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Comparution devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (ETHI) concernant le Budget principal des dépenses 2021-2022

Le 10 mai 2021
Ottawa (Ontario)

Déclaration de Daniel Therrien
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(Le texte prononcé fait foi)


Introduction

Bonjour Monsieur le Président et Mesdames et Messieurs les membres du Comité.

Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui afin de discuter du Budget principal des dépenses 2021-2022. Je suis accompagné de Brent Homan, sous-commissaire, Secteur de la conformité; de Gregory Smolynec, sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion; et de Daniel Nadeau, sous-commissaire, Secteur de la gestion intégrée.

L’année dernière a été une année de transition pour de nombreuses organisations. Le Commissariat n’y a pas échappé et a dû rapidement adapter ses processus pour continuer à servir les Canadiens durant la pandémie. Ce fut également une année de transition sur les plans budgétaire et législatif.

Financement accru

Le Commissariat s’est vu attribuer une augmentation permanente du financement de 15 % dans le budget fédéral de 2019 pour répondre à ses besoins les plus urgents d’ici à la réforme législative. Cette hausse du budget a permis au Commissariat d’élargir ses activités en matière de politiques et d’orientation, d’améliorer ses services-conseils offerts aux organisations, et de faire face aux pressions découlant des nouvelles exigences de déclaration obligatoire des atteintes dans le secteur privé.

Le Commissariat a reçu également un financement temporaire pour l’aider à réduire une très grande partie de l’arriéré d’enquêtes sur les plaintes de plus d’un an. À ce chapitre, nous avons atteint, voire légèrement dépassé, notre objectif et réduit l’arriéré de plaintes, dans l’ensemble, de 91 %.

Au cours de la dernière année, le Commissariat a effectué une mise à jour complète des orientations s’adressant aux institutions fédérales sur les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. Nous avons publié des documents d’orientation sur la protection de la vie privée en temps de pandémie, en plus d’un cadre contextuel visant à aider les institutions gouvernementales à protéger la vie privée dans le contexte des initiatives liées à la COVID‑19. Conformément à ce cadre, nous avons étudié l’application Alerte COVID et conseillé le gouvernement à cet égard. À la suite d’une consultation publique, nous avons publié nos principales recommandations pour réglementer l’intelligence artificielle.

Nous avons également rédigé un certain nombre de documents d’orientation extrêmement pertinents portant sur l’Internet des objets, la biométrie et la reconnaissance faciale. Nous avons mis à jour et publié le Guide sur la protection de la vie privée à l’intention des entreprises et nous avons produit notre premier rapport sur l’inspection des registres d’atteintes à la vie privée.

En plus de notre travail sur les documents d’orientation, nous avons analysé des initiatives législatives et émis des recommandations. À ce propos, citons notamment notre mémoire sur l’examen de la Loi sur l’accès à l’information, et un autre mémoire sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public. Enfin, après avoir analysé le projet de loi C‑11 sur la protection de la vie privée dans le secteur privé présenté par le gouvernement, nous avons procédé à la rédaction de notre réponse.

Bien que cette injection de fonds nous ait aidés à réduire notre arriéré et à augmenter notre capacité, un écart très important subsiste. Alors que s’accélère la numérisation en raison de la pandémie, nous continuons d’éprouver de la difficulté à répondre à la demande en matière d’orientation et de services-conseils, et à aider nos enquêteurs à donner suite aux plaintes déposées par des Canadiens préoccupés par la protection de leur vie privée.

Dans sa Mise à jour économique de l’automne, le gouvernement a prévu des fonds pour appuyer la mise en œuvre et l'application du projet de loi C‑11. Bien entendu, il s’agit là d’une bonne nouvelle. Cependant, maintenant que nous connaissons l’étendue de nos nouvelles responsabilités en vertu de cette législation, nous estimons que des fonds additionnels seront nécessaires.

Le rôle du Commissariat en vertu des lois réformées

Le projet de loi C-11 impose plusieurs nouvelles responsabilités au Commissariat, dont l’obligation d’examiner les codes de pratique et les programmes de certification et de donner des conseils aux organisations sur leur programme de gestion de la protection de la vie privée. Il convient de souligner qu’il s’agit d’activités à caractère non discrétionnaire, ce qui signifie que, chaque fois qu’une entité ou qu’une organisation se tournera vers nous pour obtenir des conseils ou une approbation, nous serons tenus de nous prononcer.

La possibilité de collaborer ainsi avec les entreprises est une bonne chose. Il y a quelques années, j’ai remanié le Commissariat dans la perspective d’une approche plus proactive en vue d’inciter les organisations à se conformer à leurs obligations de protection de la vie privée et de les orienter en ce sens. Nous avons créé la Direction des services-conseils à l’entreprise et la Direction des services-conseils au gouvernement pour collaborer de façon proactive avec des organisations des secteurs public et privé qui le souhaitent à atténuer les risques pour la vie privée ayant des répercussions importantes. Ce travail a pris encore plus d’ampleur depuis le début de la pandémie alors que les entreprises et le gouvernement s’adaptent à cette nouvelle réalité et aux défis qu’elle pose.

L’un des rôles du Commissariat est d’enquêter sur les plaintes pour violation alléguée de la Loi. Or, il ne s’agit pas de son seul rôle. Pour être un organisme de réglementation efficace, le Commissariat doit être stratégique dans ses activités de conformité et de consultation, en adoptant une approche axée sur les risques.

Comme nous l’expliquons en détail dans le mémoire que nous avons rédigé sur le projet de loi C-11, nous nous inquiétons du fait que, compte tenu du caractère non discrétionnaire de nos responsabilités selon ce projet de loi, nous ne serons pas en mesure de desservir à la fois les plaignants et les organisations tout en mettant l’accent sur les préjudices causés aux Canadiens de manière générale. Nous estimons que des ressources supplémentaires seront nécessaires, mais l’argent ne constitue pas le principal enjeu. Le Commissariat devrait avoir le pouvoir discrétionnaire voulu pour gérer sa charge de travail, répondre aux demandes des organisations et aux plaintes des consommateurs de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible, et réserver une partie de son temps aux activités qu’il entreprend, en se fondant sur son évaluation du risque pour les Canadiens. Des organismes de réglementation partenaires au Canada et à l’étranger, qu’ils soient du domaine ou non de la protection de la vie privée, profitent dans une large mesure d’un tel pouvoir discrétionnaire. Il suffit de penser aux enquêtes portant sur les atteintes et les risques nécessitant d’importantes ressources comme celles qui ont porté sur Desjardins, la reconnaissance faciale chez Clearview, de même que Facebook Cambridge Analytica – dont la cause est maintenant devant la Cour fédérale – pour comprendre combien nos ressources peuvent rapidement ne plus suffire à la tâche.

Une autre option consisterait à veiller à ce que le rôle confié au Commissariat en ce qui concerne l’approbation des codes de pratique et des programmes de certification soit conditionnel au versement de droits pour le recouvrement des coûts afin que nous disposions de la capacité nécessaire pour accomplir cette tâche, et pour donner suite à nos autres priorités.

Aucun organisme de réglementation ne dispose de ressources suffisantes pour traiter toutes les demandes qu’il reçoit des citoyens et des entités réglementées. Il est important que le Commissariat ait la souplesse nécessaire pour affecter ses ressources d’une manière qui s’avérera la plus avantageuse pour les Canadiens, et pour ajuster ses activités afin de faire face aux nouvelles tendances qui se profilent à l’horizon.

En plus des modifications qui découlent du projet de loi C‑11, le ministère de la Justice a présenté des propositions dans ses récentes consultations portant sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, lesquelles modifieraient également en profondeur notre rôle dans le secteur public. Nous sommes favorables dans une large mesure à ces modifications. Il est question notamment d’un nouveau mandat en matière d’éducation du public, du pouvoir de formuler des orientations destinées aux institutions gouvernementales, d’un rôle consistant à publier des avis préalables, de la supervision de projets pilotes et d’un pouvoir discrétionnaire élargi au chapitre de la publication des résultats en matière de conformité. Le ministère de la Justice propose également un rôle élargi en matière de conformité pour le Commissariat, comme un pouvoir élargi de vérifier les pratiques de manière proactive et une certaine forme de pouvoir de rendre des ordonnances.

Nous avons déjà entrepris de nous préparer à cette éventualité.

Conclusion

Alors que nous nous tournons vers l’avenir, il sera important de pouvoir compter sur des lois modernes permettant de faire face aux risques d’atteinte à la vie privée que posent les nouvelles technologies, et nous donnant la possibilité d’agir efficacement en tant qu’organisme de réglementation. Il conviendrait donc d’attribuer au Commissariat des ressources financières et législatives adéquates pour protéger le droit à la vie privée des Canadiens.

Je suis impatient de collaborer avec le Parlement à l’amélioration des propositions législatives afin que nos lois modernes en matière de protection des renseignements personnels reconnaissent et protègent adéquatement le droit à la vie privée des Canadiens, tout en favorisant une innovation responsable.

Merci. Je répondrai volontiers à vos questions.

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