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Air Canada permet à 1% des membres Aéroplan de se « désister » des pratiques de partage d'information

Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2002-42 (Mise à jour)

[Principe 4.1.3, 4.1.4, 4.2.4, 4.3, 4.3.1, 4.3.4, 4.3.5, 4.3.6, 4.5, Annexe 1; et sections 5(3)7]

Plainte

Cinq personnes ont déposé des plaintes similaires concernant les méthodes utilisées par Air Canada pour obtenir le consentement pour le partage d'information concernant son programme de fidélisation (Aéroplan). Ces cinq personnes se sont plaintes qu'Air Canada rejetait sur chacun des membres du Plan la responsabilité de se « désister » de ses pratiques d'échange d'information personnelle avec des sources externes. Quatre d'entre elles se sont également plaintes qu'Air Canada s'était accordé trop de temps pour traiter les requêtes de « désistement » des membres.

Résumé de l'enquête

En juin 2001, Air Canada a distribué à 60 000 des 6 millions de membres d'Aéroplan une brochure intitulée All About Your Privacy. Cette brochure présente cinq situations parmi lesquelles l'information personnelle concernant les membres du Plan peut être partagée (i.e. collecter, utiliser ou divulguer) en vertu du programme, au sein d'Air Canada, avec les entreprises qui lui sont affiliés, ses partenaires et d'autres organisations. On demande aux membres qui ont reçu la brochure de cocher la case de désistement placée à côté de la description de la situation s'ils ne veulent pas qu'Air Canada partage leur information personnelle de la manière décrite. Chaque membre a ensuite la responsabilité de retourner la brochure à Ai Canada par la poste. Il est noté dans la brochure qu'Air Canada peut prendre jusqu'à quatre mois pour traiter la demande de désistement du membre; en fait, il était prévu que le système de traitement qu'Air Canada comptait utiliser ne serait fonctionnel que sept mois après la publication de la brochure.

En vertu de la première situation décrite dans la brochure Information of Interest From Aeroplan Partners, Air Canada ou tout membre de la famille Air Canada distribue des listes d'envoi à des partenaires Aéroplan afin qu'ils puissent envoyer aux membres du Plan des informations qui pourraient les intéresser, notamment des promotions spéciales et des offres de « produits exclusifs et services faits sur mesure selon les intérêts et besoin [des membres] »

La seconde situation concerne la brochure Information of Interest From Companies Outside of the Aeroplan Program. Dans ce cas, Air Canada distribue des listes d'envoi à des compagnies partenaires qui ne participent pas à Aéroplan. La raison de ce comportement est la même que celle décrite ci-dessus dans la première situation. Ni la brochure ni le Guide du membre Aéroplan ne mentionnent les compagnies.

La troisième situation décrite est intitulée Exchange of Information Within the Air Canada Family, mais la description est extrêmement vague et confuse quant à la nature et aux objectifs de l'échange en question. Durant l'enquête, Air Canada a expliqué que la troisième situation est actuellement une « stratégie d'anticipation ». En cherchant le consentement d'une manière délibérément vague et sans limite de durée, Air Canada tentait d'éviter l'obligation de consentement dans les configurations organisationnelles futures d'Aéroplan. Toutefois, la description ne fournit aucune information permettant au membre du Plan de savoir à quoi exactement il consentait.

Dans la quatrième situation décrite, Air Canada collecte, de « sources externes » non identifiées dans la brochure, de l'information concernant les intérêts personnels ou professionnels des membres, des données démographiques ainsi que des renseignements sur l'utilisation ou la préférence pour certains produits et services. Dans la cinquième situation décrite, Air Canada collecte des informations financières personnelles, également de source externes et non identifiées, pour déterminer l'éligibilité des membres à des produits et services financiers spécifiques. La moitié des 60 000 membres sélectionnés pour recevoir la brochure a reçu une version différente dans laquelle on omettait la cinquième situation.

L'enquête a déterminé que, nonobstant le fait que des parties externes étaient impliquées ou non, les cinq situations d'information d'échange décrites contenaient un potentiel suffisant pour fabriquer sur demande ou « tailler sur mesure » l'information personnelle à partir des intérêts et préférences personnelles ou professionnelles des membres du Plan.

Le Guide du membre Aéroplan, soit le document d'inscription envoyé à tous les membres du Plan, indique que les membres recevront de l'information concernant des promotions spéciales et autres, mais n'indique pas quelles informations personnelles seront utilisées, comment elles le seront ou si elles seront divulguées ou collectées à l'extérieur de l'organisation. En fait, le Guide indique le contraire, comme l'indique le passage suivant : « L'information personnelle ne sera transmise qu'aux membres,... ».

Avant de distribuer sa brochure sur la vie privée, Air Canada avait déjà divulgué des informations personnelles concernant les membres en vertu des trois premières situations décrites et avait collecté des informations financières personnelles sur les membres d'au moins une des sources externes en vertu de la cinquième situation. En gérant les listes d'envoi Aéroplan, Air Canada utilise des firmes de publicité directe en tant qu'agent, mais n'a pas encore signé d'entente concernant la confidentialité avec certaines d'entre elles.

Air Canada a donné plusieurs explications concernant sa décision d'utiliser l'option « refus de participer », ou consentement négatif, plutôt que l'option « acceptation de participation », ou consentement positif, pour ses pratiques de partage de l'information. Son principal argument était que la gestion d'un programme d'inscription requérant une acceptation de participation de 6 millions de membres serait impossible, étant donné les coûts prohibitifs de postage et de traitement. Air Canada a également soutenu qu'il est de la responsabilité des membres du Plan de lire le Guide du membre Aéroplan pour savoir comment leur information personnelle est utilisée.

Conclusions du commissaire

Rendues le 11 mars 2002

Compétence : À compter du 1er janvier 2001, la LPRPDE s'applique aux entreprises ou organismes fédéraux, aux entreprises ou aux commerces, tel que définis dans la Loi.

Application : Le principe 4.1.3 requière qu'une organisation utilise un contractuel ou autre pour protéger les informations personnelles traitées par des tiers. Le principe 4.1.4 requière qu'une organisation établisse des procédures pour recevoir et répondre à des plaintes et enquêtes. Le principe 4.2.4 requière qu'une organisation identifie le nouveau motif et obtienne le consentement de la personne dont elle entend utiliser l'information personnelle pour une raison qui n'avait pas été identifiée précédemment. Le principe 4.3 stipule que la connaissance et le consentement de la personne sont requis pour la collecte, l'utilisation ou la divulgation de l'information personnelle. Le principe 4.3.1 stipule que le contenu servant à l'utilisation ou la divulgation devrait normalement être obtenu au même moment que l'information est collectée et, dans tous les cas, avant qu'elle ne soit utilisée. Le principe 4.3.4 stipule que, même si la forme de consentement peur varier, une organisation doit tenir compte de la sensibilité de l'information en déterminant quelle forme utiliser. Le principe 4.3.5 stipule qu'en obtenant le consentement de la personne, ses attentes raisonnables sont pertinentes. Le principe 4.3.6 stipule qu'un consentement formel devrait être obtenu dans le cas d'information sensible, mais que le consentement tacite pourrait être approprié dans les cas où l'information est moins sensible. Le principe 4.5 stipule que l'information personnelle ne devrait pas être utilisée ou divulguée pour des motifs autres que ceux pour lesquelles elle a été collectée sans le consentement de la personne. La section 5(3) stipule qu'une organisation peut collecter, utiliser ou divulguer l'information personnelle uniquement pour des fins qu'une personne raisonnable considérerait appropriées dans les circonstances. Les section 7(1) à 7(5) précisent les situations exceptionnelles dans lesquelles la connaissance et le consentement de la personne ne sont pas requis.

Sur la question du besoin de consentement, le commissaire a considéré que les faits suivants étaient irrévocables :

  • Avant de distribuer sa brochure sur la vie privée, Air Canada avait déjà établi une pratique en utilisant et divulguant l'information personnelle des membres Aéroplan auprès des entreprises qui lui sont affiliées, ses partenaires et agents et avait collecté l'information financière personnelle des membres à au moins une source externe.
  • Le document standard d'inscription, le Guide du membre Aéroplan, ne contient aucune sorte d'information concernant les pratiques d'Air Canada sur le partage d'information et, en fait, donne toutes les raisons de croire que l'information n'est pas partagée en vertu du programme Aéroplan.

Le commissaire a conclu que la brochure sur la vie privée distribuée en juin 2001 représentait la seule et unique occasion où Air Canada avait entrepris d'informer les membres Aéroplan que leur information personnelle était partagée avec des tiers et d'obtenir le consentement pour ces pratiques de partage de l'information. Considérant la démarche d'Air Canada pour obtenir un consentement par le biais de la brochure, le commissaire a noté que cette brochure avait été envoyée à seulement 1% des membres du Plan. Faisant remarquer que la Loi ne permet pas un consentement de pure forme, il a jugé que la démarche pour obtenir ce consentement avait été grossièrement inadéquate.

En somme, il a déterminé qu'Air Canada n'avait pas informé les membres du Plan que leur information personnelle avait été préalablement collectée et divulguée pour des fins autres que celles pour lesquelles elle avait originellement été collectée et qu'Air Canada n'avait pas obtenu le consentement pour une telle collecte, utilisation et divulgation additionnelles. Il a également déterminé que toute personne raisonnable ne se serait pas attendue à ce qu'Air Canada collecte, utilise et divulgue l'information personnelle sans son consentement et, subséquemment, n'aurait pas considéré approprié qu'Air Canada obtienne le consentement de seulement 1% des membres Aéroplan. Le commissaire a dès lors conclu qu'Air Canada n'avait pas souscrit à ses obligations en vertu des Principes 4.2.4, 4.3, 4.3.1 et 4.5 de l'Annexe 1 et de la section 5(3) de la Loi.

Concernant la question de la forme appropriée de consentement, le commissaire a noté qu'une organisation doit tenir compte de la sensibilité de l'information en déterminant la forme de consentement à utiliser. Il a exprimé son inquiétude au sujet des risques potentiels, dans chacune des cinq situations d'échange d'information, d'utiliser et de divulguer une information fabriquée sur commande à partir des habitudes et préférences d'achat individuelles des membres du Plan. Il a déterminé qu'une information de ce type était suffisamment sensible pour justifier l'obtention d'un consentement positif, ou «  une acceptation de participer », par opposition à un consentement de « refus de participer », de la personne concernée. Bien que le commissaire a considéré que la pratique d'utiliser l'information des membres du Plan pour faire la publicité des produits, services et promotions spéciales est en elle-même acceptable, il s'est dit persuadé qu'une personne raisonnable ne s'attendrait pas à ce qu'une telle pratique s'étende à la « fabrication sur mesure » de l'information à partir d'informations concernant les intérêts personnels ou professionnels, les usages ou préférences pour certains services et les statuts financiers potentiellement sensibles des individus sans leur consentement explicite. Le commissaire a considéré qu'Air Canada n'était pas en conformité avec les Principes 4.3.4, 4.3.5 et 4.3.6.

Se référant particulièrement à la troisième situation de la brochure, le commissaire a noté que, même avec un consentement positif, la pratique d'échange d'information décrite, ne serait pas conforme à la Loi. Il a souligné que le Principe 4.3 nécessite autant la connaissance que le consentement de la personne. Il a considéré que la description de la troisième situation ne permettait pas à la personne d'acquérir suffisamment de connaissance. Elle était tellement vague et sans limite de durée qu'elle rendait tout consentement invalide.

Concernant la période de traitement de quatre mois, le commissaire a noté qu'en sollicitant une possibilité de 60 000 enquêtes sous la forme de requêtes de refus de participer, Air Canada aurait dû avoir en place des procédures appropriées pour le traitement raisonnable des expéditions requises pour de telles requêtes. Il a également noté qu'avec un système de traitement qui n'était pas prévu pour être opérationnel avant 2002, Air Canada n'aurait probablement pas pu traiter les requêtes de refus de participer malgré le généreux délai qu'elle s'était accordée. Il a conclu qu'air Canada ne s'était pas conformé aux exigences du Principe 4.1.4

Finalement, étant donné que des ententes de confidentialité n'avaient pas encore été conclues avec certaines des firmes de publipostage employées en vertu d'Aéroplan, le commissaire a considéré qu'Air Canada avait failli aux exigences du Principe 4.1.3

Considérant qu'Air Canada contrevenait à toutes les dispositions pertinentes de la Loi, le commissaire a conclu que la plainte était fondée.

Autres considérations

Le commissaire a fait les recommandations suivantes :

  • Air Canada devrait informer tous les membres Aéroplan au sujet de la collecte, l'utilisation et la divulgation de l'information personnelle qui les concerne.
  • Air Canada devrait expliquer clairement à tous les membres Aéroplan les raisons de la collecte, de l'utilisation et de la divulgation de leur information personnelle.
  • Air Canada devrait obtenir un consentement positif (i.e. acceptation de participer) de tous les membres Aéroplan concernant les situations d'échange d'information décrites dans la brochure.
  • Air Canada devrait établir des procédures appropriées pour obtenir un consentement positif.
  • Air Canada devrait valider les ententes appropriées avec toutes les firmes de publicité directes qu'elle emploie comme agent pour s'assurer que l'information personnelle des membres Aéroplan est protégée conformément à la Loi.
  • Air Canada devrait suspendre toutes ses activités de partage d'information relatives au programme Aéroplan jusqu'à ce que les autres recommandations du commissaire aient été mises en ouvre.

En commençant sa réflexion sur la forme appropriée de consentement, le commissaire a déclaré ce qui suit :

« .[C]omme la plupart des autres défenseurs de la vie privée, j'ai une piètre opinion du consentement au refus de participer que je considère comme étant une forme médiocre de consentement reflétant au mieux une faible marque d'observance de ce qui est sans doute le plus fondamental des principes de la protection de la vie privée. Le consentement par refus de participer est en principe une présomption de consentement - La personne est présumé donner son consentement à moins qu'elle n'entreprenne des démarches pour le refuser. Je partage l'opinion qu'une telle présomption tend à repousser la responsabilité sur le mauvais parti. Je suis également d'avis qu'en invitant les gens à accepter de participer à quelque chose, par opposition à les mettre en position d'avoir à refuser de participer ou à en subir les conséquences, est simplement une question de décence humaine élémentaire. »

« En conséquence, en admettant que la Loi permette l'utilisation du consentement du refus de participer dans certain cas, j'ai l'intention de m'assurer, dans ce cas et dans tout autre délibération future sur des questions de consentement, que de telle situations demeurent limitées, comme il convient, tant par rapport à la sensibilité de l'information mise en cause qu'aux attentes raisonnables des personnes. En d'autres mots, en interprétant le principe 4.3.7, j'entends toujours accorder pleine prépondérance à d'autres dispositions de la Loi, notamment aux Principes 4.3.4, 4.3.5 et 4.3.6 ainsi qu'à la section 5(3). » [Traduction libre]

Résolution

Air Canada a pris avec beaucoup de sérieux les conclusions et les recommandations, ce qui est tout à son honneur. Forte de l'aide du Commissariat, la société a amorcé un processus de reformulation et de refonte de sa politique de partage de l'information conformément à Aéroplan , processus que le Commissariat juge très positif et productif. Ce dernier a passé en revue le produit final et attesté que la politique tient maintenant compte des préoccupations soulevées par le commissaire de la manière suivante :

  • La politique explique aux membres d'Aéroplan en des termes clairs et compréhensibles quel est l'objet de la collecte, de l'utilisation et de la communication des renseignements personnels dans le cadre du programme.
  • Elle explique clairement qu'Aéroplan ne recueille aucun détail sur les transactions permettant aux membres d'accumuler des points dans le cadre du programme.
  • Elle précise qu'Aéroplan ne fournit pas de profils personnalisés des membres aux sociétés partenaires ni à des tiers et précise en outre que les éventuels renseignements fournis aux partenaires ne peuvent être utilisés qu'à des fins liées au programme Aéroplan.
  • Elle indique explicitement et clairement que les membres qui veulent que leurs renseignements personnels soient uniquement utilisés à des fins de réclamation des points Aéroplan peuvent exiger que tel soit le cas, et elle décrit une procédure facile à exécuter dont les membres peuvent se servir pour exercer ce choix.

Pour ce qui est de la question de consulter l'ensemble des membres du programme Aéroplan, Air Canada a mis sur pied un plan très précis grâce auquel une copie de la politique révisée sera jointe aux prochains relevés de compte de tous les membres actifs du programme. De plus, la politique sera affichée sur le site Web d'Aéroplan.

Le Commissariat a également confirmé qu'Air Canada a conclu des ententes de confidentialité avec tous les agents qu'elle engage dans le cadre du programme Aéroplan.

Bref, le Commissariat est convaincu qu'Air Canada a donné suite correctement aux recommandations et est satisfait de l'esprit de collaboration dont la société a fait preuve.

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