Sélection de la langue

Recherche

Déclaration du commissaire à la protection de la vie privée du Canada suite au dépôt du projet de loi C-11

GATINEAU (Québec), le 19 novembre 2020 – Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a publié aujourd’hui la déclaration suivante à la suite du dépôt du projet de loi C-11 sur la protection de la vie privée dans le secteur privé présenté par le gouvernement fédéral :

Le Commissariat à la protection de la vie privée accueille favorablement le dépôt récent du projet de loi C-11, qui vise à moderniser le droit fédéral de la vie privée pour ce qui est du secteur privé. Il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui comprend plusieurs avancées importantes mais qui soulève aussi un certain nombre de questions quant à sa capacité de bien protéger la vie privée dans la société numérique en constante évolution.

Parmi les améliorations, on retrouve la réécriture complète de la loi au niveau de la forme : l’ancien modèle, qui reprenait textuellement un code de conduite de l’industrie, est remplacé par une loi plus claire et plus lisible qui édicte des droits et des obligations plutôt que des recommandations.

Le projet de loi reprendrait des éléments de nos lignes directrices sur l’obtention d’un consentement valable et créerait de nouvelles obligations de transparence en matière d’intelligence artificielle.

Le projet de loi accorderait au Commissariat de réels pouvoirs d’ordonnance, et non les pouvoirs limités proposés par le gouvernement dans sa Charte du numérique de 2019. Par contre, les sanctions financières relèveraient d’un nouveau tribunal, qui serait aussi une instance d’appel des décisions du Commissariat. Nous croyons que les citoyens devraient bénéficier de recours rapides et efficaces. Nous étudierons maintenant la question de savoir si l’ajout d’une nouvelle structure est à même de produire ce résultat.

Cela dit, de nouveaux pouvoirs de contrôle ne sont que des moyens, des outils pour faire respecter la loi. Dans le cas qui nous occupe, le rôle premier de la loi est d’édicter des normes et des règles qui protègent efficacement la vie privée tout en permettant et en encourageant les activités commerciales.

Nous avons recommandé que la loi devrait permettre l’utilisation des renseignements personnels aux fins d’une innovation responsable et pour des usages socialement bénéfiques, ce qui va dans le sens du projet de loi, mais dans le cadre d’une loi qui enchâsserait la protection de la vie privée comme un droit de la personne et en tant qu’élément essentiel à l’exercice d’autres droits fondamentaux.

Le projet de loi C-11 ouvre la porte à de nouveaux usages commerciaux des renseignements personnels, sans consentement, sans préciser que cette autorisation est donnée à la condition que le droit à la vie privée soit respecté. Le projet de loi reprend plutôt la clause d’objet de la loi actuelle, qui donne la même importance à la protection de la vie privée et aux besoins commerciaux des organisations. En fait, la nouvelle clause d’objet souligne davantage qu’auparavant l’importance de l’utilisation des renseignements personnels pour l’activité économique.

Le gouvernement explique par des motifs constitutionnels son refus d’adopter une approche fondée sur les droits. Seules les provinces auraient compétence pour légiférer en matière de droits civils et la compétence du Parlement fédéral se limiterait au commerce. Nous examinerons cette question de plus près avant de présenter notre opinion au comité parlementaire qui sera chargé de l’étude du projet de loi. Comme le soulignait la Cour suprême du Canada dans un jugement récent sur la Loi sur la non-discrimination génétique, la vie privée est d’un intérêt vital. Elle fait validement l’objet d’une protection dans plusieurs lois fédérales adoptées en vertu de l’un ou l’autre des chefs de compétence du Parlement. Cela devrait aussi être vrai pour la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, édictée en vertu des pouvoirs du Parlement fédéral en matière de commerce.  

Ultimement, c’est au Parlement de décider quel poids donner au droit à la vie privée et aux intérêts des entreprises commerciales. Selon nous, il serait normal et juste que les activités commerciales soient autorisées dans le respect des droits, plutôt que de mettre les droits et les intérêts commerciaux sur le même pied. Généralement, il est possible de réaliser à la fois des objectifs commerciaux et la protection de la vie privée. C’est de cette façon que l’on conçoit l’innovation responsable. Mais en cas de conflit, nous pensons que les droits devraient l’emporter.

Notre travail d’analyse des propositions législatives du gouvernement cherchera donc entre autres, dans les semaines à venir, à cerner des amendements possibles afin de mieux promouvoir l’innovation responsable dans le respect des droits, dont le droit à la vie privée.

Date de modification :