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Consultation sur le document de travail Mégadonnées et innovation

Mémoire à l'intention du Bureau de la concurrence

Le 17 novembre 2017

Direction générale de la promotion de la concurrence
Bureau de la concurrence
50, rue Victoria
Gatineau (Québec) K1A 0C9

Objet : Consultation sur le document de travail Mégadonnées et innovation

Introduction

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (ci-après, « le Commissariat ») se réjouit de pouvoir soumettre ses observations au Bureau de la concurrence en ce qui a trait au document de travail suivant : Mégadonnées et innovation : conséquences sur la politique en matière de concurrence au CanadaNote de bas de page 1.

Le Commissariat sait que dans l’économie numérique d’aujourd’hui, les mégadonnées posent un défi particulier. Nous avons cerné cet enjeu dans les priorités stratégiques liées à la vie privée du CommissariatNote de bas de page 2 et dans notre travail en vue d’améliorer le modèle de consentement dans l’économie numérique actuelleNote de bas de page 3. Dans notre document de position sur le consentement, nous reconnaissons que dans le contexte des mégadonnées il peut être difficile, voire pratiquement impossible d’obtenir un consentement, c’est pourquoi le Commissariat a recommandé au Parlement d’envisager de nouvelles exceptions au consentementNote de bas de page 4.

Le document de travail du Bureau de la concurrence soutient que la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels dans les mégadonnées soulèvent des questions sur l’analyse de la réglementation en matière de concurrence. Le mandat explicite du Commissariat a trait à la collecte, à l’utilisation et à la communication de renseignements personnels en vertu de la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels applicable au secteur privé, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Cela nous offre une possibilité unique d’entamer un dialogue significatif avec le Bureau de la concurrence.

Le Commissariat est d’accord avec la position du document de travail selon laquelle un certain nombre d’organismes de réglementation considèrent les mégadonnées comme un défi selon différentes perspectives en matière de protection des consommateurs. Les organismes de réglementation de la protection des consommateurs font aussi face à des risques, de la même façon que le flux massif et très rapide de données a des implications en matière de protection de la vie privée. Le Commissariat serait donc ravi de discuter de la façon dont le Commissariat et le Bureau de la concurrence pourraient coopérer pour répondre à ces nouveaux défis. On viserait ainsi à aider les entreprises à mieux comprendre leurs obligations en matière de conformité afin d’assurer une meilleure protection et d’établir la confiance des particuliers à l’égard de l’économie numérique canadienne.

Cette offre de collaboration va dans le sens de l’énoncé du document de travail qui suggère que, dans l’univers actuel des mégadonnées, même si les analyses en matière de protection de la vie privée sont distinctes des analyses en matière de concurrence, certains aspects pourraient présenter un intérêt commun pour les organismes de réglementation, comme le Commissariat et le Bureau de la concurrence. L’existence de tels intérêts mutuels est déjà bien démontrée dans le cadre de notre responsabilité commune d’application de la Loi canadienne anti-pourriel, de concert avec nos collègues du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Nous observons aussi un intérêt mondial croissant pour la discussion sur des sujets relatifs à la protection de la vie privée, à la protection des consommateurs et à la concurrence, comme en témoignent des initiatives internationales comme le Digital Clearing HouseNote de bas de page 5 et le lien entre les réseaux International Consumer Protection and Enforcement Network (ICPEN) et Global Privacy Enforcement Network (GPEN)Note de bas de page 6.

L’analyse de la protection de la vie privée et l’analyse de la réglementation en matière de concurrence sont différentes. Toutefois, elles présentent des défis communs pour ce qui est de la façon dont les mégadonnées s’insèrent dans cette analyse. Cet aspect nécessite déjà une plus grande collaboration parmi les organismes de réglementation. Par exemple, les modèles opérationnels Freemium et les entreprises qui utilisent des renseignements personnels remettent en question la façon dont les entreprises traitent la protection de la vie privée et la protection des consommateurs. Ce nouvel environnement a des répercussions pour un certain nombre d’organismes de réglementation.

Le Commissariat poursuit son travail avec ses homologues internationaux. Nous avons aussi collaboré avec les organismes internationaux en matière de concurrence et les autorités de protection des consommateursNote de bas de page 7. De plus, nous avons hâte de poursuivre nos discussions avec le Bureau de la concurrenceNote de bas de page 8.

Collecte, utilisation et communication des renseignements personnels

À quelques reprises, le document de travail renvoie aux pratiques commerciales trompeuses et à la collecte, à l’utilisation et à la communication des renseignements personnels. Il aborde aussi la façon dont ces éléments pourraient être intégrés dans l’analyse de la réglementation en matière de concurrence.

Il s’agit de concepts essentiels en matière de protection de la vie privée qui se trouvent actuellement dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Comme le stipule la LPRPDENote de bas de page 9:

La présente partie a pour objet de fixer, dans une ère où la technologie facilite de plus en plus la circulation et l’échange de renseignements, des règles régissant la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels d’une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée à l’égard des renseignements personnels qui les concernent et du besoin des organisations de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

L’une des principales pierres angulaires de la LPRPDE a trait à l’exigence pour une organisation d’obtenir le consentement éclairé de l’individu pour la collecte, l’utilisation et la communication de ses renseignements personnels. Pour que ce consentement soit valide, une organisation doit fournir à l’individu les renseignements normalement nécessaires pour qu’il « comprenne la nature, les fins et les conséquences » de sa décisionNote de bas de page 10. Ce faisant, on interdit explicitement à l’organisation d’obtenir un consentement au moyen d’un subterfugeNote de bas de page 11.

De plus, étant donné la facilité avec laquelle les renseignements peuvent être recueillis, utilisés et communiqués dans l’économie actuelle, les limites législatives en matière de collecte de renseignements deviennent particulièrement importantes dans le contexte des mégadonnées. Une organisation ne peut recueillir que les renseignements personnels nécessaires aux fins déterminées et doit procéder de façon honnête et liciteNote de bas de page 12. Ce principe est énoncé plus en détail comme suit :

L’exigence selon laquelle les organisations sont tenues de recueillir des renseignements personnels de façon honnête et licite a pour objet de les empêcher de tromper les gens et de les induire en erreur quant aux fins auxquelles les renseignements sont recueillis. Cette obligation suppose que le consentement à la collecte de renseignements ne doit pas être obtenu par un subterfugeNote de bas de page 13.

Ces obligations en matière de conformité ont fait l’objet d’un certain nombre d’enquêtes et de conclusions de la part du Commissariat dont nous serions ravis de présenter les résultats au Bureau de la concurrence.

Au moment où le Bureau de la concurrence examine la façon dont les questions de protection de la vie privée et les domaines de surveillance du Commissariat pourraient jouer un rôle dans l’analyse sur la concurrence, il pourrait tirer parti de nos connaissances sur le sujet et de la collaboration que nous entretenons avec nos partenaires internationaux et nationaux, de même que des recherches que nous menons.

Répondre aux nouveaux défis au moyen de la collaboration

Comme nous l’avons souligné en introduction, il y a un certain nombre d’initiatives récentes à l’échelle internationale qui examinent les croisements de plus en plus fréquents entre la protection de la vie privée, la protection des consommateurs et la concurrence. Grâce à ces nouveaux partenariats de collaboration, un dialogue a été entamé à propos des croisements entre les enjeux en matière de protection de la vie privée et de concurrence. Cela constitue une première étape importante afin d’encadrer, de définir et d’établir une stratégie pour répondre à ces nouveaux défis. Par exemple :

  • Le Digital Clearing House a rassemblé des organisations dans les domaines de la protection de la vie privée, de la protection des consommateurs et de la concurrence de nombreux pays afin d’examiner l’incidence des mégadonnées et la nécessité pour les législateurs et les organismes de réglementation d’amorcer une réflexion sur les enjeux communsNote de bas de page 14.
  • Plus tôt cette année, l’ICPEN et le GPEN ont officiellement entamé leur collaborationNote de bas de page 15.
  • Lors de la dernière Conférence internationale annuelle des commissaires à la protection des données et de la vie privée, une résolution a été adoptée concernant la collaboration entre les autorités chargées de la protection des données et les autorités de protection des consommateurs pour une meilleure protection des citoyens et des consommateurs dans l’économie numérique.

En tant que membre de cette communauté internationale formée entre autres d’organismes de réglementation en matière de protection des données, le Commissariat participe activement aux discussions concernant nombre des nouveaux enjeux décrits dans le document de travail du Bureau de la concurrence. Bien que la plupart des discussions sur la relation entre la protection de la vie privée et la concurrence n’en soient qu’à leur début, il s’agit d’une première étape importante pour favoriser un dialogue sur les défis fondamentaux des organismes de réglementation pour l’ensemble des enjeux en matière de consommation. Le défi commun consiste à créer une économie ouverte, dynamique et novatrice tout en mettant en place les éléments fondamentaux qui favoriseront la confiance et la transparence.

Par exemple, les domaines d’intérêt des organismes de réglementation en matière de protection des consommateurs comprennent la réponse aux défis que représentent le pouvoir du marché et la transparence algorithmique des nouveaux modèles d’affaires.

Sous l’angle de la protection de la vie privée, ces questions sont pertinentes puisqu’elles sont au cœur de l’examen du consentement valide et du niveau de connaissance des individus par rapport à ce que l’on fait avec leurs renseignements personnels. L’Internet des objets, par exemple, fait déjà intervenir la communication d’information en apparence invisible entre les dispositifs interconnectés. Les avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle et de l’analyse prédictive placent les pratiques commerciales comme la transparence algorithmique à l’arrière-plan, ce qui revient à se demander dans quelle mesure les individus sont informés et conscients de ces pratiques et s’ils disposent de l’information et des compétences pour véritablement faire des choix et exercer le contrôle souhaité.

Bien que le document de travail indique que l’objectif de l’analyse de la réglementation en matière de concurrence se distingue de celui de la protection de la vie privée, cette dernière question joue un rôle central dans un grand nombre des enjeux ciblés par le document de travail du Bureau de la concurrence.

Au moment où le Commissariat entrevoit examiner cet enjeu avec d’autres organismes de réglementation nationaux et internationaux, nous sommes impatients d’approfondir les discussions avec le Bureau de la concurrence pendant qu’il poursuit les objectifs décrits dans le document de travail.

Conclusion

Le Commissariat estime que le document de travail du Bureau de la concurrence décrit un certain nombre d’enjeux clés relatifs aux défis de l’économie numérique actuelle. Nous sommes aussi d’accord avec l’énoncé du document de travail selon lequel les mégadonnées ont des implications en matière de politique qui vont au-delà de la concurrence, notamment sur la protection de la vie privée, l’un des domaines mentionnés où il y a une incidenceNote de bas de page 16.

Le Bureau de la concurrence continue à examiner les répercussions des mégadonnées sous l’angle de la concurrence. À la lecture du document de travail, nous comprenons qu’il pourrait aussi examiner les obligations en matière de protection de la vie privée sans tenter de réglementer la façon dont ces obligations sont respectées, un aspect qui relèverait plutôt de notre compétence. Nous appuyons cette approche et croyons que le Commissariat a l’expertise pour se pencher avec le Bureau de la concurrence sur les questions relatives à la surveillance de la protection de la vie privée.

Le Commissariat se réjouit de l’occasion qui lui a été donnée de soumettre ses commentaires au Bureau de la concurrence. Nous serions ravis de discuter de nos observations et de toute autre question d’intérêt mutuel, quand cela vous conviendra.

Veuillez agréer mes salutations distinguées.

La directrice, Politiques et recherche,

(Original signé par)

Barbara Bucknell

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