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Lettre à la suite d’une plainte contre des partis politiques fédéraux

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a envoyé cette lettre en réponse à une plainte contre trois partis politiques fédéraux en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE).

PAR COURRIEL

Le 25 mars 2021

Monsieur Bill Hearn
Fogler, Rubinoff LLP
77, rue King Ouest
Bureau 3000, C. P. 95
Centre TD, Tour Nord
Toronto (Ontario)  M5K 1G8

Monsieur,

La présente fait suite à votre lettre reçue par le Commissariat le 22 avril 2019 au sujet de la plainte de M. Robert (Gary) Dickson (le plaignant) contre le Nouveau Parti démocratique (le NPD), le Parti libéral du Canada (le PLC) et le Parti conservateur du Canada (les partis politiques fédéraux). Cette plainte a été déposée en vertu de l’article 11 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la LPRPDE ou la Loi).

Comme vous le savez, le Commissariat est chargé de veiller au respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la LPRPDE. La Loi sur la protection des renseignements personnels régit les pratiques de traitement des renseignements personnels au sein des institutions fédérales. La LPRPDE, quant à elle, régit les pratiques de traitement des renseignements personnels dans le secteur privé dans le cadre d’activités commerciales, à quelques exceptions près.

Malgré les observations exhaustives et crédibles de la part du plaignant dans cette affaire, nous sommes parvenus à la conclusion que la LPRPDE ne s’applique pas aux activités des partis politiques fédéraux faisant l’objet de la plainte, étant donné la nature non commerciale de ces activités. Nous reconnaissons d’emblée le souhait du plaignant − souhait qui est également le nôtre − de s’assurer que les partis politiques fédéraux sont assujettis aux règles de base en matière de protection des renseignements personnels, mais nous sommes tenus d’appliquer la loi telle qu'elle est rédigée.

Mon personnel et moi-même avons procédé comme suit avant d’en arriver à notre conclusion :

  • Nous avons soigneusement examiné les nombreux éléments de preuve et les déclarations du plaignant présentés à l’appui de sa plainte.
  • Nous avons demandé des observations de la part des partis politiques fédéraux au sujet de l’application de la LPRPDE à leurs activités.
  • Nous avons examiné les déclarations écrites que nous avons reçues du NPD et du PLC (le Parti conservateur du Canada n’a pas fourni de réponse).
  • Nous avons donné l’occasion au plaignant d’étudier et de commenter les déclarations reçues du NPD et du PLC affirmant que la LPRPDE ne s’applique pas à leurs activités.
  • Nous avons examiné les déclarations de réponse finales du plaignant.
  • Nous avons soigneusement étudié la loi applicable et la jurisprudence en vigueur dans cette affaire.

Allégations du plaignant

La présente plainte porte sur des contraventions présumées aux dispositions de la LPRPDE par les partis politiques fédéraux concernant la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels provenant de diverses sources dans le but de créer des profils d’électeurs et aux fins de publicité politique, ce qui dérogerait à leurs politiques relatives à la protection des renseignements personnels.

Le plaignant a avancé que la LPRPDE s’applique aux partis politiques fédéraux. Il a particulièrement indiqué que les activités entreprises par les partis politiques fédéraux aux fins de vente ou de promotion de leur marque auprès des électeurs et, d’une manière générale, pour vendre ou promouvoir leurs produits, services et intérêts commerciaux constituent des activités commerciales qui sont, en conséquence, assujetties à la Loi.

Le plaignant a cité ce qui suit à titre d’exemples d’activités commerciales entreprises par les partis politiques fédéraux dans le cadre de leurs publicités politiques :

  • convaincre les Canadiens d’acheter des articles portant la marque du parti (p. ex. vêtements);
  • convaincre les Canadiens de faire un don politique;
  • convaincre les Canadiens d’élire des candidats d’un parti à une instance politique pendant les élections;
  • convaincre les Canadiens de soutenir les plateformes politiques du parti.

Le plaignant a déclaré que les partis politiques fédéraux achètent également les renseignements personnels des Canadiens, sollicitent les services d’entreprises en vue d’établir des profils d’électeurs et envoient des publicités ciblées, et qu’ils protègent leurs marques et en font la promotion à l’instar des grandes entreprises.

Le plaignant a affirmé que les partis politiques fédéraux contreviennent à la LPRPDE, car ils n’informent pas correctement les Canadiens sur la manière dont ils recueillent, utilisent ou communiquent leurs renseignements personnels dans le cadre de publicités politiques, notamment des publicités « microciblées » fondées sur des profils individuels détaillés. Le plaignant a demandé au Commissariat d’enquêter sur ses allégations contre les partis politiques fédéraux et de formuler des recommandations, le cas échéant.

Réponse du NPD et du PLC

Compte tenu des allégations du plaignant, nous avons demandé aux partis politiques fédéraux de s’exprimer sur une question préliminaire, à savoir si la LPRPDE s’applique ou non à leurs activités. En réponse, le NPD et le PLC ont affirmé ne pas exercer d’activités commerciales au sens de la LPRPDE lorsqu’ils tentent d’obtenir le soutien du public ou de solliciter des dons ou des adhésions, et que, par conséquent, la Loi ne s’applique pas à leurs activités.

Le NPD et le PLC ont affirmé que leurs activités sont des activités politiques sans but lucratif et qu’elles sont assujetties à un règlement complet en vertu de la Loi électorale du Canada (la LEC). Ils ont souligné que l’objectif d’un parti politique enregistré, tel que l’exige la LEC, est de promouvoir la participation dans les affaires publiques. Le NPD a affirmé que les partis politiques enregistrés doivent exercer leurs activités dans un contexte sans but lucratif et que l’appel aux dons et aux adhésions ne vise pas une quelconque contrepartie. En outre, les deux partis ont fait remarquer que la LEC comporte des règles précises visant la publication de politiques relatives à la protection des renseignements personnels et l’accès à la liste des électeurs. Selon eux, le Parlement souhaitait que les pratiques des partis politiques fédéraux relativement aux renseignements personnels soient réglementées par la LEC, et non par la LPRPDE. Ils ont par ailleurs affirmé que les partis politiques fédéraux protègent leurs marques et en font la promotion pour atteindre leurs objectifs politiques et favoriser le soutien à cet égard, et non aux fins de commercialisation.

Le NPD a indiqué que la vente d’articles pourrait être considérée comme une activité commerciale si elle n’est pas considérée comme une « contribution » en vertu de la LEC, mais a précisé qu’il n’exerce pas cette activité. Le PLC a indiqué vendre des articles à des fins politiques, étant donné que toute recette générée en sus du coût des articles doit être considérée comme des « contributions » en vertu de la LEC. Le PLC a également indiqué faire appel à des fournisseurs de services tiers à l’appui de ses objectifs politiques, mais que cela ne fait pas de ses activités des activités commerciales.

Les deux partis ont affirmé qu’ils ne vendaient pas, ne troquaient pas et ne louaient pas leurs listes de donneurs et de partisans, et qu’ils n’utilisent ces listes que pour communiquer avec les électeurs et encourager la participation au processus démocratique.

Réponse du plaignant

Dans une réponse exhaustive et solidement étayée, le plaignant a réaffirmé que la LPRPDE vise à fournir une protection globale des renseignements personnels. Étant donné sa nature quasi constitutionnelle, la LPRPDE doit faire l’objet d’une interprétation large, libérale et téléologique qui s’aligne sur les droits démocratiques énoncés à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon le plaignant, il est clair que les partis politiques fédéraux recueillent une quantité importante de renseignements personnels, et il est nécessaire de s’assurer que leurs pratiques sont soumises à des mesures pour protéger ces renseignements. S’appuyant sur des extraits du Hansard et d’autres sources, le plaignant a soutenu que la LPRPDE s’appliquait aux partis politiques fédéraux et que le fait que la LEC s’applique également à ceux-ci ne devrait pas empêcher l’application de la LPRPDE.

Le plaignant a précisé que la définition d’« activité commerciale » n’exige pas qu’une organisation soit commerciale; il convient plutôt de chercher à savoir si l’organisation pratique des activités commerciales. Le plaignant, qui a fourni une note de tiers à l’appui de son argumentation, a proposé de nombreux exemples d’activités qui, d’après lui, constituaient des activités commerciales de la part des partis politiques fédéraux. Selon le plaignant, la vente d’articles et de billets pour des activités de collecte de fonds et la vente d’adhésions répondent clairement à la définition courante d’activité commerciale. Le plaignant a fait également remarquer que l’expression « activité commerciale » a déjà été interprétée en vertu de la LPRPDE selon la jurisprudenceNote de bas de page 1, précisant toutefois qu’il ne faut pas s’appuyer sur cette jurisprudence étant donné le manque d’uniformité quant à l’application générale de la LPRPDE.

Analyse

1. Portée de l’objection à la compétence soulevée par le NPD et le PLC

Compte tenu des observations reçues, nous avons déterminé que, dans cette affaire, nous devons d’abord établir si la LPRPDE s’applique aux activités faisant l’objet de la plainte.

La première partie de la LPRPDE « s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels […] qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales » [alinéa 4(1)a)].

Les partis politiques fédéraux sont visés par la définition générale d’« organisation » au sens de la LoiNote de bas de page 2. Il est également indéniable qu’ils recueillent, utilisent et communiquent les « renseignements personnels » de partisans, de membres, de bénévoles, d’électeurs et d’autres personnes dans le cadre de leurs activitésNote de bas de page 3. En effet, les nombreuses preuves dont nous disposons indiquent que les pratiques de collecte de renseignements par les partis politiques fédéraux se sont fortement développées au fil des ans. De grandes quantités de renseignements personnels sont de plus en plus recueillies et utilisées pour établir des profils et communiquer avec les personnes, notamment au moyen de messages microciblés et d’autres formes de communicationNote de bas de page 4.

La question préliminaire soulevée dans cette plainte est de savoir si la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels par les partis politiques fédéraux en vue d’encourager les électeurs à les soutenir ainsi que leurs candidats, à effectuer des dons politiques et à soutenir leurs autres activités de collecte de fonds, se déroulent dans le cadre d’« activités commerciales » assujetties à la LPRPDE.

2. Établir si les partis politiques fédéraux recueillent, utilisent et communiquent des renseignements personnels dans le cadre d’activités commerciales

Selon la Loi, une « activité commerciale » est « toute activité régulière ainsi que tout acte isolé qui revêtent un caractère commercial de par leur nature, y compris la vente, le troc ou la location de listes de donneurs, d’adhésion ou de collecte de fonds ». (Paragraphe 2(1)) La Cour d’appel fédérale a noté que les activités commerciales incluent généralement l’échange, le commerce, l’achat et la venteNote de bas de page 5.

Il est clair selon cette définition que l’évaluation d’une activité commerciale n’est pas fondée sur la nature de l’organisation, mais sur la nature de l’activité en questionNote de bas de page 6. Nous sommes également de l’avis du plaignant selon lequel les partis politiques fédéraux ne sont pas expressément exemptés de la Loi. Ils pourraient, par conséquent, relever de son champ d’application dans la mesure où ceux-ci exercent une activité commerciale impliquant la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements personnels.

Nous estimons donc, tout comme semble l’indiquer le NDP, qu’un parti politique fédéral pourrait être assujetti à la Loi dans la mesure où celui-ci effectue une « activité régulière » ou un « acte isolé » qui revêt un caractère commercial de par sa nature. Ce serait particulièrement le cas, par exemple, si un parti politique fédéral devait vendre, troquer ou louer une liste de donneurs ou de membres, une activité expressément visée par la définition d’« activité commerciale ». Cela pourrait également être le cas si un parti politique enregistré exerçait une « simple transaction commerciale » comme le décrit le directeur général des élections; par exemple, lorsqu’un parti politique sous-loue un bureau à la juste valeur du marchéNote de bas de page 7.

Cela dit, nous ne sommes pas convaincus que les activités régulières des partis politiques fédéraux, y compris celles visées par le plaignant, soient de nature commerciale au sens de la Loi, et ce, pour les raisons suivantes.

a. Les activités générales des partis politiques fédéraux

Le plaignant avance un argument à la fois général et limité pour justifier l’application de la Loi. L’argument général consiste à dire que les partis politiques fédéraux, dans leur manière de recueillir les renseignements personnels pour cibler les électeurs, se comportent comme des entreprises en ce qui concerne les marques, les campagnes de marketing sophistiquées et le recours à des entreprises commerciales tierces pour fournir des produits tels que des sources de données et des analyses. Selon cet argument général, toutes les activités des partis politiques fédéraux sont « indivisibles » (pour reprendre l’expression du plaignant) et de nature commerciale.

La difficulté avec cet argument est que celui-ci ne s’aligne pas sur la définition courante d’activité commerciale et la nature des activités en question. Les activités régulières des partis politiques fédéraux mentionnées par le plaignant, notamment celles visant à solliciter des dons, convaincre les Canadiens d’élire des candidats d’un parti au sein d’une instance politique lors d’élections et convaincre les Canadiens de soutenir la plateforme politique d’un parti, ne comportent pas l’aspect d’échange. Par exemple, tel que l’a fait remarquer le plaignant, un don versé à un organisme de charité ne constitue pas une transaction commercialeNote de bas de page 8. Il n’y a pas de vente, de troc ou de location, et le contributeur ne peut raisonnablement pas non plus s’attendre à obtenir quelque chose en échange de son don. Dans le même ordre d’idées, nous ne pensons pas qu’un don versé à un parti politique peut être défini comme étant de nature commerciale.

Cette logique s’applique également à plusieurs autres activités mentionnées par le plaignant, notamment celles visant à encourager le soutien et les votes. Nous estimons que convaincre un électeur de soutenir la plateforme politique d’un parti ou un candidat n’implique pas d’échange commercial au sens commun du terme.

Le recours à des fournisseurs de services tiers à l’appui des activités politiques des partis politiques fédéraux ne modifie en rien cette analyse. Dans le cadre de l’affaire State Farm Mutual Automobile Insurance Company c. Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, la Cour fédérale a estimé que la caractérisation principale de l’activité en cause est le facteur dominant dans l’évaluation de la nature commerciale d’une activité en vertu de la LPRPDE, et non les relations indirectes qui pourraient exister avec les tierces partiesNote de bas de page 9. Le plaignant affirme qu’il ne faudrait plus s’appuyer sur cette jurisprudence. Toutefois, il s’agit d’une décision de la Cour fédérale ayant force de précédent que nous devons suivre dans la mesure où elle s’applique aux faits en question. Dans ce cas, la caractérisation principale d’activités comme la diffusion de publicités aux électeurs est politique, et non commerciale, même si les partis politiques fédéraux reçoivent l’aide d’entreprises tierces pour diffuser leurs messages.

Dans cet ordre d’idées, le fait que les pratiques des partis politiques en ce qui concerne le traitement des données aient beaucoup évolué depuis l’adoption de la LPRPDE ne change pas leur caractérisation principale, qui consiste à recueillir, utiliser et communiquer des renseignements personnels pour atteindre les électeurs grâce à des communications politiques ou des publicités. L’objectif sous-jacent de leurs communications politiques ou publicités est de solliciter des dons politiques, d’encourager les électeurs à élire des candidats d’un parti ou d’encourager les électeurs à soutenir des plateformes politiques particulièresNote de bas de page 10. Il s’agit d’un rôle unique exécuté dans le processus démocratique canadien et cela n’implique pas les caractéristiques d’un échange commercialNote de bas de page 11. Cette conclusion s’appuie également sur l’objet de la Loi. La LPRPDE vise à fournir une protection globale des renseignements personnels, mais dans un contexte commercial et dans d’autres circonstances définies, comme le stipule clairement le long intitulé de la LoiNote de bas de page 12 et la disposition liée à l’application à l’article 4. Bien que les partis politiques fédéraux puissent s’inscrire dans son champ d’application, nous ne pouvons ignorer qu’à ce jour, rien n’indique que le Parlement prévoyait l’application de la Loi aux activités politiques des partis fédéraux.

b. La vente d’articles, de billets pour des événements, d’adhésions, etc.

L’argument plus limité du plaignant est axé sur les activités précises des partis politiques fédéraux qui comprennent un élément d’échange, notamment la vente d’adhésions, la vente d’articles portant leur marque et les événements comportant une vente de billets (p. ex. pour assister à un souper-bénéfice avec des politiciens). Le plaignant affirme que puisque ces activités incluent un échange de valeurs, elles sont de nature commerciale et donc assujetties à la Loi.

Nous notons qu’aucune preuve ne nous a été présentée selon laquelle les partis politiques fédéraux vendent, troquent ou louent des listes de membres ou de donneurs. Nous avons donc mené notre analyse en partant du principe que ces activités n’avaient pas lieu.

Nous avons également noté que le NPD affirme ne pas vendre d’articles portant la marque du parti. Cela dit, il n’a pas contesté qu’il vend des adhésions ou des billets pour des événements de collecte de fonds.

Bien que la vente d’articles, d’adhésions et de billets incluent un élément d’échange, nous ne sommes pas persuadés que ces activités puissent être considérées comme commerciales, étant donné le contexte dans lequel évoluent les partis politiques fédéraux. Plus précisément, ces activités comprennent toutes une collecte de fonds pour appuyer les activités politiques des partis politiques fédéraux. En vertu de la LEC, toute recette découlant de la vente d’articles et de billets pour des événements de collecte de fonds en sus de leur coût, ou d’adhésions au-dessus d’un certain seuil, doit être traitée comme des contributions, qui sont strictement réglementées par la LECNote de bas de page 13.

Cette situation est semblable à l’affaire Rodgers c. Calvert, dans le cadre de laquelle la Cour supérieure de l’Ontario a jugé que le « simple échange de contrepartie » n’indique pas nécessairement une activité commercialeNote de bas de page 14. Dans cette affaire, la Cour a estimé que le paiement d’un montant en échange d’une adhésion ne signifie pas nécessairement que la LPRPDE s’applique. Le plaignant conteste la pertinence continue de cette décision, mais le Commissariat a toujours considéré que le paiement de frais d’adhésion pour des organisations sans but lucratif ne constitue pas une activité commercialeNote de bas de page 15. Bien que les partis politiques fédéraux puissent imposer des frais pour l’adhésion, ces frais servent à financer leurs activités politiques et, de notre point de vue, ne constituent pas une transaction commerciale.

De plus, même si nous avions tort à cet égard et que ces activités précises sont de nature commerciale, le Commissariat n’aurait tout de même pas la compétence pour enquêter sur les pratiques générales des partis politiques fédéraux en ce qui concerne le traitement des renseignements personnels, comme le demande le plaignant. Le plaignant demande qu’une enquête soit effectuée, non pas sur la façon dont les partis politiques traitent les renseignements personnels obtenus dans le cadre d’activités précises comme la vente d’articles, mais sur leurs pratiques générales liées à la publicité politique et concernant tous les électeurs. Toutefois, les pratiques générales des partis politiques fédéraux quant à la collecte, à l’utilisation et à la communication des renseignements personnels sont clairement liées à de nombreuses activités qui ne sont pas de nature commerciale, comme nous l’avons indiqué ci-dessus. Le plaignant ne peut utiliser des activités distinctes et limitées telles que la vente d’articles comme un tremplin pour étendre l’application de la Loi à toutes les activités des partis politiques fédéraux, y compris celles qui ne sont pas de nature commerciale.

c. Le Parlement a refusé d’étendre l’application de la LPRPDE aux partis politiques fédéraux

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un fait déterminant, notre interprétation est également influencée par le fait que le Parlement a récemment décliné les demandes visant à assujettir expressément les partis politiques fédéraux à la Loi. Le Parlement a été saisi de la question d’étendre les lois sur la protection des renseignements personnels aux partis fédéraux pendant l’examen du projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections, en 2018. Le Commissariat avait alors recommandé des modifications qui auraient explicitement étendu les dispositions de protection de la LPRPDE aux partis politiques fédérauxNote de bas de page 16. Toutefois, ces modifications n’ont pas été mises en œuvre. Le gouvernement a également refusé de mettre en œuvre une recommandation du Comité ETHI visant à modifier la LPRPDE de manière à assujettir les partis politiques fédéraux à cette dernière. Il s’est plutôt concentré sur les dispositions de la LEC exigeant des partis qu’ils publient une politique de confidentialité. Il a aussi indiqué « qu’il continuerait de réfléchir à l’extension des cadres de protection des renseignements personnels du Canada aux partis politiquesNote de bas de page 17 ».

Bien que je croie fermement que les lois sur la protection des renseignements personnels devraient régir les activités des partis politiques afin de mieux protéger le droit à la vie privée et les droits démocratiques, je me dois d’appliquer la loi telle qu’elle est aujourd’hui. Comme vous le savez, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, j’ai souvent souligné la nécessité d’étendre le champ d’application des lois sur la protection des renseignements personnels de sorte que les partis politiques y soient assujettis, pour qu’ils respectent pleinement le droit à la vie privée des Canadiens. Comme je l’ai mentionné au Parlement, « ce qui importe, c’est que des principes de protection de la vie privée reconnus à l’échelle internationale […] soient intégrés dans la législation nationale, et qu’un tiers indépendant […] ait l’autorité de vérifier la conformitéNote de bas de page 18 ».

Conclusion

À la lumière de ce qui précède, aucune autre mesure ne sera prise concernant votre plainte.

Je souhaiterais exprimer ma reconnaissance envers votre client pour son entier dévouement à faire avancer la question très importante des règlements sur la protection des renseignements personnels à l’égard des partis politiques fédéraux.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Le commissaire,

Copie originale signée par

Daniel Therrien

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