Employeur accusé de contraindre des employés à consentir au filtrage de sécurité
Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2002-65
[principe 4.3, annexe 1 et paragraphe 5(3)]
Plainte
Trente-cinq employés de la division des produits nucléaires d'une entreprise se sont plaints du fait que cette entreprise exigeait inopportunément qu'ils consentent à la collecte de renseignements personnels qui les concernaient. Plus précisément, ils ont prétendu que l'entreprise exerçait sur eux des pressions afin qu'ils consentent à une vérification de sécurité, sinon ils risqueraient de perdre leur emploi ou d'être mutés.
Résumé de l'enquête
La division des produits nucléaires de l'entreprise est autorisée par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). En novembre 2001, la CCSN a ordonné que les titulaires de permis interdisent à quiconque ne détient pas une autorisation de sécurité pour l'accès à l'installation d'entrer ou de rester dans une installation autorisée. Ainsi, l'entreprise a exigé la vérification du casier judiciaire des employés de la division comptant dix ans ou plus de service et une vérification complète des antécédents des employés en fonction depuis moins de dix ans. Si l'entreprise ne s'était pas conformée à la directive de la CCSN, elle aurait perdu sa licence de production de combustibles nucléaires et aurait été tenue de fermer la division.
Chaque employé de la division a reçu une trousse d'information accompagnée de formulaires de consentement qui précisaient le type d'information qui serait recueilli en vue de la vérification de sécurité, le nom de l'agence responsable de la collecte et le but de la collecte. Les employés ont aussi été informés d'une entente de non-divulgation entre l'entreprise et l'agence chargée de la collecte en ce qui concerne les renseignements personnels. Le syndicat des employés a négocié une entente en vertu de laquelle tout employé qui ne réussissait pas à obtenir l'autorisation de sécurité pourrait être muté à une autre section de l'installation de l'entreprise, bien que ce ne soit pas nécessairement à un emploi de niveau équivalent.
Les plaignants ont soutenu que leur consentement à la collecte de renseignements personnels n'était pas réellement volontaire étant donné qu'ils faisaient face à des conséquences qui risquaient d'être négatives, qu'ils donnent ou non leur consentement. Les employés qui consentaient à la vérification mais ne réussissaient pas à obtenir l'autorisation de sécurité pouvaient perdre leurs postes actuels et être réaffectés à d'autres divisions de l'entreprise, à des niveaux de travail peut-être inférieurs. Les employés qui refusaient d'y consentir pouvaient perdre leur emploi.
Conclusions du commissaire
Rendues le 14 août 2002
Compétence : Depuis le 1er janvier 2001, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques s'applique aux entreprises fédérales. Cette affaire relevait de la compétence du commissaire parce que la division en question est considérée comme une entreprise fédérale en raison de l'avantage qu'elle offre au Canada à titre d'installation nucléaire et de producteur de combustible nucléaire.
Application : Le paragraphe 5(3) stipule qu'une organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu'à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances. Selon le principe 4.3 de l'annexe 1, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire.
En ce qui concerne le principe 4.3, le commissaire a examiné deux questions : (1) si l'entreprise avait recueilli les renseignements personnels de ses employés à leur insu et sans leur consentement et (2) si le consentement exigé comme condition d'emploi pouvait réellement être jugé volontaire.
Relativement à la première question, il a fait remarquer que l'entreprise avait clairement indiqué qu'elle ne recueillerait pas les renseignements personnels des employés sans obtenir expressément leur consentement. En ce qui a trait à la deuxième question, il a déterminé qu'en vertu de la loi, le consentement était volontaire. Il a fait observer que l'entreprise avait expressément demandé aux employés de la division de donner leur consentement et qu'il appartenait aux employés de le faire ou non. Il a ajouté que la possibilité de conséquences négatives dans l'un ou l'autre cas ne changeait rien au fait qu'on avait offert un choix aux plaignants.
À propos de la même question, le commissaire a signalé que dans cette affaire, à l'instar de la plupart des décisions prises dans la vie qui risquent d'avoir des conséquences négatives, la pression que les plaignants pourraient avoir ressentie au sujet de la collecte ne constituait pas de la contrainte. En vertu de la loi, la principale considération n'est pas les conséquences possibles du refus d'une personne de donner son consentement mais plutôt la collecte même est raisonnable ou non.
En ce qui concerne le paragraphe 5(3), le commissaire a tenté de déterminer si une personne raisonnable estimerait acceptable dans les circonstances que l'entreprise recueille des renseignements personnels des employés dans le but de procéder à des vérifications de sécurité. Il a délibéré comme suit :
- compte tenu des préoccupations considérablement plus grandes, ces derniers mois, en ce qui concerne des actes possibles de terrorisme dans les installations nucléaires, il était entièrement raisonnable que la CCSN impose des exigences de sécurité accrues à ses titulaires de permis;
- si l'entreprise ne s'était pas conformée à la directive de la CCSN, elle aurait perdu sa licence de production de combustibles nucléaires, n'aurait plus été en mesure de poursuivre ses activités liées aux produits nucléaires, aurait fait face à des pertes financières considérables et aurait été tenue de licencier les plaignants. Par conséquent, il était entièrement raisonnable que l'entreprise ait choisi de se conformer à la directive;
- une personne raisonnable estimerait acceptable dans les circonstances que l'entreprise, ayant raisonnablement décidé de se conformer à une directive raisonnable, recueille les renseignements personnels en question de ses employés dans le but de procéder à une vérification de sécurité.
Le commissaire a conclu, en conséquence, que l'entreprise s'était conformée au paragraphe 5(3) et au principe 4.3.
Il a conclu que les plaintes étaient non fondées.
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