité.

L’accès en ligne facile à ces renseignements peut également favoriser la discrimination, l’intimidation et le harcèlement criminel.

Approche adoptée par le Commissariat

Le Commissariat n’est pas convaincu que le grand public a besoin de savoir le nom des personnes mises en cause dans une affaire ou d’accéder à des détails personnels intimes par l’entremise des décisions affichées à grande échelle sur Internet.

Le Commissariat a conclu que la communication électronique complète des renseignements personnels contenus dans les motifs de décisions des tribunaux n’est pas compatible avec les fins pour lesquelles les renseignements ont été obtenus. Les tribunaux recueillent plutôt des renseignements personnels pour rendre des décisions en fonction des faits propres à une affaire.

Le Commissariat croit que l’intérêt du public en ce qui concerne l’accès à l’information sur les délibérations des tribunaux ne s’étend pas automatiquement ou nécessairement aux renseignements permettant d’identifier des participants.

La simple suppression d’identificateurs directs et évidents comme le nom représente vraisemblablement le moyen le plus efficace de protéger adéquatement la vie privée des personnes. Ce mode de protection ne menace pas l’indépendance des tribunaux et fait en sorte que les faits et les enjeux liés à chaque cas particulier sont débattus en profondeur et avec transparence.

Si l’intérêt public relatif aux renseignements permettant d’identifier des personnes est réel et convaincant, et qu’il l’emporte nettement sur l’atteinte à la vie privée qui en résultera, les institutions peuvent, à leur discrétion, dévoiler de tels renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

De même, si une loi ou un règlement autorise la communication de renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels n’interdit pas cette communication, reconnaissant ainsi le droit du Parlement de créer des régimes de divulgation qui tiennent compte du mandat d’un tribunal particulier et des exigences du principe de l’audience publique.

Je ne dis pas que l’équilibre entre la transparence et le respect de la vie privée sera toujours facile à atteindre, mais ces deux notions ne sont pas incompatibles. Le principe de l’audience publique n’équivaut pas à une chasse ouverte aux renseignements personnels présentés devant des tribunaux ou d’autres organismes quasi judiciaires.

Exemples de cas concrets

Au fil des ans, à mesure que les tribunaux administratifs assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels commençaient à afficher leurs décisions en ligne, des personnes se sont plaintes que leurs renseignements personnels contenus dans des décisions avaient été affichés sur Internet, à leur insu et sans leur consentement.

La plupart de ces personnes avaient entré leur nom dans un moteur de recherche pour voir apparaître des décisions vieilles de 5, 10 ou même 15 ans.

De nombreux plaignants nous ont dit avoir été déconcertés d’apprendre —généralement sans préavis — que de tels renseignements étaient publiés sur Internet et pouvaient être lus par des voisins, des collègues ou des employeurs potentiels.

Une faute ou une erreur de jugement commise il y a longtemps pourrait continuer à hanter une personne pendant de nombreuses années. Même si aucune allusion n’est faite à une erreur passée, les renseignements personnels communiqués pourraient être profondément embarrassants.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de cas réels qui nous ont été soumis.

Nous avons reçu nombre de plaintes à l’égard du juge‑arbitre du Canada sur les décisions, qui reçoit les appels relatifs aux prestations d’assurance‑emploi. En 1996‑1997, le juge‑arbitre a commencé à afficher en ligne ses décisions non dépersonnalisées, en commençant par ses 60 ans d’archives. De nombreuses personnes ont été très surprises de voir que des décisions datant de plusieurs années apparaissaient à la tête de la liste des résultats lorsqu’ils faisaient une recherche sur Internet à partir de leur nom.

Une femme a été surprise de voir son nom surgir dans une décision d’il y a 12 ans, où on l’identifiait comme copropriétaire d’une entreprise ayant fait de fausses déclarations au gouvernement fédéral, alors que la femme n’effectuait que du travail de bureau à contrat pour l’entreprise en question. Elle s’est plainte à nous qu’on associait son nom à une entreprise dans laquelle elle n’avait aucun intérêt et qu’on salissait son nom.

Une animatrice de radio à la recherche d’un nouvel emploi a appris d’un employeur potentiel qu’une recherche sur Internet à partir de son nom donnait comme résultat une décision relative à un appel qu’elle avait logé 14 ans auparavant au sujet d’une demande d’assurance‑emploi. L’employeur potentiel aurait dit à la femme que s’il l’embauchait, il s’exposerait à la raillerie et à la critique de ses compétiteurs, toujours à la recherche d’occasions de miner la crédibilité des animateurs des stations concurrentes.

Un homme s’est plaint que lorsqu’on faisait une recherche sur Internet à partir de son nom, on obtenait une décision relative à l’assurance‑emploi dont le premier paragraphe l’associait à un dossier criminel pour lequel il avait obtenu un pardon plusieurs années auparavant.

Une femme qui faisait appel d’une décision au sujet de sa rente d’invalidité a découvert que son nom, son adresse et les détails sur son invalidité étaient affichés en ligne dans le cadre de la décision d’un tribunal. Pour tout le monde, les renseignements de ce genre sont très personnels, mais la plaignante était d’autant plus désemparée qu’elle avait l’impression que la communication de ces renseignements la rendait vulnérable dans son quartier plutôt défavorisé.

Le dernier cas que je vous soumets pour illustrer l’impact sur la vie privée de la publication sur Internet de décisions de tribunaux administratifs est lié à une plainte que nous avons reçue à l’égard de la Commission d’appel des pensions. Une femme implorait la Commission de ne pas afficher sur Internet une décision contenant des renseignements sur ses parents, sa relation avec son premier mari et un trouble psychologique dont elle avait souffert. Dans cette affaire, le tribunal en question a fini par acquiescer à la demande de la plaignante — mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.

Dans les cas qui nous ont été soumis où la plainte s’est avérée fondée, nous avons émis les recommandations suivantes :

  • Que les tribunaux administratifs dépersonnalisent de manière raisonnable les décisions ultérieures en utilisant des initiales choisies au hasard, ou qu’ils n’affichent sur Internet que des résumés de décisions qui ne contiennent aucun renseignement personnel permettant d’identifier des personnes.
  • Que les tribunaux administratifs respectent les lignes directrices du Commissariat quant à l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires dans tous les cas où l’affichage sur Internet d’une décision équivaudrait à une divulgation de renseignements personnels.
  • Que les décisions qui ont fait l’objet d’une plainte au Commissariat soient retirées d’Internet jusqu’à ce qu’elles puissent être dépersonnalisées.
  • Que l’indexage selon le nom des causes antérieures par des moteurs de balayage Web soit restreint par l’entremise de protocoles d’exclusion, ou encore que toutes les décisions antérieures affichées sur Internet soient retirées ou dépersonnalisées de manière raisonnable dans les meilleurs délais.

Certains tribunaux administratifs ont amélioré leurs mesures de protection de la vie privée, mais je suis déçue de constater que, malgré l’intention claire du Parlement d’étendre la portée de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour inclure les renseignements personnels traités par des tribunaux administratifs et malgré le plaidoyer convaincant visant à empêcher la communication de renseignements permettant d’identifier des personnes, dans bien des cas, le problème de communication excessive persiste.

Même après avoir été informées des préoccupations que soulèvent leurs politiques et leurs pratiques en matière de protection de la vie privée, la plupart des institutions fédérales hésitent à les modifier. En fait, certaines ont même informé le Commissariat de leur volonté de continuer à communiquer des renseignements personnels de nature délicate comme elles l’ont toujours fait.

D’autres institutions ont pris des mesures importantes, mais insuffisantes, pour mieux se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels. À la suite de nos enquêtes, des institutions ont mis en œuvre des mesures techniques pour empêcher que les principaux moteurs de recherche ne génèrent des documents qui contiennent le nom des personnes qui sont concernées par le processus décisionnel. D’autres ont convenu d’utiliser des initiales au lieu du nom complet.

La diversité des réponses aux recommandations du Commissariat signifie que la protection de la vie privée des Canadiennes et des Canadiens est inconstante même parmi les institutions examinées.

La Loi sur la protection des renseignements personnels ne nous autorise pas à présenter cette affaire devant les tribunaux pour obtenir des conseils supplémentaires. Cependant, le Commissariat s’engage à continuer de collaborer avec les institutions fédérales qui résistent à la mise en œuvre de ses recommandations destinées à protéger les renseignements personnels. Nous espérons qu’un dialogue constructif permettra de convaincre les institutions de prendre les mesures nécessaires pour protéger la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.

Assurer l’intégration de la transparence et du respect de la vie privée

Pour officialiser les positions qu’il a adoptées dans ses conclusions d’enquête, le Commissariat a diffusé au début de 2010 une série de lignes directrices sur ce que les tribunaux administratifs doivent prendre en considération lorsqu’ils songent à publier leurs décisions en ligne. Ces lignes directrices, que nous avons rendues publiques plus tôt cette année, ont été élaborées en collaboration avec nos collègues provinciaux et territoriaux.

Tenant compte du fait que les tribunaux diffèrent les uns des autres en ce qui concerne leur loi habilitante et leurs mandats, les lignes directrices préconisent une méthode générale plutôt qu’une solution uniformisée.

Lignes directrices

En premier lieu, nous invitons les tribunaux à faire preuve de transparence, pour réduire le risque de conflits liés à la protection de la vie privée, et pour aider les parties à gérer leurs attentes et leur permettre de faire des choix éclairés.

Par exemple, nous recommandons que les tribunaux informent les parties des politiques, des lois et des règlements particuliers qui régissent leurs pratiques en matière de traitement de l’information.

Les tribunaux devraient aussi publier un avis détaillé décrivant comment les renseignements personnels sont traités lorsque les motifs de décisions sont publiés en ligne.

Lorsque les tribunaux peuvent faire usage de leur pouvoir discrétionnaire pour la communication des renseignements personnels que contiennent les décisions affichées sur Internet, ils devraient élaborer une politique pour orienter chaque décision.

Les lignes directrices incitent les tribunaux à se demander, à titre de pratique exemplaire, si des versions dépersonnalisées ou anonymisées des décisions pourraient être une solution viable à la communication de l’ensemble des renseignements.

Si des marques d’identification personnelle doivent être incluses dans les décisions d’un tribunal, nous encourageons les tribunaux à supprimer du texte à communiquer tous les éléments de données qui ne sont pas pertinents à la décision elle‑même. Je fais ici référence à l’adresse, à la date de naissance, au nom des membres de la famille, aux numéros d’identification des documents, ainsi qu’au nom et à l’adresse du lieu de travail.

Lorsque les noms doivent être affichés en ligne, les lignes directrices recommandent que les tribunaux utilisent des protocoles d’exclusion des robots informatiques de façon à ce qu’une simple recherche par nom dans Google ne permette pas de trouver la décision.

Les tribunaux devraient en outre informer les parties des mesures qu’elles peuvent prendre pour protéger leurs renseignements personnels avant une audience publique. Par exemple, il n’y a habituellement aucune raison pratique pour inclure des renseignements personnels superflus, comme les numéros d’identification attribués par le gouvernement, dans leurs observations.

À l’ère d’Internet

En résumé, je pense que nous pouvons convenir qu’il existe des moyens de respecter le principe de l’audience publique tout en évitant ou en diminuant le plus possible les préjudices injustifiés pour les personnes.

Ils sont injustifiés dans la mesure où les personnes touchées sont simplement des témoins, des membres de la famille ou des gens qui se présentent devant un tribunal quasi judiciaire dans l’espoir de dénouer une situation liée au travail, d’obtenir une prestation ou de trouver refuge au Canada.

Le simple fait que nous demandions aux institutions de soupeser les intérêts divergents ne met pas en péril le principe fondamental de la transparence dans les processus juridictionnels.

Nous demandons seulement que la communication de renseignements personnels se fasse dans l’intérêt public, et que l’intérêt public l’emporte réellement sur l’intérêt des personnes les plus directement, et éventuellement les plus sérieusement, touchées.

Nous croyons que cette approche nuancée, raisonnable et équilibrée est équitable pour tous.

Signaler un problème ou une erreur sur cette page
Erreur 1: Aucune sélection n’a été faite. Vous devez choisir au moins une réponse.
Veuillez cocher toutes les réponses pertinentes (obligatoire) :

Remarque

Date de modification :