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Déclaration sur l’usage approprié des pouvoirs d’enquête, des seuils pour l’autorisation de la surveillance et des mesures de protection de la vie privée

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Témoignage devant la Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques

Montréal (Québec)
Le 5 avril 2017

Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale, Direction des services juridiques, des politiques, de la recherche et de l’analyse des technologies

(Le texte prononcé fait foi)


Introduction

Bonjour mesdames et messieurs les commissaires.

Au nom de Commissaire à la protection de la vie privée, je vous remercie de m’avoir invitée aujourd’hui et j’espère que mon témoignage vous sera utile dans le cadre de votre enquête. Je suis accompagnée de Me Julia Barss et M Christopher Prince de notre bureau.

Je suis avocate générale principale au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et j’occupe ce poste depuis 2006. Auparavant, j’ai œuvré dans d’autres institutions fédérales, après avoir pratiqué au sein d’un cabinet d’avocats ici à Montréal.

Le Commissariat a été créé en 1984 pour protéger et promouvoir le droit à la vie privée des Canadiens et des Canadiennes.

Notre mandat découle de deux lois fédérales en matière de protection des renseignements personnels, une dans le secteur public et l’autre régissant le secteur privé. D’emblée, je tiens à préciser que la cueillette, l’utilisation et la divulgation des renseignements personnels à des fins uniquement journalistiques sont exclus de nos deux lois habilitantes.

Donc, je suis ici aujourd’hui, à la demande du procureur de la Commission pour vous dresser un tableau d’ordre général des lois portant sur la protection de la vie privée au Canada et plus spécifiquement, sur les questions d’accès légal d’une perspective fédérale.

La question des métadonnées

Comme vous vous en souvenez peut-être, le gouvernement fédéral a amorcé en 2009 une série de discussions sur les mesures que devraient prendre les forces policières pour avoir accès légale aux données commerciales dans le cadre de leurs enquêtes.

Diverses propositions législatives prévoyant l’attribution de nouveaux pouvoirs aux forces policières et d’autres organismes d’application de la loi ont été déposées au Parlement en 2009, en 2011 et encore en 2013.

Les conditions sous lesquelles les forces policières devraient avoir accès aux données de télécommunication ont suscité un débat animé, notamment en ce qui concernait les divers mécanismes et les seuils proposés.

Le législateur se demandait comment moderniser les pouvoirs d’enquête à l’ère numérique, quels organismes pourraient exercer ces nouveaux pouvoirs et au sujet de quels types d’informations, de crimes, ou d’activités.

Au cours des années, les défenseurs des divers projets de loi ont fait valoir une position uniforme : selon eux, certains identifiants, comme le numéro de téléphone ou les détails relatifs à un appareil, ne présentent aucun risque d’atteinte à la vie privée.

S’appuyant sur cette hypothèse, ils ont soutenu qu’il n’y avait aucune attente raisonnable en matière de protection de la vie privée dans le cas d’une métadonnée technique, par exemple une adresse IP, une adresse MAC ou un numéro d’identification internationale d’abonné mobile.

Selon eux, les enquêteurs gouvernementaux devraient donc pouvoir recueillir ces données sans mandat. Il va sans dire que cette question était controversée à l’époque et qu’elle l’est encore aujourd’hui.

En 2012, nous avons commencé à mener des recherches approfondies sur ces questions. Nous avons produit deux rapports : le premier portait expressément sur ce que les adresses IP peuvent révéler du point de vue technologique et le second, sur les métadonnées et les considérations juridiques connexes.

En 2014, nous avons déposé devant la Cour suprême du Canada un mémoire à titre d’intervenant dans l’affaire R. c. Spencer.

Cette même année, nous avons conseillé le Parlement sur la nature potentiellement sensible des métadonnées dans le cadre du projet de loi C-13 qui envisageait de rajouter au Code criminel de nouveaux pouvoirs d’accès licite aux données de transmission.

Nous avons récemment réitéré ces préoccupations dans le cadre d’une consultation sur la sécurité nationale menée par Sécurité publique Canada, qui semblait reprendre bon nombre de ces questions.

Seuils pour l’autorisation de la surveillance

Dans nos diverses soumissions, nous avons fait une mise en garde contre l’abaissement des seuils pour autoriser les nouveaux pouvoirs d’enquête.

Nous avons souligné l’absence de reddition de comptes s’appliquant à l’exercice de ces pouvoirs et l’absence de condition préalable à leur utilisation.

En bout de ligne, le Parlement a adopté le projet de loi sans modifications. Les nouveaux pouvoirs sont entrés en vigueur en mars 2015. Nonobstant, les forces policières ne semblent toujours pas satisfaits de ces nouveaux pouvoirs et ces questions continuent à préoccuper le gouvernement.

Conclusion

Pour parler maintenant des événements qui ont eu lieu ici au Québec l’an dernier, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a passé en revue les nouveaux pouvoirs de surveillance dans certaines de ses allocutions cette année.

Il a fait paraître dans La Presse un texte d’opinion sur l’impact de ces nouveaux pouvoirs de surveillance qui devrait inquiéter non seulement les journalistes pour des raisons très particulières reliées à la liberté d’expression et la protection de leurs sources, mais tous les canadiens et les canadiennes, même dits innocents.

Ce texte me semble particulièrement pertinent à votre étude. D’ailleurs, je reprendrai en conclusion certains points sur lesquels le commissaire a insisté :

  • Au lieu d’élargir les pouvoirs d’accès légal, nous devrions plutôt songer à les circonscrire, surtout à la lueur des risques d’atteinte à la vie privée qui sont beaucoup plus élevées que l’analogie anodin aux annuaires téléphoniques nous laisserait croire;
  • Nous devrions maintenir le rôle crucial des juges dans le processus d’autorisation des pouvoirs d’enquête afin d’assurer l’indépendance nécessaire des corps policiers et ainsi mieux veiller à la protection de nos droits les plus fondamentaux; et
  • Le parlement canadien devrait considérer légiférer plus précisément sur les conditions nécessaires à l’accès légale et devrait octroyer aux juges la possibilité d’y rattacher des conditions propres à chaque espèce, par exemple, pour protéger les citoyens non visés mais tout de même captés par ces mesures, les périodes de rétention de l’information, ainsi que la destruction voulue des données non pertinents.

Je vous remercie de votre attention et il me ferait plaisir de répondre à vos questions.

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