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Une compagnie d'assurances exige des propriétaires d'immeuble qu'ils recueillent des renseignements personnels concernant les locataires

Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2006-343

(Article 2; paragraphe 5(3); principe 4.3 de l'Annexe 1)

La plaignante, propriétaire d'un immeuble locatif, maintient que pour obtenir des services d'assurance, sa compagnie d'assurances exige qu'elle recueille et communique des renseignements concernant ses locataires, dont le nom de leur compagnie d'assurances, le numéro de leur police d'assurance et sa date d'échéance. Lorsqu'elle a refusé de fournir cette information, la compagnie d'assurances n'a pas renouvelé la couverture de sa propriété.

La commissaire adjointe à la protection de la vie privée a déterminé que la demande de la compagnie d'assurances de recueillir ces renseignements était raisonnable et que la plaignante, menant une activité commerciale, avait l'obligation d'obtenir le consentement de ses locataires en ce qui concerne la collecte et la communication d'informations. Néanmoins, la commissaire adjointe estimait que la compagnie d'assurances pourrait mieux expliquer les motifs pour lesquels elle a besoin de ces renseignements. La société a accepté de le faire et a modifié ses formulaires en conséquence.

Voici un résumé du déroulement de l’enquête et les conclusions rendues par la commissaire adjointe.

Résumé de l’enquête

La compagnie d'assurances en question assure l'immeuble de la plaignante depuis un certain nombre d'années. Quelques mois avant le renouvellement de son contrat, la compagnie lui a fait parvenir un questionnaire concernant les logements en location, et lui a demandé de le remplir et de le lui retourner. La plaignante n'ayant pas répondu à cette demande, la compagnie lui a écrit pour lui dire qu'elle refusait de renouveler sa couverture. Elle a essayé, en vain, de contourner l'exigence de fournir des renseignements concernant les locataires. Par la suite, la plaignante a obtenu une couverture d'une autre compagnie d'assurances qui n'exigeait pas qu'elle fournisse des renseignements personnels concernant ses locataires.

La compagnie d'assurances en question a indiqué avoir créé le questionnaire en 2002 pour deux motifs : pour être en mesure de poursuivre un locataire et pour contrôler le montant des primes des polices d'assurance. La compagnie d'assurances précise qu'elle assure uniquement les propriétaires d'immeuble locatif, non pas les locataires. Si un locataire causait des dommages à un immeuble locatif assuré, la compagnie d'assurances devrait indemniser de la perte le propriétaire assuré. Toutefois, en tant que compagnie d'assurances, elle dispose d'un droit contractuel qui lui permet d’agir au nom d'un assuré et de poursuivre le locataire pour couvrir la perte. Si le locataire n'est pas assuré, la compagnie d'assurances indique qu'il est très peu probable que le locataire soit personnellement en mesure de couvrir la perte. En conséquence, la société demande ces renseignements afin de s'assurer qu'elle peut couvrir toute perte résultant de la négligence d'un locataire.

En second lieu, la compagnie d'assurances a indiqué que même si elle pouvait augmenter les primes pour couvrir le risque associé à la location d'une propriété et ce, peu importe si le locataire est assuré ou non, elle a choisi d'établir le montant de ses primes en fonction du risque réel. Toutefois, dans les cas où les locataires ont souscrit une assurance de responsabilité civile en bonne et due forme, la compagnie d'assurances indique savoir qu'elle pourra recouvrer les dommages infligés à la propriété qu'elle couvre en raison de la négligence des locataires. La compagnie allègue que, si elle est en mesure de recouvrer la perte, elle peut ainsi réduire les primes d'assurance. La compagnie d'assurances indique qu'il est à l'avantage de toutes les parties assurées de lui permettre d'adopter cette méthode, puisqu'il s'agit de la meilleure façon de maintenir les primes d'assurance au plus bas niveau possible.

Selon la compagnie d'assurances, si elle offrait une garantie pour les immeubles locatifs dont les locataires ne sont pas assurés, elle couvrirait un risque beaucoup trop élevé. La compagnie indique évaluer le niveau de risque en fonction des renseignements qu'on lui fournit concernant les locataires (y compris les conditions du contrat de location) et détermine les primes d'assurance correspondantes à partir de calculs actuariels des biens, notamment le ratio des dépenses par rapport au recouvrement des coûts.

La compagnie d'assurances demande d'obtenir le nom de la compagnie d'assurances du locataire, le numéro de police et la date d'échéance pour s'assurer de la bonne foi du locataire. Son service de la tarification conserve l'information dans des dossiers aux fins d’évaluation des risques, mais ne communique pas ces renseignements à d'autres services de la société. En conséquence, s'il y avait réclamation, le service des sinistres de la compagnie d'assurances communiquerait avec le propriétaire de l'immeuble pour obtenir le nom du locataire et les renseignements concernant ses assurances. La compagnie d'assurances ne demande pas d’emblée le nom du locataire, de façon que les renseignements concernant l'assurance ne soient pas liés à une personne précise. Et puisque les renseignements concernant l'assurance ne peuvent pas être liés à une personne précise, la compagnie maintient qu'il ne s'agit pas de renseignements personnels.

Selon la compagnie d'assurances, ces pratiques sont courantes dans l’industrie. Le Commissariat a demandé au Bureau d'assurance du Canada (BAC) de fournir des commentaires à cet égard. Le BAC indique qu'il n'existe aucune norme, dans l’industrie de l'assurance des biens et des assurances dommages, qui vise les cas où les compagnies d'assurances demandent à un propriétaire d'immeuble locatif des renseignements concernant les assurances d'un locataire. Selon le BAC, ces pratiques varient d'un assureur à l'autre en fonction des exigences relatives aux garanties et au code de protection de la vie privée de chaque assureur. Néanmoins, le BAC propose une justification de cette pratique semblable à celle qu'a avancée la compagnie d'assurances. Selon le BAC, un assureur peut vouloir obtenir de tels renseignements puisque les obligations juridiques d'un propriétaire et d'un locataire sont conjointes et solidaires. La responsabilité conjointe et solidaire suppose que, dans le cas de dommages infligés à un syndicat de copropriétaires ou à une autre unité condominiale, l'assureur responsabilité du propriétaire ou du locataire peut être tenu de payer le montant total des dommages. Si le locataire cause des dommages à l'ensemble du syndicat de copropriétaires, il est probable que le syndicat poursuivra le propriétaire de l'unité pour obtenir compensation par le truchement de sa société d'assurance. L'assureur du propriétaire de l'unité poursuivrait par la suite le locataire (c.-à-d. l'assureur du locataire, si celui-ci a souscrit une assurance responsabilité civile) pour récupérer les dommages-intérêts qu'il a versés pour couvrir la perte. Les assureurs ont besoin de renseignements concernant le risque qu'on leur demande de couvrir et, pour cette raison, peuvent demander des renseignements concernant les locataires, notamment leur police d'assurance. En fonction des exigences de tarification, un assureur peut décider de ne pas accepter de couvrir un risque particulier. Selon le BAC, il est acceptable que l'assureur d'un propriétaire d'unité demande les mêmes renseignements que la compagnie d'assurances désire obtenir des locataires.

Conclusions

Rendues le 21 juillet 2006

Application : L'article 2, qui définit les renseignements personnels comme tout renseignement concernant un individu identifiable; le paragraphe 5(3), qui indique qu'une organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu'à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances; le principe 4.3, qui indique que toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et doit y consentir.

En rendant sa décision, la commissaire adjointe s’est appuyée sur les considérations suivantes :

  • Même si la société indique que, puisque l'information n'était liée à aucun nom, il ne s'agissait pas de renseignements personnels, la commissaire adjointe a fait remarquer que l'article 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques indique qu'il suffit qu'un individu soit « identifiable » et pas nécessairement « identifié ».
  • Puisque des renseignements comme le numéro de la police d'assurance pourraient être liés au nom d'une personne et, en conséquence, la rendre identifiable, elle a déterminé que l'information demandée constitue des renseignements personnels selon la définition de l'article 2.
  • La commissaire adjointe a affirmé que les fins pour lesquelles la compagnie désirait recueillir des renseignements sur l'assurance du locataire, principalement pour réduire les risques qu'elle encourt et maintenir des primes d'assurance compétitives, semblent constituer un motif qu'une personne raisonnable estimerait acceptable dans les circonstances. Même si les motifs n'ont pas été exposés explicitement (une question qui est traitée sous la section « Autres considérations »), dans les circonstances de la présente plainte, on a expliqué les motifs à la plaignante lorsqu'elle a demandé des précisions concernant la pratique de la compagnie.
  • En ce qui touche la question du consentement lié à la collecte et à la communication des renseignements du locataire, la commissaire adjointe a fait remarquer que, en sa qualité de propriétaire, la plaignante était, aux fins de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi), une organisation menant une activité commerciale. Si elle a choisi d'assurer sa propriété par cette compagnie d'assurances, elle est tenue de respecter les dispositions concernant le consentement exposées au principe 4.3 de l'annexe 1 de la Loi. La commissaire adjointe a mentionné que la plaignante aurait également à assumer d'autres obligations en vertu de la Loi, notamment l'obligation d'informer les personnes du motif pour lequel on recueille et communique l'information et l'exigence de protéger ces renseignements.

En conséquence, elle a conclu que la plainte était non fondée.

Autres considérations

Comme on l'a fait remarquer ci‑dessus, la Loiexige qu'on expose explicitement les motifs de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements personnels. Si la plaignante avait choisi de continuer à souscrire une assurance par l'entremise de la compagnie d'assurances en question, il lui aurait incombé de respecter cette obligation puisqu'elle est une organisation menant des activités commerciales. Toutefois, la commissaire adjointe a fait remarquer qu'il s'agit d'une obligation dont il lui aurait été difficile de s'acquitter dans les circonstances puisque le motif de la collecte et de la communication des renseignements concernant le locataire ne figurait pas sur le formulaire de la société d'assurance.

En conséquence, la commissaire adjointe a recommandé que la compagnie modifie son formulaire d'assurance pour inclure une mention expliquant les raisons pour lesquelles elle utilise un questionnaire pour obtenir des renseignements concernant le locataire (principalement pour réduire les risques qu'elle encourt et pour maintenir des primes compétitives) et la façon dont ils seront utilisés. En exposant les motifs de la collecte et l'utilisation prévue, l'assureur devrait également préciser que, dans les cas de dommages causés par un locataire, il est possible qu'on demande au propriétaire de fournir de nouveau les renseignements concernant le locataire aux fins de poursuite. La commissaire adjointe a également recommandé que la compagnie indique aux propriétaires que, en vertu de la Loi, lorsqu'ils recueillent des renseignements personnels concernant le locataire et qu'ils les communiquent à la société, ils ont la responsabilité de mentionner aux locataires, en vue d’obtenir leur consentement, les fins de la collecte et à qui sera divulguée l'information, et de protéger et conserver ces renseignements.

La société a adopté ces recommandations et a fourni au Commissariat un exemplaire de son questionnaire modifié et de la lettre accompagnant le questionnaire. La commissaire adjointe a examiné ces documents et a estimé que les modifications répondaient adéquatement à ses préoccupations.

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