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Lettre portant sur les propositions relatives à l'accès légal rédigée par les commissaires à la protection de la vie privée du Canada et les protecteurs des citoyens et destinée à Sécurité publique Canada
La commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, de concert avec les protecteurs de la vie privée provinciaux et territoriaux, ont envoyé une lettre au sous-ministre de Sécurité publique Canada au sujet des risques pour la vie privée découlant de l'initiative du gouvernement de modifier la législation régissant l'utilisation de la recherche électronique, de la saisie et de la surveillance. Des copies de cette lettre, datée du 9 mars 2011, ont aussi été envoyées aux membres du Comité permanent de la Chambre des communes de la sécurité publique et nationale et aux membres du Comité permanent de la Chambre des communes de la justice et des droits de la personne.
Le 9 mars 2011
William V. Baker
Sous-ministre
Sécurité publique Canada
269, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0P8
Monsieur le Sous-Ministre,
Les commissaires à la protection de la vie privée du Canada sont encore préoccupés par l'initiative sur l'accès légal mise de l'avant par le gouvernement, plus particulièrement le projet de loi C-52, soit la Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention. Le 18 janvier 2011, nous avons organisé une téléconférence portant sur cette question et nous aimerions partager avec vous le contenu de notre discussion. Bien que nous comprenions les besoins légitimes des organismes chargés de l'application de la loi et de la sécurité nationale, ainsi que les problèmes auxquels ils sont confrontés dans un contexte d'émergence des nouvelles technologies, nous aimerions attirer votre attention sur nos inquiétudes relativement à l'absence de limites imposées aux pouvoirs d'accès, à la vaste gamme de renseignements qui peuvent être recueillis et fournis sans mandat par les entreprises de télécommunication, ainsi qu'au caractère inadéquat des mesures de contrôle internes du modèle de surveillance et aux vides juridiques qu'il renferme.
L'initiative d'accès légal dans son ensemble
Interprétées conjointement, les dispositions des projets de loi C-50, C-51 et C 52 (renforcées par les modifications apportées aux projets de loi C-22 et C-29) porteraient considérablement atteinte au droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens en élargissant la capacité de surveillance de l'état de même que l'accès qu'a celui-ci aux renseignements personnels, et ce tout en réduisant la fréquence et la vigueur du contrôle judiciaire. Essentiellement, ces dispositions permettent à l'état de soumettre un plus grand nombre de personnes à une surveillance minutieuse.
Bien que nous sachions que les organismes chargés de l'application de la loi et de la sécurité nationale se doivent d'être efficaces dans un environnement caractérisé par l'importance grandissante que revêtent les nouvelles technologies de l'information, ce serait inexact de laisser entendre que ces projets de loi ne serviront qu'à maintenir la capacité de ces organismes. L'ensemble des modifications proposées et des nouveaux pouvoirs accroît de façon importante la capacité des enquêteurs à retracer, à chercher et à saisir les renseignements numériques des personnes.
De plus, il est important de noter que les autorités canadiennes n'ont jamais fourni au public de preuves ni d'explications selon lesquelles le SCRS ou tout autre organisme d'application de la loi au Canada auraient eu de la difficulté à s'acquitter de ses fonctions en raison de lacunes relatives aux mesures législatives actuelles ou aux fournisseurs de services de télécommunication et à leur mode de fonctionnement. Il faut être en mesure de démontrer, préalablement à leur mise en oeuvre, la nécessité et la proportionnalité des nouveaux pouvoirs. Même si les autorités canadiennes peuvent prouver, en dernier ressort, que les enquêtes effectuées dans un environnement numérique sont entravées, tous les pouvoirs octroyés afin de pallier ce problème doivent faire l'objet d'une surveillance rigoureuse et indépendante.
La Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention (projet de loi C-52)
Les entreprises de télécommunication ont libre accès, en vertu de l'article 16, aux données des abonnés. Nous sommes inquiets du fait que les pouvoirs proposés ne sont sujets à aucune forme de restriction. Les responsables de la surveillance de la protection de la vie privée au Canada ont exprimé des réserves à cet égard. La liste de ces réserves figure dans une résolution signée de façon conjointe par tous les commissaires à la protection de la vie privée du Canada à la suite du dépôt initial de projets de loi similaires en 2009. Vous trouverez ci-joint un exemplaire de la résolution.
Nous sommes inquiets de la quantité de renseignements personnels auxquels les autorités auraient accès sans mandat en vertu de l'article 16 du projet de loi C-52 (par exemple les numéros confidentiels, les données contenues dans les comptes de messagerie électronique et les adresses IP). En fait, le gouvernement est d'avis que ces renseignements sont de nature suffisamment délicate pour que la communication de ces données sur l'identité soit considérée comme une infraction au Code criminel. Beaucoup de Canadiennes et de Canadiens croient que ces renseignements sont de nature délicate et méritent d'être protégés, ce qui ne correspond pas au modèle auto-autorisé proposé de libre accès.
À l'heure actuelle, en vertu de l'article 487.013 du Code criminel, les enquêteurs doivent avoir une autorisation judiciaire pour obtenir des renseignements sur les clients comme le nom, l'adresse ou les numéros de compte d'une institution financière ou d'une entité commerciale. Comme vous le savez, les articles 16 et 17 du projet de loi C-52 octroient aux organismes d'application de la loi, au SCRS et aux fonctionnaires chargés des questions de concurrence un accès sans mandat aux renseignements des abonnés détenus par les entreprises de télécommunication. à notre avis, l'accès qu'ont les organismes chargés de l'application de la loi et de sécurité aux renseignements liant les abonnés aux appareils et les appareils aux abonnés devrait en général faire l'objet d'un examen juridique minutieux initial et être accompagné de mesures de contrôles appropriées.
Absence de modèle de surveillance approprié
Nous sommes également inquiets du modèle de surveillance. Le paragraphe 20(4) prévoit des pouvoirs de vérification pour le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Or, ces pouvoirs sont déjà prévus à l'article 18 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cependant, cette disposition additionnelle ne peut augmenter les mesures de surveillance actuelles si le Commissariat ne dispose pas de ressources supplémentaires.
De plus, nous croyons que les mesures de protection concernant la vérification et les rapports devraient être renforcées. En ce qui a trait aux vérifications internes mentionnées au paragraphe 20(2), l'exigence selon laquelle tout organisme chargé de l'application de la loi et de la sécurité doit établir un rapport « à l'intention du ministre compétent [?] sur toute question découlant de la vérification qui, à son avis, doit être portée à la connaissance de celui-ci » devrait être assujettie à une norme objective. Les organismes devraient être expressément tenus de signaler toute pratique de collecte, d'utilisation ou de conservation de données qui ne semble pas être nécessaire dans le cadre des tâches et des fonctions pour lesquelles ces données ont d'abord été obtenues.
Rôles respectifs des responsables de la protection de la vie privée fédéral, provinciaux et territoriaux
Quant aux mesures de surveillance, nous croyons que le paragraphe 20(6) est encore plus problématique, car il oblige le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada à « faire état du pouvoir qu'ils [les fonctionnaires] possèdent de procéder à des vérifications semblables à celles visées au paragraphe (4) à l'égard des services de police constitués sous le régime des lois de leur province ». Bien que le Commissariat exerce une autorité sur la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), cette disposition ne traite pas de façon adéquate le cas des services de police municipaux ou provinciaux, qui ne sont pas assujettis à l'autorité des commissaires provinciaux ou territoriaux à la protection de la vie privée ou du CPVP.
En outre, le projet de loi ne comble pas le vide juridique des administrations, où les responsables de la protection de la vie privée ne disposent pas des pouvoirs nécessaires pour vérifier la conformité des services de police provinciaux et municipaux. Ces lacunes sont évidentes dans de nombreuses administrations. Même si le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pourrait, certes, appliquer, à l'égard de la GRC, les dispositions portant sur la vérification, les commissaires provinciaux et territoriaux croient que le vide juridique pose également un problème au niveau local, notamment l'augmentation des risques liés à la protection de la vie privée et la dépréciation d'un examen efficace et opportun.
Nous sommes également inquiets du fait que seulement quelques-unes de nos organisations ont été consultées dans le cadre de ce processus, et ce en dépit de notre rôle d'examen en vertu de l'alinéa 20(3)c). À cette fin, nous insistons pour que les fonctionnaires fédéraux compétents reprennent leurs discussions avec les bureaux provinciaux du procureur général ou leurs équivalents territoriaux, ce qui mènerait à un échange plus ouvert avec les commissaires provinciaux sur ces questions.
Conclusion
Dans la résolution de 2009, nous avons formulé collectivement de nombreuses recommandations, que pourront considérer les législateurs dans le cadre de leur examen des différentes mesures législatives qui composent l'initiative. Nous croyons que les nouveaux pouvoirs ne sont pas justifiés, que des solutions de rechange moins envahissantes pourraient être étudiées et qu'il est crucial de mettre au point une approche plus adéquate et mieux ciblée. à notre avis, l'équilibre n'a pas encore été atteint dans ce domaine.
Nous aimerions donc remédier à ces faiblesses en palliant certaines lacunes sur le plan législatif. Les responsables provinciaux et territoriaux de la protection de la vie privée demanderaient que la commissaire à la protection de la vie privée, dans le cadre de son rapport au Parlement sur le caractère adéquat des pouvoirs de vérification et d'enquête, soit investie de l'autorisation expresse d'indiquer si ces responsables considèrent ou non posséder les ressources appropriées pour mener les vérifications et les examens requis. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, le gouvernement fédéral doit s'engager à travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de veiller à ce que tous les responsables de la protection de la vie privée concernés détiennent les pouvoirs et les ressources adéquates.
Nous avons l'intention de fournir au Parlement et au public des analyses plus approfondies et un soutien accru relativement aux répercussions globales sur la vie privée des mesures législatives sur l'accès légal qui sont proposées. Nous sommes également d'avis que les aspects de cette initiative portant sur la réglementation et les rapports doivent être aussi ouverts et transparents que possible. Nous sommes reconnaissants de l'attention que vous porterez à ces inquiétudes.
Veuillez agréer, Monsieur le Sous-Ministre, l'expression de notre considération distinguée.
Jennifer Stoddart
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
Frank Work, c.r.
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta
Elizabeth Denham
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie Britannique
Irene Hamilton
Ombudsman du Manitoba
Anne E. Bertrand, c.r.
Commissaire à l'accès à l'information et à la protection de la vie privée du Nouveau Brunswick
Ed Ring
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de Terre-Neuve-et-Labrador
Elaine Keenan Bengts
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée des Territoires du Nord-Ouest et commissaire à l'information et à la protection de la vie privée du Nunavut
Dulcie McCallum
Agente de révision, Bureau d'examen de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée de la Nouvelle-écosse
Ann Cavoukian, Ph.D
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario
Maria C. MacDonald
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'île-du-Prince-édouard
Me Jean Chartier
Président, Commission d'accès à l'information du Québec
R. Gary Dickson, c.r.
Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan
Tracy-Anne McPhee
Ombudsman et commissaire à l'information et à la protection de la vie privée du Yukon
Pièce jointe (1) : Résolution fédérale-provinciale-territoriale de 2009
Copie conforme :
Président du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (JUST)
Président du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes (SECU)
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