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Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada fait connaître publiquement ses commentaires au sujet de l'avant-projet de loi ontarienne sur la protection des renseignements personnels

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Avril 2004

Ottawa, le 8 avril 2002 - Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, George Radwanski, a fait parvenir la lettre suivante à l'honorable Norman Sterling, ministre des Services aux consommateurs et aux entreprises le 28 mars 2002:

Objet : Consultation sur l'ébauche de la Loi de 2002 sur la protection des renseignements personnels

Monsieur le ministre,

Je suis heureux de cette occasion de commenter l'avant-projet de la Loi de 2002 sur la protection des renseignements personnels.

Je reconnais qu'il s'agit là d'un avant-projet qui sera sans doute révisé avant son dépôt à l'Assemblée législative de l'Ontario. Néanmoins, il m'est apparu opportun de faire quelques commentaires généraux à ce stade-ci. L'objet de mes commentaires est d'aider votre ministère à comprendre les critères que j'appliquerai lorsque je serai appelé à évaluer une loi provinciale pour établir si elle est semblable à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE).

La LPRPDE m'oblige à déposer un rapport annuel au Parlement du Canada sur la « mesure dans laquelle les provinces ont édicté des lois essentiellement similaires » à la LPRPDE.

Cette obligation appuie l'alinéa 26(2)b) de la LPRPDE, qui permet au gouverneur en conseil d'exclure une organisation, une catégorie d'organisations, une activité ou une catégorie d'activités de l'application de la partie 1 de la Loi à l'égard de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements personnels qui s'effectue à l'intérieur d'une province ayant une loi provinciale essentiellement similaire à la LPRPDE.

Si une loi provinciale n'est pas réputée essentiellement similaire, ou si la province décide de ne pas édicter de loi essentiellement similaire, la LPRPDE commencera à s'appliquer, le 1er janvier 2004, à la collecte, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels dans le cadre d'une activité commerciale à l'intérieur de la province en cause.

J'ai déclaré dans mon Rapport annuel que j'interpréterai une loi comme « essentiellement similaire » si elle offre un degré et une qualité de protection de la vie privée égaux ou supérieurs à la LPRPDE. J'ai également indiqué que pour être considérée comme essentiellement similaire, une loi provinciale devra refléter les dix principes établis à l'annexe 1 de la LPRPDE. Les dix principes sont fondamentaux, mais je considère que le consentement, le critère de la personne raisonnable, les droits d'accès et de correction, la surveillance et le recours sont les composantes clés d'une évaluation de ce qui est essentiellement similaire.

Cela rejoint l'approche exposée par le ministère de l'Industrie dans un avis publié dans la Gazette du Canada, partie 1, du 22 septembre 2001. L'avis explique le processus que le ministère suivra pour déterminer si une loi provinciale/territoriale sera réputée essentiellement similaire.

Selon l'avis de la Gazette du Canada, pour que le ministre juge qu'elle est essentiellement similaire, la loi provinciale ou territoriale doit :

  • incorporer les dix principes de l'annexe 1 (article 5) de la LPRPDE;
  • fournir un mécanisme indépendant et efficace de surveillance et de recours et des pouvoirs d'enquête; et
  • restreindre la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels à des fins appropriées et légitimes.

Le processus sera enclenché lorsqu'une province, un territoire ou une organisation signalera au ministre de l'Industrie une loi qu'il ou elle juge similaire à la LPRPDE. Le ministre pourra également agir de sa propre initiative et recommander au gouverneur en conseil de désigner une loi provinciale ou territoriale comme essentiellement similaire.

L'avis énonce que le ministre demandera au commissaire à la protection de la vie privée de lui dire si, à son avis, la loi est essentiellement similaire et inclura les vues du commissaire dans la demande au gouverneur en conseil.

Avant de commenter les aspects particuliers de la loi, je devrais expliquer la structure de mes commentaires. Je n'ai pas répondu aux questions soulevées dans le document de consultation. Les organisations et les individus qui risquent d'être directement touchés par la nouvelle loi sont mieux placés que moi pour répondre à un grand nombre de ces questions. J'ai limité mes commentaires aux aspects de l'ébauche de la loi qui présentent davantage d'intérêt pour une évaluation de la question de savoir si une loi fondée sur cette ébauche serait considérée comme essentiellement similaire.

Mes commentaires portent sur les points suivants :

  • les dix principes de la LPRPDE et le critère de la personne raisonnable;
  • la portée de l'ébauche de la loi;
  • le pouvoir de réglementation;
  • le consentement;
  • les droits d'accès et de correction;
  • la surveillance;
  • la réparation;
  • les dispositions qui concernent particulièrement les renseignements personnels sur la santé; et
  • les renseignements personnels sur la santé et la recherche.

Comme je l'ai dit plus haut, pour être considérée comme essentiellement similaire, la loi provinciale doit refléter les dix principes énoncés à l'annexe 1 de la LPRPDE. Je suis heureux de voir que l'ébauche de la loi incorpore chacun des dix principes. Elle renferme également un critère de la personne raisonnable à l'article 1, celui concernant les Objets. Et elle le retient également à l'alinéa 22(1)b).

Le reste de ma lettre traite de divers aspects particuliers de l'ébauche de la loi. J'espère que ces premiers commentaires seront utiles, et je tiens à souligner qu'il ne faut pas y voir une forme de détermination formelle ou définitive de la mesure dont cette ébauche est essentiellement similaire à la LPRPDE.

Portée

Il faut certes se réjouir de la vaste portée de la loi, mais l'article 7 fixe certaines catégories de renseignements auxquelles l'ébauche de la loi ne s'applique pas. Je suis préoccupé par les alinéas e), f), et k).

Les alinéas e) et f) excluent les renseignements personnels sur la santé qui sont recueillis ou produits aux fins d'une instance en matière de relations syndicales ou aux fins de négociations en matière de relations de travail, jusqu'à la conclusion des négociations. La nécessité de ces alinéas n'est pas expliquée, et elle ne tombe pas sous le sens.

J'ai de sérieuses réserves au sujet de l'alinéa 7 (1)k), qui permet d'élargir par voie de règlement la portée des activités à laquelle la Loi ne s'applique pas. Cela priverait la Loi de la certitude et de la spécificité essentielles pour qu'elle soit essentiellement similaire à la loi fédérale.

Pouvoir de réglementation

L'alinéa que je viens de citer est un exemple d'une grave lacune de l'ébauche de la loi-le vaste pouvoir qui est donné au lieutenant-gouverneur en conseil de prendre des règlements. Ce pouvoir de prendre des règlements est si vaste qu'il pourrait restreindre de façon exagérée la portée de la loi proposée et affaiblir les pratiques équitables relatives aux renseignements-par exemple, les dispositions de consentement et les droits d'accès et de correction dont il est question plus loin. Par contraste, le pouvoir de réglementation que confère la LPRPDE est plus limitée.

En vertu du paragraphe 80(1), le lieutenant-gouverneur en conseil peut prendre des règlements à diverses fins, et notamment pour :

  • préciser que certains genres de renseignements doivent ou ne doivent pas être inclus dans la définition de renseignements personnels sur la santé;
  • soustraire des organisations ou des dépositaires de renseignements sur la santé à toute disposition de la Loi ou des règlements;
  • préciser les circonstances dans lesquelles une organisation n'est pas tenue de se conformer à ses pratiques relatives aux renseignements;
  • traiter de toute question nécessaire ou souhaitable pour réaliser efficacement les objets de la Loi.

En outre, il y a d'autres articles de la nouvelle loi qui concernent l'utilisation des règlements, par exemple l'alinéa 35d), comme nous le verrons plus loin, qui permet d'utiliser des renseignements personnels sans consentement « dans les cas prévus aux règlements pour l'application du présent alinéa ».

Ce vaste pouvoir de réglementation fait qu'il est très difficile d'évaluer le niveau effectif de protection accordé par la mesure envisagée. Par exemple, le pouvoir de prendre des règlements pour soustraire les organisations à l'obligation de se conformer à certaines pratiques relatives aux renseignements pourrait servir à permettre à une certaine catégorie d'organisations de refuser l'accès, ou encore servir à permettre de nouvelles utilisations ou divulgations sans consentement.

Le pouvoir de réglementation est si vaste qu'il laisse effectivement une porte de sortie pour modifier la loi. Le pouvoir de prendre un règlement ne devrait pas être assez vaste pour pouvoir servir à affaiblir les principes de base.

Consentement

Je définis la protection des renseignements personnels comme le droit de contrôler l'accès à sa personne et aux renseignement personnels la concernant. L'individu ne peut exercer ce contrôle sans la capacité de donner ou de refuser son consentement à l'utilisation des renseignements personnels. L'obligation de consentement doit être cour de toute bonne loi sur la protection de la vie privée.

L'approche globale du consentement dans l'ébauche de la loi est louable. En particulier, je me réjouis de l'accent mis sur le consentement exprès. Ainsi, au paragraphe 8(1), il faut un consentement exprès à la collecte de renseignements personnels sur la santé par une organisation qui n'est pas un dépositaire de renseignements sur la santé.

Cependant, le régime du consentement dans l'ébauche de la loi est affaibli par le grand nombre de cas où le consentement n'est pas obligatoire pour la collecte, l'utilisation ou la divulgation de renseignements personnels.

La collecte, l'utilisation et la divulgation de renseignements personnels sans le consentement de l'individu ne devraient être permises que dans des circonstances exceptionnelles. L'ébauche de la loi permet la collecte, l'utilisation ou la divulgation sans consentement dans un trop grand nombre de cas :

  • l'alinéa 33(1)i) permet la collecte sans consentement lorsqu'elle « est autorisée ou exigée par la loi ». Il faudrait resserrer cette disposition en éliminant le mot « autorisée ». Parce que l'utilisation et la divulgation sans consentement sont permises lorsque la collecte sans consentement l'est, le retrait du mot « autorisée » empêcherait aussi l'utilisation et la divulgation sans consentement si elles sont autorisées par la loi;
  • l'alinéa 35d) permet l'utilisation des renseignements personnels sans consentement « dans les cas prévus aux règlements pour l'application du présent alinéa ». C'est l'un des nombreux exemples dans la loi où le pouvoir de réglementation risque d'enlever tout son sens à la loi. Il faudrait retirer ce paragraphe;
  • la nécessité de l'alinéa 37(1)j), qui permet la divulgation sans consentement à une autre organisation ou à ses conseillers professionnels n'est pas apparente et est expliquée en termes trop vastes. D'autres dispositions permettent des divulgations sans consentement pour recouvrer une dette et des divulgations aux avocats pour représenter ou conseiller l'organisation. De même, l'ébauche de la loi permet à une organisation de divulguer des renseignements à un mandataire qui exerce des fonctions au nom de l'organisation.

La capacité de retirer le consentement est un élément important de la capacité de l'individu d'exercer le contrôle sur ses renseignements personnels. Le paragraphe 12(1) fixe les circonstances où le consentement ne peut être retiré. Je m'élève vigoureusement contre les alinéas 12(1)f) et 80(1)j), qui permettent de préciser par règlement d'autres circonstances où le consentement ne peut être retiré.

Droits d'accès et de correction

Les droits effectifs d'accès et de correction sont une composante essentielle d'une bonne loi sur la protection de la vie privée. En exerçant ces droits, les individus peuvent aider à surveiller les pratiques d'une organisation en veillant à ce qu'elle ne recueille pas de renseignements excessifs et n'utilise pas de renseignements inexacts dans les décisions qui pourraient les toucher.

L'ébauche de la loi a des règles distinctes d'accès pour les renseignements personnels sur la santé détenus par les dépositaires de renseignements sur la santé et pour les renseignements personnels détenus par d'autres organisations. Pour répondre à la question de consultation qui suit l'article 55, j'estime que les deux ensembles de règles manquent de clarté d'une part et sont inutiles de l'autre. Je reconnais qu'il peut être nécessaire de prévoir des dispositions particulières pour l'accès aux renseignements personnels sur la santé, mais elles devraient être intégrées dans les règles générales.

L'alinéa 56(1)a) permet de refuser l'accès si les renseignements ont trait à la sécurité ou à la défense du Canada ou à la conduite d'affaires internationales. L'alinéa 56(1)b) permet de refuser l'accès si les renseignements ont trait à l'exécution d'une loi ou d'un règlement ou à la conduite d'une enquête sur l'exécution d'une loi ou d'un règlement par un organisme d'enquête. Je comprends, certes, l'intention de ces deux dispositions, mais elles inspirent des préoccupations. En premier lieu, je ne vois pas comment l'organisation établira si les renseignements entrent dans ces catégories. Un détaillant, un organisme de bienfaisance ou un praticien de la santé risque peu d'avoir l'expertise voulue pour établir si la communication de certains renseignements menacera la sécurité nationale. Si les renseignements ont été divulgués à un organisme d'application de la loi ou à un organisme d'enquête, alors l'alinéa 56(1)c) et le paragraphe 56(8) permettraient de refuser l'accès, et ces dispositions ne seraient pas nécessaires. En second lieu, il devrait y avoir un processus pour permettre de surveiller l'utilisation de ces dispositions. Je recommanderais d'obliger toute organisation qui invoquerait ces motifs pour refuser l'accès à aviser le commissaire. La LPRPDE oblige à aviser le commissaire, par écrit, lorsque l'accès est refusé pour des motifs semblables à ceux de l'alinéa 56(1)c) et du paragraphe 56(8).

Les articles 57 et 59 permettent à une organisation ou à un dépositaire de renseignements sur la santé d'exiger que le particulier demandant l'accès « paie des droits raisonnables au titre du recouvrement des coûts, lesquels sont déterminés conformément aux règlements ». Le droit d'accès du particulier à ses renseignements personnels ne devrait pas être limité par le coût. La disposition permettant de renoncer aux droits si le paiement devait causer des difficultés financières à l'auteur de la demande n'est pas une solution suffisante. Bien au contraire, cette disposition pourrait, de fait, obliger le particulier à divulguer de nouveaux renseignements pour faire la preuve de ses difficultés financières.

La LPRPDE prévoit qu'il ne peut être exigé que des « droits minimes » d'accès. D'après notre expérience de la LPRPDE jusqu'ici, cette disposition n'a pas posé de problème aux organisations soumises à la loi.

L'article 32 fait également état des droits exigibles, mais sans préciser s'ils ont trait à l'accès. L'intention de cette disposition est à préciser.

Les droits de correction dans l'ébauche de la loi sont compatibles avec ceux de la LPRPDE.

Surveillance

Je suis heureux que le commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario ait été désigné responsable de la surveillance de la loi. Les pouvoirs accordés au commissaire de faire enquête sur les plaintes et d'effectuer des examens sont appropriés, à une exception près : le commissaire devrait avoir le pouvoir de contraindre des témoignages. Sans ce pouvoir, le commissaire ne peut avoir la certitude d'avoir tous les renseignements dont il a besoin pour effectuer une enquête ou un examen.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a le pouvoir de contraindre des témoignages, tant en vertu de la LPRPDE qu'en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Aucun de mes prédécesseurs ni moi-même n'ayons été obligés d'invoquer ce pouvoir, dont l'existence même a quand même été un moyen précieux pour favoriser la collaboration.

Recours

Il faut des dispositions de recours pour veiller à ce que les organisations qui contreviennent à une disposition de la loi puissent être tenues de mettre un terme à la pratique répréhensible ou de la modifier ou encore de prendre des mesures correctives. La capacité de poursuivre en justice ou de mettre à l'amende l'organisation prise en défaut est aussi essentielle. En outre, l'individu qui a été victime de ces pratiques doit pouvoir demander des dommages-intérêts.

Les dispositions de recours prévues dans l'ébauche de la loi diffèrent de celles de la LPRPDE, en partie en raison des pouvoirs du commissaire ontarien de rendre des ordonnances, mais elles demeurent appropriées.

Renseignements personnels sur la santé

La protection des renseignements personnels sur la santé est une question pressante et complexe qui soulève des difficiles questions d'éthique, de politique et de besoins sociaux non convergents. Les patients ont le droit de s'attendre qu'on ne recueillera pas leurs renseignements personnels sur la santé à moins que cela ne soit nécessaire pour les soigner. Ils ont le droit de s'attendre que ces renseignements ne seront jamais utilisés à leur détriment. Le particulier qui n'est pas convaincu que ses renseignements personnels sur la santé seront bien protégés pourrait hésiter à demander des soins médicaux ou à se confier sans réserve à son fournisseur de services de santé.

Nous avons tous un intérêt dans le système de soins de santé et nous avons tous un intérêt dans la protection des renseignements personnels sur la santé. C'est pourquoi il m'est apparu important de comparaître devant le Comité permanent des affaires gouvernementales le 8 février 2001 pour commenter le projet de loi du gouvernement de l'Ontario sur les renseignements personnels sur la santé (projet de loi 159).

Les dispositions de cette ébauche de la loi concernant les renseignements personnels sur la santé représentent une amélioration par rapport à celles du projet de loi 159 :

  • l'ébauche de la loi (paragraphes 8(1) et (2) et 8(7), alinéa 19(2)b) et article 54) prévoit une protection vigoureuse et spécifique pour les renseignements génétiques. Les organisations et les dépositaires de renseignements sur la santé doivent les unes comme les autres obtenir un consentement distinct et exprès à la collecte, l'utilisation ou la divulgation de renseignements génétiques. Les renseignements génétiques doivent aussi être conservés séparément des autres renseignements personnels sur la santé;
  • le consentement exprès est exigé pour la collecte de renseignements personnels sur la santé par une organisation qui n'est pas un dépositaire de renseignements sur la santé; et
  • dans l'ensemble, l'ébauche de la loi protège mieux les renseignements personnels sur la santé tout en permettant l'utilisation raisonnable de ces renseignements à des fins de recherche et administratives.

Bien qu'elle représente une amélioration importante par rapport à la loi 159, l'ébauche de la loi partage certaines des mêmes faiblesses. Comme nous l'avons signalé plus haut, le vaste pouvoir de réglementation inquiète. Le paragraphe 80(1) permet au lieutenant-gouverneur en conseil de prendre des règlements pour :

  • préciser les personnes qui ne doivent pas être incluses dans la définition de dépositaire de renseignements sur la santé;
  • préciser que certains genres de renseignements doivent ou ne doivent pas être inclus dans la définition de renseignements personnels sur la santé;
  • soustraire les dépositaires de renseignements sur la santé à toute disposition de la Loi ou des règlements.

La dernière disposition pourrait servir à affaiblir considérablement la protection accordée aux renseignements personnels sur la santé et à rompre le délicat équilibre réalisé ailleurs dans l'ébauche de la loi.

Comme dans le cas des dispositions générales traitant de la collecte, de l'utilisation et de la divulgation, le nombre de situations où le consentement n'est pas nécessaire pour la collecte, l'utilisation ou la divulgation de renseignements personnels sur la santé a de quoi inquiéter :

  • il faudrait modifier les dispositions qui permettent la collecte, l'utilisation ou la divulgation de renseignements personnels sur la santé lorsqu'elle est « autorisée par la loi » pour la permettre lorsqu'elle est « exigée par la loi »;
  • plusieurs des utilisations énoncées à l'alinéa 36(1)c), comme l'affectation des ressources et la surveillance et l'évaluation des programmes, ne sont pas directement liées aux soins d'un patient et devraient s'effectuer à l'aide de renseignements sur la santé qui ont été anonymisés;
  • en vertu des alinéas 37(1)e) et f) et 44i), l'organisation peut divulguer des renseignements personnels sur la santé sans consentement aux fins de l'administration, de l'exécution ou d'une enquête relative à l'exécution d'un règlement municipal. La nécessité de divulguer des renseignements personnels sur la santé aux fins de l'exécution d'un règlement municipal ne saute pas aux yeux;
  • en vertu de l'alinéa 39(1)e), le dépositaire peut divulguer des renseignements personnels sur la santé sans consentement à un registre ou un dépôt prescrit de renseignements personnels sur la santé aux fins de la recherche ou encore des renseignements personnels sur la santé « concernant l'entreposage. de parties du corps ou de substances corporelles ». Ces registres et dépôts seraient créés par règlement et les renseignements y conservés seraient soustraits à l'accès en vertu de l'alinéa 58(1)d). Le rôle de ces registres et dépôts est à préciser; et
  • Les paragraphes 39(3) et (4) permettent au ministre, à l'exploitant d'un service d'ambulance et à d'autres de se communiquer des renseignements entre eux pour les fins de la Loi sur les ambulances. C'est un autre cas où on voit mal comment des renseignements sur la santé anonymisés ne pourraient être utilisés.

En règle générale, il faut donner un préavis lorsqu'il y a des exemptions pour la collecte, l'utilisation ou la communication sans consentement de renseignements personnels sur la santé.

En vertu de l'article 46, un dépositaire de renseignements sur la santé est tenu de divulguer sans consentement au ministre de la Santé des renseignements personnels sur la santé aux fins de la surveillance et de la vérification des demandes de paiement des soins de santé financés de quelque manière par le ministère. Je comprends certes la nécessité de surveiller et de vérifier les demandes de paiement, mais je crois que le commissaire devrait avoir droit de regard sur ces divulgations.

Les règles au sujet des « renseignements sur la qualité des soins » qui se trouvaient dans le projet de loi se retrouvent maintenant dans une proposition de Loi de 2002 sur la protection des renseignements concernant la qualité des soins, qui a été annexée à l'ébauche de la loi. [Les renseignements sur la qualité des soins sont les renseignements qui sont recueillis ou produits par un comité de la qualité des soins dans le cadre de son rôle d'amélioration de la qualité des soins assurés par un hôpital ou un autre établissement.] Selon l'alinéa 58(1)a) et le paragraphe 63(1) respectivement, le particulier ne peut demander accès à ces renseignements ni se plaindre au sujet de ce qui constitue des renseignements sur la qualité des soins. L'ébauche de la loi justifie cette exemption en faisant valoir qu'elle est nécessaire pour « encourager les professionnels et les établissements de la santé à discuter ouvertement dans le but d'améliorer les soins offerts aux patients ». Étant donné l'importance de ces renseignements pour le particulier qui estime qu'un proche n'a pas reçu de bons soins, il semble excessif de refuser des droits d'accès et d'enlever la possibilité de se plaindre de ce que certains renseignements sont inclus comme renseignements sur la qualité des soins. Au minimum, le particulier devrait pouvoir porter plainte au commissaire sur ce qui constitue des renseignements relatifs à la qualité des soins.

Renseignements personnels sur la santé et recherche

Toute loi qui s'applique aux renseignements personnels sur la santé doit traduire un juste équilibre entre le contrôle de l'individu sur ces renseignements et l'intérêt de la société dans la recherche sur la santé. J'estime que le juste équilibre est celui qui protège les intérêts authentiques de l'individu tout en permettant la réalisation de recherches légitimes à l'aide de renseignements qui ne peuvent pas avoir d'incidences sur les individus qu'ils concernent.

Comme je l'ai expliqué dans mon Rapport annuel, j'ai l'intention de donner une vaste interprétation au paragraphe 7(2)c) de la LPRPDE, qui permet à l'organisation d'utiliser un renseignement personnel à l'insu de l'intéressé et sans son consentement si l'utilisation est faite à des fins statistiques ou à des fins d'étude ou de recherche érudites. La Loi fixe quatre critères pour l'utilisation de ces renseignements sans consentement :

  • les fins, dans le cas de la recherche, ne peuvent être réalisées sans que le renseignement soit utilisé;
  • le renseignement est utilisé d'une manière qui en assure le caractère confidentiel;
  • le consentement est pratiquement impossible à obtenir; et
  • l'organisation doit informer le commissaire de l'utilisation avant de la faire.

L'obligation d'utiliser le renseignement d'une manière qui en assure le caractère confidentiel est de première importance. Les renseignements personnels sur la santé peuvent être communiqués et utilisés sans consentement à des fins de recherche sur la santé, comme il est indiqué plus haut, pourvu qu'ils demeurent strictement dans le cadre du projet de recherche et ne puissent en rien porter préjudice à l'individu qu'ils concernent. Cela signifie que les renseignements personnels sur la santé ne peuvent jamais, en aucune circonstance, être communiqués aux employeurs de l'individu, à ses assureurs ou à ses proches, à des distributeurs ni à d'autres tiers. Cela signifie également que personne d'autre que son médecin ou autre fournisseur de soins de santé primaires ne peut communiquer avec l'individu.

Les dispositions de l'ébauche de la loi concernant l'utilisation des renseignements personnels sur la santé à des fins de recherche sont une amélioration par rapport à celles du projet de loi 159. L'article 45 permet aux dépositaires de renseignements sur la santé de divulguer des renseignements personnels sur la santé à un chercheur, sans consentement, pourvu que le projet soit examiné et approuvé par une commission d'éthique de la recherche. (Les renseignements personnels sur la santé détenus par des organisations

autres que des dépositaires de renseignements sur la santé peuvent être divulgués sans consentement « à des fins statistiques ou scientifiques ou à des fins d'étude ou de recherche érudites » en vertu des règles fixées à l'alinéa 33(1)e). L'article 45 énumère un certain nombre de facteurs dont les commissions d'éthique de la recherche doivent tenir compte dans l'évaluation des projets, y compris la question de savoir « s'il est nécessaire d'utiliser des renseignements personnels sur la santé sans consentement pour atteindre l'objectif de la recherche ».

Certains changements permettraient d'améliorer encore davantage ces règles :

  • l'article 45 empêche un chercheur de communiquer avec un particulier que concernent les renseignements à moins que le dépositaire n'autorise la prise de contact. Il faudrait resserrer cette disposition pour interdire le contact sauf par un médecin ou un fournisseur de soins de santé primaires; et
  • le commissaire devrait être informé du projet de recherche, avant même le début de la recherche, ce qui refléterait une disposition en ce sens de la LPRPDE et de l'alinéa 33(1)e) de la nouvelle loi.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de faire ces observations. J'ai hâte de prendre connaissance du projet de loi qui naîtra de ce processus de consultation. N'hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions au sujet de mes commentaires.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l'expression de mes sentiments le meilleurs.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada,
George Radwanski

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