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Lettre au Comité permanent des finances au sujet du projet de loi C-4, Loi visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens

Le 16 juin 2025

PAR COURRIEL

L’honorable Karina Gould, C.P., députée
Présidente, Comité permanent des finances
131, rue Queen, 6e étage
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Chère Madame la Présidente,

Je vous écris pour vous présenter mon point de vue sur les répercussions en matière de protection des renseignements personnels du projet de loi C-4, Loi visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens, déposé le 5 juin 2025 et dont la partie 4 modifie les exigences relatives aux politiques en matière de protection des renseignements personnels des partis politiques fédéraux.

À titre de Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, j’ai pour mandat de protéger et de promouvoir le droit à la vie privée des individus dans les secteurs public et privé et de m’assurer que les organisations respectent leurs obligations à cet égard. À l’heure actuelle, la Loi sur la protection des renseignements personnels régit la façon dont les renseignements personnels sont traités par le gouvernement fédéral, et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) régit la façon dont ces renseignements sont traités par le secteur privé. Pourtant, aucune de ces deux lois n’a de dispositions qui s’appliquent aux partis politiques.

Selon moi, les partis politiques devraient être assujettis à des règles de protection de la vie privée qui sont essentiellement comparables aux exigences énoncées pour les secteurs public et privé dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE. Ces règles devraient aussi être adaptées au rôle unique joué par les partis politiques dans le processus démocratique.

En raison de l’importance de la vie privée et de la nature sensible des renseignements recueillis, les Canadiennes et les Canadiens ont besoin et sont en droit de bénéficier d’un régime de protection de la vie privée pour les partis politiques qui ne se limite pas à l’autoréglementation et qui prévoit des normes et une surveillance indépendante adéquates pour protéger et promouvoir le droit fondamental des électeurs à la vie privée.

Recommandations

Je suis d’avis que le projet de loi C-4 devrait être renforcé afin de mieux protéger les renseignements personnels des électeurs. Les modifications que je propose viendraient aider à optimiser la participation des électeurs tout en protégeant le droit fondamental à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.

Normes minimales de protection de la vie privée

Contrairement aux dispositions et principes fondamentaux qui sous-tendent la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la LPRPDE du gouvernement fédéral, les règles proposées pour les partis politiques ne prévoiraient pas d’exigences législatives imposant aux partis de faire ce qui suit :

  • déterminer les fins de la collecte de renseignements personnels avant la collecte ou au moment de celle-ci;
  • obtenir le consentement individuel;
  • limiter la collecte des renseignements personnels aux fins déterminées;
  • limiter l’utilisation et la communication de renseignements personnels aux fins auxquelles ces renseignements ont été recueillis;
  • fournir aux particuliers des moyens de demander l’accès à leurs renseignements;
  • accorder aux particuliers le droit de demander la correction de leurs renseignements.

Au Canada et à l’étranger, les éléments fondamentaux que l’on retrouve dans les lois sur la protection des données, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, sont la limitation de la collecte, de l’utilisation et de la communication, l’assurance de l’exactitude, l’accès et l’obtention du consentement.

Recommandation 1 : Le projet de loi C-4 devrait obliger les partis politiques à établir les fins auxquelles les renseignements personnels sont recueillis, à obtenir le consentement (sous réserve de l’autorisation expresse de la loi), à limiter la collecte, l’utilisation et la communication et à fournir un mécanisme d’accès et de correction pour les renseignements personnels qui relèvent d’eux.

Déclaration d’atteinte à la vie privée

La déclaration des incidents est également un aspect important de la protection des renseignements personnels, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

L’ajout d’une exigence de déclaration des atteintes à la vie privée à un organisme de réglementation indépendant donnerait à la population canadienne l’assurance que les incidents concernant leurs renseignements personnels sont traités de façon appropriée. La déclaration proactive des atteintes fournit des renseignements essentiels aux autorités de réglementation et aux personnes concernées lorsque des renseignements sensibles sont à risque. Une telle disposition avait été incluse dans le projet de loi C-65 de la législature précédente, mais elle était limitée à la notification des personnes concernées dans certaines circonstances.

Pour assurer une surveillance efficace, le projet de loi C-4 devrait aussi contenir une formulation normative quant à l’échéancier des rapports d’atteintes à la vie privée. Dans le contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la LPRPDE, j’ai recommandé que les institutions signalent les atteintes au Commissariat sans délai déraisonnable et au plus tard dans les sept jours civils après que l’institution a pris connaissance de l’atteinte. Des échéanciers clairs et courts pour le signalement des atteintes permettraient une intervention efficace, préciseraient ce que la loi attend des partis politiques et correspondraient aux normes internationales modernes.

Recommandation 2 : Le projet de loi C-4 devrait réintroduire les dispositions proposées précédemment concernant la déclaration des atteintes à la vie privée, en les élargissant pour exiger que les atteintes soient signalées aux personnes concernées ainsi qu’à un organisme compétent et indépendant comme le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Élections Canada ou le Bureau de la commissaire aux élections fédérales sans délai déraisonnable et au plus tard sept jours civils après qu’un parti politique a pris connaissance de l’atteinte.

Amélioration de la surveillance

Une surveillance et une réparation appropriées sont des éléments essentiels pour améliorer la protection des données et assurer une réglementation claire et cohérente. La collaboration entre les institutions améliore le travail des organismes de réglementation et permet de clarifier des questions complexes qui touchent différents secteurs et diverses juridictions. À titre de référence, l’article 509.21 de la Loi électorale du Canada permet actuellement à la commissaire aux élections fédérales de consulter le directeur général des élections si elle l’estime indiqué. Il serait judicieux d’inclure, dans le contexte du projet de loi C-4, une disposition similaire qui permettrait au Commissariat à la protection de la vie privée, à la commissaire aux élections fédérales et au directeur général des élections de se consulter et de collaborer, puisque les questions en jeu touchent à des sujets qui relèvent tous de nos mandats respectifs.

Recommandation 3 : Le projet de loi C-4 devrait permettre une collaboration officielle entre le Commissariat à la protection de la vie privée, le Bureau de la commissaire aux élections fédérales et Élections Canada.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de présenter au Comité mon point de vue sur cet important projet de loi.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de mes meilleurs sentiments.

Le Commissaire,

(Document original signé par)

Philippe Dufresne

c. c. : Danielle Widmer, greffière du Comité

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