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Mettre l’intérêt supérieur des jeunes à l’avant-plan en matière de vie privée et d’accès aux renseignements personnels

Résolution des commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux à la protection de la vie privée et des ombuds responsables de la protection de la vie privée

Québec (Québec), du 4 au 5 octobre 2023

Contexte

Le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CNURDE) en 1991. La CNURDE affirme les droits de l’enfant, y compris le droit à la vie privée, et introduit le concept de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ce concept signifie que le bien-être et les droits des jeunes soient des considérations primordiales dans les décisions et actions qui les concernent directement ou indirectement. Dans divers contextes, ce principe directeur peut s’appliquer et permettre d’évaluer et de concilier les intérêts des jeunes par rapport à d’autres.

En plus de 30 ans, la CNURDE a eu une influence considérable sur les droits des jeunes dans le monde entier, incluant le droit à la vie privée. De nombreuses juridictions ont ainsi reconnu que les jeunes peuvent être affectés par les technologies différemment des adultes, qu’ils sont plus exposés aux problèmes liés à la protection de la vie privée et qu’ils ont donc besoin de protections spéciales.

Parmi les instruments politiques et juridiques les plus importants qui se concentrent sur le droit à la vie privée des jeunes ou qui l’abordent, on retrouve les suivants :

Ces initiatives et plusieurs autres reconnaissent les nombreuses occasions pour les jeunes dans l’environnement numérique, mais elles constituent également une réponse nécessaire aux préjudices bien connus auxquels sont exposés les jeunes, comme les préjudices en matière de santé mentale.

Ces initiatives sont prometteuses, mais les signataires estiment qu’il y a encore du travail à faire au Canada pour faire en sorte que les jeunes soient protégés de ces préjudices grâce à des mesures législatives faisant de leur intérêt supérieur une considération primordiale dans le développement de produits et services qui les concernent ou les affectent.

Par conséquent :

Les commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux à la protection de la vie privée et les ombuds responsables de la protection de la vie privée du Canada demandent aux gouvernements de mettre de l’avant l’intérêt supérieur des jeunes en prenant des mesures immédiates, au besoin, en vue :

  • de protéger les jeunes contre l’exploitation commerciale et contre l’utilisation de leurs renseignements personnels dans le but d’influencer leurs comportements de manière négative ou de leur causer préjudice;
  • de promouvoir le droit à la vie privée des jeunes;
  • de revoir et de modifier les lois pertinentes sur la protection des renseignements personnels, ou d’en adopter de nouvelles, afin qu’elles concordent avec les politiques et les instruments juridiques reconnus à l’échelle internationale, le tout afin d’assurer une protection adéquate du droit à la vie privée des jeunes;
  • d’exiger des organisations du secteur privé qui recueillent, utilisent et communiquent les renseignements personnels des jeunes qu’elles :
    • mettent en œuvre des mesures de protection solides;
    • fassent preuve de transparence quant à leurs pratiques;
    • améliorent l’accès des jeunes à des recours efficaces.

Les signataires reconnaissent que les droits des jeunes liés à la protection de leurs renseignements personnels sont leurs propres droits. Toute limite imposée à leur exercice (par exemple vis-à-vis de leurs parents ou tuteurs, ou d’organismes publics) doit partir de ce principe, être précise et limitée aux particularités du contexte et respecter l’intérêt supérieur du jeune.

Les signataires reconnaissent aussi que ces droits s’appliquent tant dans l’environnement numérique qu’à l’extérieur de celui-ci. Bien que cette résolution soit principalement axée sur l’environnement numérique, ses principes devraient être appliqués de manière large.

Les signataires soulignent que les renseignements personnels des jeunes sont particulièrement sensibles. Toute collecte, utilisation ou communication de ces renseignements devrait être faite en considération de ce fait.

Les signataires recommandent aux organisations des secteurs public et privé (ci-après les organisations) d’adopter les pratiques suivantes, qui reflètent également des principes qui devraient guider les réformes législatives :

1. Intégrer la protection des renseignements personnels des jeunes et leur intérêt supérieur dès la conception

Les risques pour la vie privée numérique des jeunes devraient être ciblés et minimisés dès le début d’un projet. Les organisations devraient veiller à ce que la protection de la vie privée et l’intérêt supérieur des jeunes soient intégrés dans le produit ou le service dès la conception.

Les organisations devraient :

  • réaliser des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) pour les projets impliquant des renseignements concernant les jeunes ou pour examiner les effets potentiels précis de ces projets sur les jeunes;
  • adapter leur processus d’EFVP régulier pour réfléchir spécifiquement à la perspective et aux expériences des jeunes (comme individus, mais aussi en tant que groupe) avant de recueillir, d’utiliser ou de communiquer leurs renseignements;
  • faire participer activement les jeunes, leurs parents ou tuteurs, les enseignants ou les défenseurs des enfants à ce processus d’évaluation;
  • réaliser une analyse intersectionnelle afin d’examiner les risques spécifiques pour la vie privée des groupes de jeunes particulièrement vulnérables (p. ex. les jeunes handicapés, des Premières Nations, 2ELGBTQI+).

2. Être transparent

La transparence est nécessaire pour une prise de décision et un consentement éclairés.

Les organisations doivent :

  • fournir l’information sur la protection des renseignements personnels aux jeunes (et à leurs parents ou tuteurs, s’il y a lieu) d’une manière concise, évidente et claire, adaptée à la maturité du jeune concerné;
  • informer les jeunes de la personne à contacter s’ils ont des questions à propos de ces informations;
  • être transparentes quant aux risques pour la vie privée liés à l’utilisation de leur produit ou service. Il pourrait s’agir de diffuser de l’information à propos des efforts qu’elles déploient pour protéger les jeunes contre ces risques, notamment en ce qui concerne la modération de contenus ou les préjudices potentiels.

3. Définir des paramètres qui protègent la vie privée par défaut et désactiver le suivi et le profilage

Les jeunes ne devraient pas avoir à porter le fardeau de rendre les paramètres technologiques compatibles avec leur droit fondamental à la vie privée. Ils ont aussi le droit de ne pas être surveillés ou profilésNote de bas de page 1 sans justification, à leur insu ou sans leur consentement.

Les organisations devraient :

  • limiter la collecte, l’utilisation, la communication et la conservation des renseignements personnels des jeunes à ce qui est strictement nécessaire au produit ou au service;
  • régler les paramètres de confidentialité au plus haut niveau de protection par défaut;
  • désactiver le suivi, y compris la géolocalisation, des jeunes par défaut, sauf s’il est démontrable qu’ils sont nécessaires au fonctionnement du produit ou du service et que l’activité est dans l’intérêt supérieur des jeunesNote de bas de page 2 Note de bas de page 3;
  • éviter de suivre sciemment les comportements en ligne des jeunes et de créer des profils pour des utilisations futures;
  • faire en sorte que toute surveillance ou tout suivi soit évident pour le jeune;
  • éviter toute publicité s’adressant aux jeunes et reposant sur leurs renseignements personnels; de telles pratiques peuvent être abusives, étant donné que les jeunes ont plus de difficulté à distinguer les publicités d’autres formes de contenu;
  • informer les jeunes de tout changement à ces paramètres et de son effet, même si ce sont eux qui procèdent à ce changement;
  • fournir des outils de protection de la vie privée et des mécanismes de consentement adaptés aux jeunes et à leur degré de maturité (ou utilisables par leur parents ou tuteurs, au besoin).

4. Rejeter les pratiques trompeuses

Les jeunes ne devraient pas être forcés ou incités à prendre des décisions concernant leur vie privée qui soient contraires à leurs intérêts.

Les organisations ne doivent pas :

  • intégrer à leurs produits et services des interfaces trompeuses ou des incitatifs comportementaux qui influencent négativement les décisions des jeunes en matière de vie privée ou les poussent à adopter des comportements préjudiciablesNote de bas de page 4.
  • encourager les jeunes à fournir plus de renseignements que nécessaire afin d’utiliser le produit ou le service ni à désactiver les paramètres de confidentialité qui les protègent.

Les organisations devraient :

  • concevoir des produits et des services visant à donner aux jeunes les moyens de faire des choix éclairés en matière de protection de la vie privée et de prendre des mesures vigoureuses afin de faire valoir leur droit à la vie privée et leur droit à la transparence.

5. Limiter la communication de renseignements personnels à des tiers

Vu la sensibilité des renseignements personnels des jeunes, il faut limiter leur communication et leur utilisation.

Les organisations doivent :

  • éviter de communiquer les renseignements des jeunes à des tiers, sauf si elles ont obtenu un consentement valable et exprès, sont autorisées par la loi à le faire pour un motif valable qui est dans l’intérêt supérieur du jeune, ou ont une obligation légale de communiquer à un tiers les renseignements personnels d’un jeune qui est à risque de subir un préjudice ou qui a besoin de protection;
  • expliquer clairement les communications de renseignements personnels à des tiers, y compris les types de renseignements partagésNote de bas de page 5.
  • prendre des mesures pour limiter l’utilisation de renseignements personnels concernant des jeunes par des tiers sous contrat (comme des partenaires, des fournisseurs et des agents) à des fins sans lien avec celles de la collecte (p. ex. recherche, marketing, développement de produit).

6. Permettre la suppression ou la désindexation et limiter la conservation

Les jeunes sont moins susceptibles de comprendre comment les compagnies recueillent, utilisent et communiquent leurs renseignements personnels. Ils sont aussi plus susceptibles de prendre des décisions qui pourraient les affecter négativement dans le futur et pour des périodes plus longues.

Les organisations devraient, et dans certaines situations, doivent :

  • offrir aux jeunes des moyens pour corriger les erreurs qui ont été faites par rapport à leurs renseignements personnels ou pour retirer les renseignements personnels qu’ils regrettent avoir partagés dans le passé;
  • établir des calendriers de conservation qui sont dans l’intérêt supérieur des jeunes, c’est-à-dire des calendriers qui prévoient que les renseignements sont conservés uniquement tant qu’ils sont nécessaires pour offrir un produit ou un service. Cela réduit le risque d’incident de confidentialité et limite la possibilité de réutilisation au-delà des finalités initiales.

7. Faciliter l’accès aux renseignements personnels et à la rectification de ceux‑ci

Les jeunes ont le droit d’accéder à leurs renseignements personnels. Ce droit est fondamental pour garantir que les renseignements détenus sont exacts, à jour et conservés à des fins appropriées. Il permet aussi de tenir les organisations responsables.

Toute organisation a la responsabilité légale générale de fournir un accès rapide et complet aux renseignements personnels d’un jeune à la demande de celui-ci, et dans la plupart des cas, à la demande de son parent ou tuteur. Il est reconnu que l’accès par un parent ou un tuteur à ces renseignements peut être limité par le droit à la vie privée du jeune, dans le respect de son intérêt supérieur et en fonction des particularités de chaque situation.

En vue de donner pleinement effet au droit d’accès, les organisations devraient :

  • adapter leurs façons de faire et leurs procédures pour tenir compte de la perspective et des besoins des jeunes;
  • veiller à ce que tous les renseignements personnels concernant les jeunes soient conservés de manière systématique et accessible pour en faciliter le repérage.

Les organisations doivent :

  • confirmer l’identité des jeunes (et de leurs parents ou tuteurs, s’il y a lieu) qui cherchent à exercer leurs droits d'accès, de rectification et de recours;
  • veiller à ce que la collecte de renseignements personnels à cette fin ne soit pas excessive, et que ces renseignements ne soient pas conservés et utilisés à d’autres fins.

Documents connexes :

Communiqué

Document accompagnateur – Mettre l’intérêt supérieur des jeunes à l’avant-plan en matière de vie privée et d’accès aux renseignements personnels

Comment les organisations peuvent aider à protéger les jeunes en ligne

Signature du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

Signature du IPC-ON

Signature de la CAI-QC

Signature du OIPC-NS

Signature du NB

Signature du Ombudsman du Manitoba

Signature du OIPC-BC

Signature du OIPC-PEI

Signature du OIPC-SK

Signature du OIPC-AB

Signature du OIPC-NL

Signature du OIPC-NT

Signature du OIPC-YK

Signature du OIPC-NU
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