Enquête concernant le Law School Admission Council
Rapport de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2008-389
Le 29 mai 2008
* Voir Post-scriptum pour la mise à jour.
Plainte déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi)
1. M. Eike-Henner Kluge, plaignant, s’oppose à la condition imposée par le Law School Admission Council (LSAC) voulant que les étudiants canadiens fournissent une empreinte du pouce ou de doigt pour subir le LawSchool Admission Test (LSAT). M. Kluge estime qu’une telle condition porte atteinte au droit à la vie privée des étudiants. Il craint aussi que les autorités américaines puissent avoir accès, en vertu de la USA PATRIOT Act, aux empreintes détenues par le LSAC.
Résumé de l’enquête
Qu’est-ce que le LSAC?
2. Le LSAC a été mis sur pied en 1947 afin de coordonner, de faciliter et d’améliorer le processus d’admission dans les facultés de droit. Il s’agit d’une société sans but lucratif qui compte parmi ses membres plus de 200 facultés de droit des États-Unis et du Canada. Quinze (15) facultés de droit au Canada en font partie. Le LSAC offre un certain nombre de services à ses facultés membres afin de faciliter le processus d’admission. Toutes les évaluations et décisions relatives à l’admission dans les facultés de droit reviennent aux facultés selon leurs propres procédures et l’information que le LSAC réunit pour le dossier de chaque candidat. Toutes les facultés de droit membres du LSAC exigent que les candidats subissent le LSAT.
3. Le LSAC a été constitué en société selon les lois de l’État du Delaware. Chaque faculté de droit a un vote en ce qui concerne le choix du conseil d’administration. Le conseil compte 18 membres ayant le droit de vote. Selon le LSAC, l’un des 18 membres du conseil provient habituellement d’une faculté de droit canadienne. Le président des agents d’admission des facultés de droit canadiennes siège également au conseil, mais n’a pas le droit de vote. Il participe toutefois aux travaux du conseil.
4. Le LSAC compte quatre comités permanents, et au moins un membre de chaque comité provient d’une faculté de droit canadienne. Ces comités ont pour mission d’élaborer des politiques. Selon le LSAC, le Canada est assez bien représenté dans ses instances, et le LSAC est à l’écoute de ses membres canadiens et tient compte des préoccupations qui leur sont propres.
5. Toutes les facultés de common law du Canada, à l’exception de l’Université de Moncton, de l’Université McGill et du programme de common law en français de l’Université d’Ottawa, exigent pour fins d’admission que les étudiants passent le LSAT.
6. Le LSAC souligne qu’il n’est pas présent physiquement au Canada parce qu’il n’y a pas de bureau. Il envoie aux facultés de droit des caisses contenant des articles d’information et des affiches concernant le LSAT, et il revient, selon lui, aux universités d’utiliser le matériel (ce qui est normalement le cas). Un membre du personnel, qui appartient généralement au bureau du registraire de l’université, fait office d’administrateur de l’examen ou de superviseur du centre d’examen (SCE). Le SCE et le LSAC sont liés par une entente signée, en vertu de laquelle le SCE s’engage à réserver des locaux pour certaines dates et à fournir la salle d’examen. Le LSAC signe une entente avec le fournisseur des locaux et, parfois, assume les frais de location. Le SCE doit ensuite trouver des surveillants pour le processus d’inscription des candidats le jour de l’examen et pour surveiller la salle pendant l’examen. Le SCE et les surveillants sont rémunérés par le LSAC, mais aucune entente contractuelle ne lie les surveillants et le LSAC.
7. L’étudiant qui veut passer le LSAT s’inscrit d’abord par la poste, en ligne ou par téléphone et acquitte des frais de 155 $CAN (d’autres montants sont prévus pour les inscriptions tardives ainsi que pour passer l’examen dans un centre d’examen non établi). Si les étudiants canadiens acquittent les frais par chèque ou mandat poste, le montant est en dollars canadiens; s’ils paient par carte de crédit, le montant sera débité en dollars américains.
8. Le LSAC estime que ses activités ne tombent pas sous le coup de la Loiparce qu’il ne s’agit pas d’activités commerciales. À l’appui de sa position, le LSAC indique que les tribunaux n’ont pas encore statué sur la notion d’« activités commerciales » dans un contexte de protection de la vie privée, mais l’ont fait dans un contexte commercial et ont conclu qu’il devait y avoir un objet prépondérant de génération de profits. Le LSAC soutient :
[Traduction]
Quand on évalue avec objectivité le LSAC, particulièrement son mandat et son objet prépondérant dans l’administration du LSAT, son statut en tant qu’organisme sans but lucratif et sans capital-actions, ses membres et sa structure de gouvernance, et l’intérêt public quant à la prestation d’un mécanisme pédagogique pour l’évaluation des personnes qui souhaitent être admises dans une profession réglementée pour l’exercice du droit, puisque rien n’est prévu dans les dispositions législatives ni la jurisprudence canadiennes en matière de protection de la vie privée, nous estimons et soutenons que le LSAC ne mène pas d’activités commerciales aux fins de la LPRPDE.
9. Le LSAC, malgré sa position à l’effet qu’il n’est pas assujetti à la Loi, a coopéré à l’enquête du Commissariat.
Collecte
10. Le LSAT est un examen normalisé qui est administré quatre fois par année dans des centres d’examen désignés dans le monde entier. Selon le LSAC, en moyenne 135 000 étudiants de droit potentiels subissent l’examen chaque année. En 2005, un peu plus de 7 000 LSAT ont été administrés au Canada, ce qui représente environ cinq pour cent du total.
11. Au moment de l’inscription, l’étudiant reçoit un billet d’admission qu’il amène avec lui au centre d’examen le jour de l’examen. Le billet comporte deux cases réservées à l’empreinte des pouces du candidat et un bloc pour la signature du candidat.
12. Le jour de l’examen, on conduit une procédure d’inscription sur place, pour laquelle l’étudiant amène son billet d’admission, fournit une pièce d’identité avec photo et les empreintes de ses pouces et signe le billet. Une partie du billet, le talon, est détachée de la partie qui contient les empreintes (et les autres renseignements personnels indiqués plus haut). L’étudiant apporte le talon du billet dans la salle d’examen. Le talon indique son nom, son numéro de compte LSAT et son numéro d’assurance sociale (NAS).
13. Les préposés à l’examen (SCE ou surveillants) recueillent les empreintes, qui sont en encre claire (et non pas numériques). Les empreintes ne sont pas vérifiées pendant l’examen et ne sont pas conservées sur les lieux de l’examen.
Utilisation
14. Le LSAC indique que les empreintes digitales peuvent être utilisées lorsqu’il y a allégation de substitution de personne. Par exemple, si l’augmentation de la note obtenue par un candidat qui reprend un examen est suspecte, le LSAC peut examiner les empreintes et l’écriture que l’on retrouve sur les copies d’examen. Le LSAC indique qu’étant donné que le principal objectif de l’empreinte du pouce est de dissuader ceux qui voudraient faire appel à des remplaçants/experts pour passer les examens à leur place, il n’est pas très souvent tenu de vérifier des empreintes du pouce. En fait, nous avons appris que depuis la mise en œuvre de sa politique d’empreintes du pouce, le LSAC n’a pas eu de cas où il a jugé nécessaire d’examiner l’empreinte du pouce de candidats à des examens. Le LSAC est d’avis qu’il en est ainsi parce que la politique de l’empreinte du pouce est un moyen dissuasif efficace pour ceux qui seraient peut-être tentés de faire appel à un expert de la rédaction d’examens.
Notification
15. L’étudiant qui s’inscrit par la poste reçoit une brochure d’information et les formulaires d’inscription au LSAT. Sous la section intitulée « Day of the Test », les candidats à l’examen sont avisés qu’ils devront présenter une pièce d’identité valide (non expirée) avec photo émise par un gouvernement et portant leur signature. La pièce d’identité originale présentée doit comporter une photo récente et identifiable ainsi qu’une signature visible. Parmi les pièces d’identité acceptables, mentionnons le passeport, le permis de conduite ou une autre pièce émise par un gouvernement.
16. À la page suivante figurent des renseignements sur les règlements relatifs au centre d’examen. C’est dans cette section qu’on indique aux étudiants que l’empreinte de leur pouce sera prise.
[Traduction]
Empreinte du pouce. L’empreinte du pouce des candidats sera prise à chaque administration du LSAT. Cette empreinte n’est conservée que durant la période requise pour confirmer l’authenticité des résultats d’examen et protéger l’intégrité du processus d’examen.
17. Tous les candidats sont tenus de remplir un document d’autorisation qui se lit, en partie, comme suit :
[Traduction]
Je comprends que je suis responsable de l’exhaustivité et de l’exactitude de tous les renseignements qui figurent sur ce formulaire. Je certifie que j’ai reçu et lu la brochure d’information, imprimée ou en ligne, sur le LSAT et le LSDAS, et accepte d’être lié(e) par ses modalités [?]. (gras ajouté par le LSAC)
18. La journée de l’examen, les candidats reçoivent une copie d’une fiche d’information pour le candidat aux examens du LSAT, qui donne des renseignements généraux sur l’examen, les objets interdits, l’inconduite, les plaintes, etc. Sur la deuxième page, on indique ce qui suit :
[Traduction]
Empreinte du pouceTous les candidats qui se présentent aux examens du LSAT doivent donner une empreinte du pouce. Cette empreinte n’est conservée que durant la période requise pour confirmer l’authenticité des résultats d’examen et protéger l’intégrité du processus d’examen.
19. Aucune option n’est proposée aux candidats en remplacement de l’empreinte du pouce. S’ils ne donnent pas leur empreinte, ils ne peuvent passer l’examen. Au meilleur de la connaissance du LSAC, personne ne s’est objecté à cette pratique. Tout refus serait normalement indiqué par les surveillants, qui notent également tout autre « incident », comme le retrait de certains objets interdits du centre d’examen. Le LSAC a toutefois indiqué qu’un candidat avait écrit au LSAC pour obtenir des éclaircissements sur la prise d’empreintes. Le LSAC lui a répondu et n’en a plus entendu parler.
Conservation des renseignements et mesures de sécurité
20. Après l’examen, les billets d’admission et les feuilles de réponses sont envoyés au LSAC, aux États-Unis, où ils sont conservés dans un entrepôt hors site qui est loué par le LSAC et dont il est l’unique locataire. L’entrepôt est verrouillé et est équipé d’un système d’alarme. À l’intérieur de l’entrepôt, les renseignements sont conservés dans un endroit grillagé sécurisé, qui ne peut être ouvert qu’à l’aide d’une clé. L’immeuble n’est visité que pour y récupérer des dossiers.
21. Le LSAC indique que tous les documents qu’il recueille sur les candidats, y compris les billets d’admission, sont détruits après cinq ans, conformément à un processus de destruction confidentiel et sécurisé. Le LSAC a des politiques en place qui régissent la conservation et la confidentialité des données.
22. En ce qui concerne l’accès aux dossiers par les autorités, la politique et la pratique préconisées par le LSAC lorsqu’il reçoit un subpoena demandant l’accès à des dossiers de candidats à des examens sont d’informer la personne visée par le subpoena pour ainsi lui donner la possibilité de le contester, et, pour le LSAC, de contester le subpoena s’il le juge injustifié ou trop général. Il faut noter, toutefois, qu’en vertu de la USA PATRIOT Act, l’organisation n’est pas autorisée à informer la personne dont les renseignements sont visés par le subpoena.
Contexte de la décision de prendre des empreintes du pouce
23. Le LSAC a commencé à prendre les empreintes du pouce des candidats durant le cycle d’examens 1974-1975. Il s’agit d’une des mesures de sécurité adoptées pour protéger l’intégrité du LSAT. Depuis, peu importe l’endroit où l’examen est administré, chaque candidat à l’examen est tenu de donner une empreinte du pouce. Bien que des preuves anecdotiques semblent indiquer que les empreintes du pouce n’ont pas toujours été recueillies depuis 1974, le LSAC est d’avis que la pratique a été mise en œuvre de façon uniforme.
24. Selon le LSAC, au moment où la décision a été prise, des préoccupations avaient été soulevées quant à la substitution de personne étant donné certaines allégations à cet égard. La prise d’empreintes du pouce a été jugée comme le moyen dissuasif le plus sûr. Le LSAC indique que rien depuis ce temps ne lui a fait changer sa position sur cette question. L’organisation a envisagé la possibilité de prendre des photos des candidats, mais ce moyen n’a pas été jugé aussi fiable. À cette époque, les candidats trouvaient cette procédure plus encombrante. Par ailleurs, les pièces d’identité avec photo n’étaient alors pas aussi répandues qu’elles le sont aujourd’hui.
25. Le LSAC souligne que les répercussions sur la protection des renseignements personnels ont été prises en compte. Les candidats ont exprimé des préoccupations à cet égard, et le LSAC a jugé qu’il les avait traitées, donnant l’assurance que la collecte n’était faite qu’à des fins limitées, que l’information ne serait pas divulguée à d’autres fins et que les renseignements seraient par la suite détruits. Le LSAC indique qu’il a résisté aux demandes qu’il jugeait inappropriées, comme une université qui voudrait avoir accès aux empreintes. Toutefois, si une demande était faite en vertu de la USA PATRIOT Act, le LSAC n’aurait d’autre choix que de s’y conformer.
26. Le LSAC soutient que la substitution de personne continue d’être une préoccupation. Il a cité un incident où un résident de Toronto a demandé à une autre personne de passer l’examen à sa place. Selon le LSAC, cet incident démontre que la tentation de tricher reste forte parmi certains des candidats aux examens, mais le LSAC est d’avis que l’exigence de fournir des empreintes du pouce est un moyen de dissuasion efficace contre ce phénomène.
Buts visés et questions à se poser
27. Le LSAC indique que la saisie de l’empreinte du pouce est effectuée afin de confirmer l’authenticité des résultats d’examen et de protéger l’intégrité du processus d’examen. Il reconnaît cependant que cette façon de faire constitue essentiellement une mesure de dissuasion qui a été mise en place afin d’éviter que des personnes ne passent l’examen au nom de candidats inscrits. Le LSAC indique qu’il aura recours à l’empreinte s’il soupçonne qu’une personne s’est fait passer pour une autre.
28. Le LSAC indique que les empreintes du pouce ne sont pas utilisées pour vérifier l’identité des candidats au moment de l’examen, mais qu’elles sont plutôt utilisées après celui‑ci si des soupçons le justifient. Les empreintes du pouce sont considérées comme ayant un « rôle fondamentalement essentiel » en ce qui a trait à la dissuasion d’un comportement qui aurait une influence sur le résultat obtenu à l’examen. Pour le LSAC, il s’agit là d’un objectif clé. Le LSAC est convaincu que les candidats qui savent à l’avance qu’ils devront se soumettre à la saisie de l’empreinte de leur pouce seront moins tentés de demander à une autre personne de passer l’examen à leur place. Le LSAC indique que l’empreinte du pouce peut aussi servir de preuve irréfutable permettant d’établir l’identité de la personne qui a réellement passé l’examen en cas d’allégations de substitution de personne ou de délit d’action. Selon le LSAC :
[Traduction]
Il est dans l’intérêt de toutes les parties concernées, et plus particulièrement dans celui des candidats aux examens et des facultés de droit, qu’aucun doute ne puisse être soulevé quant à l’intégrité des résultats de l’examen. En cas de toute allégation du contraire, l’empreinte du pouce permet d’établir, avec le plus haut degré de certitude, qu’une personne ayant passé l’examen est bien qui elle prétend être.
29. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer comment la comparaison de deux séries d’empreintes pourrait servir de preuve afin de déterminer l’identité de la personne ayant réellement passé l’examen, le LSAC a décrit la procédure d’inscription utilisée pour l’administration de chaque examen. Il a indiqué que cette procédure était suffisamment approfondie pour lui permettre d’avoir la certitude que la personne qui fournit l’empreinte du pouce est aussi celle qui passe l’examen. Le LSAC exige la présentation d’un document d’identité avec photo délivré par le gouvernement, et les participants ont peu d’occasions, entre la procédure d’inscription et le début de l’examen, de se faire remplacer par une autre personne. Le LSAC croit qu’en informant à l’avance les candidats à l’examen de l’exigence de présenter un document d’identité avec photo et de fournir une empreinte du pouce, ces derniers seront dissuadés de prendre part à toute manœuvre frauduleuse visant à tromper le LSAC. Il indique que « par souci d’équité à l’endroit des personnes qui passent l’examen du LSAT sans […] tricher et afin de répondre au besoin qu’ont nos facultés membres d’obtenir un résultat fiable, nous […] croyons qu’il est de notre devoir de mettre en place les meilleures mesures de sécurité possible » [Traduction].
30. Même si le LSAC soutient qu’il n’est pas assujetti à la Loi, il a tout de même expliqué la raison d’être de sa pratique qui consiste à procéder à la saisie des empreintes du pouce et à les utiliser en cas de doutes en s’appuyant sur l’examen d’une conclusion précédente du Commissariat qui date de 2004, et sur l’affaire consécutive devant la Cour fédérale, portant sur la collecte de données biométriques, nommément de l’empreinte vocale.
31. Le LSAC soutient que son objectif, en ce qui a trait à la collecte de l’empreinte du pouce des candidats à l’examen, est raisonnable. Il présente les arguments suivants :
- L’empreinte du pouce est un renseignement personnel qui est de nature aussi délicate que l’empreinte vocale.
- Les mesures de sécurité mises en œuvre par le LSAC ont été conçues sur mesure afin de répondre aux besoins de l’organisation en matière de sécurité, et elles sont appropriées.
- Le LSAC procède à la collecte des empreintes du pouce à des fins professionnelles authentiques, nommément la protection de l’intégrité du processus d’examen grâce à un effet de dissuasion et à la possibilité d’identifier les personnes qui ont passé l’examen.
- L’utilisation des empreintes du pouce permet d’atteindre ces objectifs.
- La collecte des empreintes du pouce est une façon de faire raisonnable si on la compare à d’autres mesures qui permettent d’atteindre les mêmes niveaux d’intégrité et d’identification, et dont les coûts et les avantages opérationnels sont sensiblement les mêmes.
- Le potentiel d’atteinte à la vie privée est proportionnel aux coûts et aux avantages opérationnels compte tenu des mesures de sécurité mises en place par le LSAC.
32. Le LSAC indique qu’il a des raisons légitimes de vouloir protéger au moins l’intégrité du processus d’examen. Il croit que l’importance de son examen pour les facultés de droit en tant qu’outil pour l’évaluation des candidats, et le désir des personnes qui passent l’examen d’obtenir des résultats qui ne peuvent être mis en doute, constituent des facteurs importants dont le Commissariat doit tenir compte. Le LSAC déclare ensuite ce qui suit :
[Traduction]
Le LSAC a adopté une norme d’identification très élevée de manière à pouvoir authentifier les personnes qui ont passé son examen au besoin. Toute allégation voulant qu’une personne ait passé l’examen à la place d’une autre porterait atteinte à la confiance à l’égard du LSAC et des résultats du LSAT par les personnes ayant passé ces examens et par les facultés de droit. Il est permis de penser que le fait que certaines personnes croient qu’un « remplaçant à un examen » pourrait réussir à passer l’examen à la place d’une autre personne entraînerait une érosion de la confiance envers l’intégrité du LSAT. Le caractère soi‑disant intrusif de la saisie de l’empreinte du pouce est tempéré par le besoin impérieux de veiller à l’intégrité de l’examen. Compte tenu des circonstances entourant la collecte et l’utilisation des empreintes du pouce, nous croyons et aimerions faire valoir au Commissariat qu’une personne raisonnable considérerait la collecte des empreintes du pouce appropriée dans les circonstances. (gras ajouté par le LSAC)
33. Pour ce qui est de la limitation de la collecte, le LSAC indique que, dans la mesure où la saisie de l’empreinte du pouce a pour objectif la protection de l’intégrité du processus d’examen et l’identification hors de tout doute des personnes qui ont passé l’examen, il estime que la collecte de renseignements personnels est limitée à ce qui est « nécessaire ». La saisie de l’empreinte du pouce est nécessaire pour garantir à toutes les parties intéressées qu’il n’existe aucun doute possible quant à l’intégrité des résultats à l’examen. L’empreinte du pouce permet de garantir, avec le degré de certitude le plus élevé possible, que les personnes qui passent l’examen sont qui elles prétendent être.
34. En 2003‑2004, 77,9 % de tous les candidats ont passé le LSAT une fois seulement, 18,5 % ont passé l’examen à deux reprises, et environ 3,6 % ont passé l’examen à plus de deux reprises. Le LSAC n’établit pas régulièrement des rapports des données statistiques relatives au nombre de personnes qui ont passé l’examen à plusieurs reprises pour plus d’un cycle d’examen. Il a, par contre, fourni des renseignements préliminaires au sujet de l’année d’examen 2005-2006. Les renseignements présentés indiquaient que 28 % des personnes qui avaient passé l’examen pendant ce cycle avaient été exposées au moins une fois à un examen précédent.
35. Le Commissariat s’est aussi penché sur les exigences en matière d’identification pour les examens d’admission administrés aux États‑Unis, ainsi qu’au Royaume‑Uni et en Australie, deux pays qui se sont dotés de lois sur la protection des données. Tandis qu’aux États-Unis, on a mis en place des mesures de collecte de l’empreinte du pouce au moment de l’examen d’admission, et, dans certains cas, de prise d’une photographie numérique au moment de l’examen, nous n’avons pu trouver aucune preuve selon laquelle de telles exigences s’appliquaient aux examens tenus au Royaume‑Uni et en Australie, où les candidats devaient habituellement présenter un document d’identité avec photo lors de leur inscription à l’examen.
Application
36. Pour rendre notre décision, nous avons appliqué l’alinéa 4(1)a), le paragraphe 5(3) et le principe 4.4. L’alinéa 4(1)a) prévoit que la partie 1 de la Lois’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales. Le paragraphe 5(3) prévoit quant à lui que l’organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances. Enfin, le principe 4.4 stipule que l’organisation ne peut recueillir que les renseignements personnels nécessaires aux fins déterminées.
Conclusions
37. La première question à aborder est celle de la juridiction. Le LSAC allègue qu’il ne participe à aucune activité commerciale aux termes de la Loi. Pour appuyer sa position, le LSAC invoque « son statut en tant qu’organisme sans but lucratif et sans capital-actions, ses membres et sa structure de gouvernance et l’intérêt public quant à la prestation d’un mécanisme pédagogique pour l’évaluation des personnes qui souhaitent être admises dans une profession réglementée pour l’exercice du droit » [Traduction].
38. Le statut du LSAC en tant qu’organisation sans but lucratif ni capital-actions fondée sur l’adhésion n’est pas déterminant. La Loi s’applique aux organisations qui, en vertu de l’article 2, comprennent « notamment des associations, sociétés de personnes, personnes et organisations syndicales ». Il n’y a pas d’exception pour les organisations sans but lucratif ou fondées sur l’adhésion. Bien au contraire, la définition d’« activité commerciale », qui vise « toute activité régulière ainsi que tout acte isolé qui revêtent un caractère commercial de par leur nature, y compris la vente, le troc ou la location de listes de donneurs, d’adhésion ou de collecte de fonds », indique clairement que l’intention du Parlement est que la Loi s’applique aux transactions commerciales auxquelles les organisations sans but lucratif ou fondées sur l’adhésion peuvent participer.
39. En outre, je ne puis admettre que les activités du LSAC soient de nature pédagogique. Si les objectifs du LSAC sont liés à la mesure des capacités aux fins du processus d’admission aux facultés de droit, cette activité doit nécessairement être considérée comme distincte du processus de formation de l’esprit ou d’amélioration d’un domaine de connaissance humaine en tant que tel. La mesure des capacités ne constitue pas, en soi, une forme de prestation de services pédagogiques et ne reflète pas, non plus, un objectif pédagogique. Je ne puis donc pas admettre qu’il y ait une composante pédagogique aux activités du LSAC qui ferait en sorte qu’elles ne soient pas visées par la Loi.
40. À mon avis, le LSAT évalue les capacités intellectuelles préexistantes des candidats aux études en droit pour des motifs associés aux besoins administratifs des organisations membres du LSAC et non pour répondre aux besoins pédagogiques de ces candidats. En centralisant les tests d’admission, le LSAC vise à alléger le fardeau administratif qui appartiendrait autrement aux facultés de droit individuelles qui veulent faire évaluer les capacités analytiques particulières de leurs candidats. Ce service est avantageux du point de vue du temps, des coûts et d’autres ressources que les membres du LSAC n’ont pas besoin de consacrer à cette activité. La centralisation des évaluations leur permet également de faire des économies d’échelle. Les coûts des activités du LSAC sont compensés par les frais qu’il exige des candidats qui doivent passer le LSAT pour être admis dans la plupart des facultés de droit canadiennes et entreprendre une carrière professionnelle en tant qu’avocat. L’administration centralisée du LSAT par le LSAC constitue un service utile pour les écoles professionnelles qui sont membres du LSAC. Vu les circonstances, je suis d’avis que les activités principales du LSAC répondent, principalement, aux besoins administratifs et organisationnels de ses membres et ne visent pas des objectifs pédagogiques ni publics. Je suis donc convaincue que l’administration du LSAT par le LSAC constitue une activité de nature commerciale, conformément aux exigences de l’alinéa 4(1)a).
41. La question de l’application de la loi canadienne à une organisation telle que le LSAC, qui est situé aux États-Unis, doit également être prise en considération. Une loi peut s’appliquer à des personnes, à des biens ou à des transactions qui sont situés à l’extérieur de la juridiction du législateur s’il y a un lien suffisant entre la question en litige et la juridiction de celui-ci. Dans de tels cas, la convergence des liens fait en sorte que la question entre effectivement dans la juridiction de législateur. La suffisance des liens est évaluée par l’examen de liens réels et considérables.
42. Divers facteurs doivent être analysés pour que l’on puisse déterminer si un tel lien existe, dont : le lieu où l’activité a lieu; le lieu vers lequel les profits convergent; le lieu des activités préparatoires; la résidence des parties; le lieu de la signature du contrat; le lieu de toutes les procédures potentiellement liées aux activités; la région que les activités promotionnelles ont principalement visée; le lieu où se trouve le fournisseur de contenu; le lieu où se trouve le serveur hôte; le lieu où se situent des intermédiaires; le lieu où se trouve l’utilisateur final.
43. Une analyse de l’enquête montre qu’il y a de nombreux liens au Canada. De l’aveu du LSAC, la présence au Canada du LSAC est forte. Quelque 15 facultés de droit canadiennes sont membres du LSAC. L’un des 18 membres votants du conseil d’administration du LSAC est habituellement un représentant d’une faculté de droit canadienne. Au moins l’un des membres des quatre comités permanents vient d’une faculté de droit canadienne. Le président des agents d’admission des facultés de droit canadiennes siège au conseil d’administration, participe à ses discussions, mais n’a pas le droit de vote.
44. Le LSAC accepte les chèques et les mandats en dollars canadiens quand un étudiant au Canada s’inscrit pour passer le LSAT. Le LSAC n’a peut-être pas de présence physique au Canada, mais il s’engage par contrat avec le superviseur du centre d’examen (qui est habituellement un membre du bureau du registraire de l’université). Le LSAC annonce ses services directement aux Canadiens et au Canada. Les évaluations sont réalisées au Canada, et les empreintes du pouce sont recueillies au Canada. Le LSAT est également une partie intégrante de la procédure d’admission aux facultés de droit canadiennes.
45. Pour tous les motifs énumérés, je suis donc convaincue qu’un lien véritable et important existe entre le LSAC et le Canada, et que les activités du LSAC sont donc visées par la Loi.
46. Ayant donc établi la juridiction du Commissariat, je me pencherai maintenant sur l’activité en question. Pour déterminer si la prise des empreintes du pouce des candidats au LSAT est appropriée, tel que l’allègue le LSAC, on doit répondre à quatre questions. Il s’agit des critères sur lesquels se fonde le Commissariat pour évaluer le caractère approprié des fins dont il est question au paragraphe 5(3). Ces questions sont les suivantes :
- Est‑il possible de faire la preuve que la mesure est nécessaire pour répondre à un besoin particulier?
- Cette mesure est‑elle susceptible d’être efficace pour répondre à ce besoin?
- L’atteinte à la vie privée est‑elle proportionnelle à l’avantage qui en découlera?
- Existe‑t‑il un autre moyen moins envahissant qui pourrait permettre d’atteindre le même objectif?
47. Le LSAC déclare qu’il recueille les empreintes du pouce des candidats pour confirmer l’authenticité des résultats d’examen et pour protéger l’intégrité du processus d’examen en décourageant les remplaçants éventuels et en fournissant les moyens d’identifier les candidats dont la situation est suspecte.
48. En raison du nombre de facultés de droit qui utilisent le LSAT, il est facile de comprendre pourquoi le LSAC veut prévenir la fraude et préserver l’intégrité de l’évaluation pour les candidats honnêtes et pour rassurer les facultés membres quant à la fiabilité des notes obtenues aux évaluations. En ce qui concerne la preuve de l’existence de problèmes liés à la fraude, le LSAC a fourni de l’information anecdotique sur des problèmes qu’il a connus avant l’introduction des empreintes du pouce dans les années 70; le LSAC souligne que la fraude continue d’être une préoccupation et il a mentionné qu’on avait récemment sollicité quelqu’un à Toronto pour qu’il passe l’examen à la place d’un candidat Même si le LSAC croit que l’exigence relative aux empreintes du pouce est une mesure de dissuasion efficace en ce qui concerne les projets de substitution de personne, la tentation de tricher demeure toutefois forte chez certains candidats.
49. Cependant, l’efficacité des empreintes du pouce en tant que mesure de dissuasion est difficile à mesurer. Il est impossible de déterminer si cette exigence décourage effectivement les projets de substitution de personne ou si les candidats qui sont portés à tricher trouvent des manières de contourner l’exigence. Le LSAC allègue que le fait de savoir à l’avance que des empreintes du pouce seront relevées décourage les candidats de trouver un expert en rédaction d’examens. Pourtant, il indique qu’un dépliant récemment trouvé à Toronto avait été distribué par une personne qui cherchait un tel expert. La personne a-t-elle donné suite à son projet? Il est impossible de répondre à cette question.
50. La prise d’empreintes du pouce peut être efficace en cas de fraude présumée (c.-à-d. dans le cas de candidats qui ont passé l’examen à plusieurs reprises et dont les résultats sont suspects), mais cette mesure est prise depuis plus de 30 ans, et les empreintes n’ont, dans les faits, jamais été utilisées à ces fins.
51. Il n’y a aucun doute qu’un certain niveau d’authentification est nécessaire afin de garantir l’intégrité de l’examen, et le LSAC exige des candidats qu’ils fournissent une pièce d’identité avec photo. Les empreintes ne sont pas utilisées, au moment de l’examen, pour garantir qu’un candidat particulier est effectivement la personne qu’il prétend être. Il est donc possible qu’un candidat dont c’est la première inscription à l’examen et qui a demandé l’aide d’un expert en rédaction d’examens après avoir faussé tous les documents d’identité « réussisse » l’examen sans que le LSAC le sache. L’authenticité de la note ne peut donc pas être garantie.
52. L’invasion de la vie privée est-elle proportionnelle à l’avantage qui en découlera?
53. Pour répondre à cette question, on doit déterminer si les empreintes du pouce constituent une atteinte à la vie privée. Le LSAC a invoqué une affaire concernant la biométrie (les empreintes vocales) étudiée par le Commissariat pour appuyer son point de vue selon lequel les empreintes du pouce ne portent pas atteinte à la vie privée.
54. Par sa nature, la biométrie porte toujours atteinte à la vie privée, dans une certaine mesure. Le LSAC allègue que les empreintes du pouce portent autant atteinte à la vie privée que les empreintes vocales, que le Commissariat avait considérées comme ne portant atteinte à la vie privée que dans une faible mesure. Cependant, contrairement à une empreinte vocale, une empreinte du pouce a une connotation négative, compte tenu de son lien avec le processus pénal. À mon avis, en raison de ce lien, l’empreinte du pouce porte plus gravement atteinte à la vie privée que l’empreinte vocale.
55. En outre, la mesure doit être envisagée dans le contexte approprié. La prise d’empreintes du pouce peut être acceptable dans certaines circonstances. Toutefois, dans le cas en question, les empreintes sont utilisées dans le cadre d’un examen d’admission, ce qui ne peut pas être considéré comme un cas de sécurité publique ni de sécurité nationale.
56. L’avantage de la prise d’empreintes du pouce pour le LSAC est qu’il peut garantir à ses membres qu’il fait tout ce qui est possible pour assurer la sécurité de l’examen. Cependant, quand on considère que les empreintes de milliers de personnes sont entre les mains de l’entreprise et ne seront probablement jamais utilisées, la balance penche, et l’atteinte à la vie privée n’est pas proportionnelle aux avantages obtenus.
57. En ce qui concerne des moyens plus conformes au principe de respect de la vie privée et permettant les mêmes fins, si l’identité des candidats est authentifiée de manière appropriée au moment de l’examen, il n’est pas nécessaire de recueillir des empreintes du pouce qui ne seront probablement jamais utilisées. Par comparaison, dans l’affaire concernant les empreintes vocales, ces empreintes étaient utilisées chaque fois qu’un employé voulait accéder au système informatique de l’entreprise.
58. Quand la prise d’empreintes du pouce a été introduite au milieu des années 70, les pièces d’identité avec photo n’étaient pas monnaie courante. L’exigence actuelle de présenter une pièce d’identité avec photo valide, devrait, à mon avis, suffire à réduire la possibilité qu’il y ait substitution de personne.
59. En ce qui a trait à la préoccupation de M. Kluge relativement aux données conservées aux États-Unis et pouvant être obtenues par les autorités américaines en vertu des dispositions de la USA PATRIOT Act, je soulignerais que même si les empreintes du pouce étaient conservées au Canada, elles seraient tout de même assujetties aux mesures d’exécution de la loi américaines et canadiennes.
60. En somme, on peut comprendre pourquoi le LSAC veut confirmer l’authenticité des résultats d’examen et protéger l’intégrité du processus d’examen en dissuadant la substitution de personne et en permettant d’identifier un candidat soupçonné d’avoir triché. Toutefois, la prise d’empreintes du pouce ne lui permet pas d’atteindre cet objectif de manière efficace. Il est impossible de mesurer dans quelle mesure la prise d’empreinte du pouce a été efficace en tant que mesure de dissuasion. Dans les faits, les empreintes n’ont jamais été utilisées en cas de fraude présumée. Ce sont l’efficacité douteuse et l’absence d’une utilisation des empreintes pour leur objectif prévu qui font pencher la balance et qui rendent l’atteinte à la vie privée plus importante que les avantages obtenus. Enfin, il est clair qu’on peut atteindre cet objectif de manière appropriée en identifiant les candidats quand ils arrivent sur les lieux de l’examen. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la collecte et la conservation des empreintes du pouce en tant que mesure de dissuasion sont appropriées aux termes du paragraphe 5(3). Par ailleurs, cette pratique ne se limite pas aux fins déterminées, ce qui constitue une violation du principe 4.4.
61. Avant de rendre ses conclusions relativement à cette plainte, Heather H. Black, ancienne commissaire adjointe, a recommandé que le LSAC cesse de faire la collecte des empreintes du pouce des étudiants qui passent le LSAT au Canada. Le LSAC a répondu qu’il était prêt à examiner d’autres moyens d’atteindre les objectifs visés, précisant que « sans reconnaître la juridiction du Commissariat ni l’assujettissement à la Loiet tout en rejetant respectueusement votre analyse et vos conclusions préliminaires, le LSAC cessera volontairement de faire la collecte des empreintes du pouce des candidats à l’examen dès le 29 septembre 2007. Il utilisera plutôt des preuves photographiques pour certifier l’identité des candidats, aux fins raisonnables d’assurer la sécurité et l’intégrité de l’examen » [Traduction]. L’organisation a ajouté que : « Cette mesure n’empêchera aucunement le LSAC de rétablir sa politique de prise d’empreintes du pouce à une date ultérieure, et ne signifie pas que le LSAC renonce à son droit de contester éventuellement en justice la juridiction du Commissariat ou l’assujettissement à la Loi » [Traduction].
62. Le LSAC a précisé ce qu’il entendait par « l’utilisation de preuves photographiques ». Il fait tout d’abord valoir que cette plainte ne visant que la collecte et la conservation des empreintes du pouce des candidats, rien ne l’empêche de recueillir et de conserver des photos de ceux-ci. Par ailleurs, dans les directives fournies par le LSAC aux candidats en juillet 2007, on peut lire qu’« à partir de septembre 2007, les candidats qui passeront l’examen dans des centres au Canada DEVRONT apporter une photo le jour de l’examen. Le LSAC conservera cette photo » [Traduction].
63. Ces directives comportent diverses exigences relatives à la photo. Il doit s’agir d’une « photo récente et claire [qui] doit avoir été prise au cours des six derniers mois et ne montrer que votre visage et vos épaules. Les photos plastifiées et les photocopies seront refusées […] La photo doit être suffisamment claire pour qu’on ne puisse douter de votre identité. Votre apparence sur la photo doit être la même que le jour de l’examen » [Traduction]. On précise également que le nom de l’étudiant, son numéro de compte LSAC, le code du centre d’examen ainsi que la date à laquelle il subit l’examen doivent être indiqués à l’arrière de la photo avant que celle-ci soit fixée (avec de la colle ou du ruban adhésif) au billet d’admission, au cas où le billet et la photo seraient séparés. Par ailleurs, on insiste sur le fait que les étudiants qui n’auront pas de photo récente sur leur billet d’admission au LSAT n’auront pas le droit de passer l’examen. Les étudiants doivent également apporter une pièce d’identité délivrée par une administration gouvernementale sur laquelle apparaît leur signature.
64. Dans son rapport préliminaire, la commissaire adjointe Heather H. Black a déterminé que la collecte d’empreintes du pouce était inacceptable, car elle ne servait ni à assurer l’authenticité des résultats ni à protéger l’intégrité du processus d’examen en dissuadant la substitution de personne et en permettant d’identifier un candidat soupçonné d’avoir triché. Elle a fait remarquer que l’obligation actuelle de présenter une pièce d’identité avec photo délivrée par une administration gouvernementale devrait amplement suffire à atténuer les risques de substitution de personne.
65. En réponse à nos recommandations, le LSAC a décidé de remplacer l’exigence de fournir des empreintes du pouce par celle d’apporter une photo. S’est-il simplement contenté de remplacer une pratique inacceptable de collecte et de conservation par une autre pratique tout aussi inacceptable? Comme il le faisait avec les empreintes du pouce, le LSAC propose de recueillir et de conserver les photos principalement à des fins de dissuasion.
66. Le LSAC veut empêcher les candidats de tricher en envoyant une autre personne passer l’examen à leur place, et veut pouvoir utiliser les renseignements recueillis en cas de circonstances douteuses. Il n’est toutefois pas certain que la collecte et la conservation de photos soient appropriées pour dissuader les tricheurs. Pour vérifier si c’est vraiment le cas, nous avons de nouveau répondu aux quatre questions.
67. Premièrement, peut-on faire la preuve que la mesure est nécessaire pour répondre à un besoin particulier? Comme l’a fait remarquer l’ancienne commissaire adjointe, il est compréhensible que le LSAC veuille empêcher la substitution de personne et préserver l’intégrité de l’examen par souci d’équité à l’endroit des candidats honnêtes et pour rassurer les écoles membres quant à la fiabilité des résultats. Cependant, si le LSAC se dit toujours préoccupé par le fait que la tentation de tricher n’a pas diminué depuis les années 1970, il ne peut prouver que des candidats ont tenté de se faire remplacer. On ne saurait donc dire si l’ancienne mesure (à savoir, la collecte d’empreintes du pouce) s’est avérée efficace, ou si les cas de substitution de personne n’ont tout simplement pas été décelés. Il est très probable que la mesure proposée (à savoir, la collecte de photos) engendre la même incertitude. En raison de l’absence de preuves, dans un cas comme dans l’autre, il est difficile d’évaluer la nécessité d’adopter une mesure de dissuasion en particulier. Cela dit, de toute évidence, la vérification de l’identité des candidats s’impose.
68. Deuxièmement, est-ce que la mesure est susceptible d’être efficace pour répondre à ce besoin? Vu le peu de preuves factuelles pouvant servir à déterminer le nombre de tricheurs parmi les candidats à l’examen, il est difficile de mesurer l’efficacité de tout moyen de dissuasion, y compris les photos. Toutefois, faire correspondre des empreintes du pouce de façon scientifique est un processus plus complexe que comparer une photo avec le candidat qui se présente à l’examen ou avec une photo du candidat accessible au public. Il serait plus facile d’identifier les tricheurs après les faits grâce aux photos, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter l’effet de dissuasion. D’ailleurs, comme avec les empreintes du pouce, les photos peuvent s’avérer efficaces lorsqu’on soupçonne la substitution de personne, par exemple lorsqu’un candidat ayant passé l’examen à plusieurs reprises obtient des résultats douteux. De manière générale, je dirais que la présentation d’une photo est, selon moi, un moyen de dissuasion efficace.
69. Troisièmement, quant à savoir si l’atteinte à la vie privée est proportionnelle à l’avantage qui en découlera, il y a une grande différence entre la collecte et la conservation d’empreintes du pouce et la collecte et la conservation de photos. À mon avis, les attentes d’une personne en matière de protection de la vie privée relativement à sa photo sont moins grandes que ses attentes relativement à ses empreintes du pouce. D’ailleurs, les ministères, les employeurs, les établissements d’enseignement et les organismes de réglementation recueillent et conservent régulièrement des photos, notamment à des fins d’authentification ou d’identification.
70. Dans le rapport préliminaire du Commissariat, il est fait mention de la connotation négative des empreintes du pouce, qui sont associées au processus pénal. Les photos n’ont pas cette connotation négative. En outre, le rapport souligne que la collecte d’empreintes du pouce représente une atteinte disproportionnée à la vie privée dans les circonstances, soit un examen d’entrée dans une école de droit (comparativement, par exemple, à des situations touchant la sécurité nationale). La collecte de photos est moins préoccupante, ce renseignement personnel étant moins sensible que les empreintes du pouce. La collecte et la conservation de photos sont, selon moi, une atteinte à la vie privée beaucoup moins menaçante que la collecte et la conservation d’empreintes du pouce. L’atteinte à la vie privée est donc faible.
71. Quel avantage cette solution présente-t-elle pour le LSAC? Comme pour les empreintes du pouce, le LSAC peut garantir aux écoles de droit membres qu’il prend des mesures concrètes pour assurer la sécurité de l’examen et la fiabilité des résultats. D’une part, si, après l’examen, on soupçonne qu’il y a eu substitution de personne, le LSAC peut se référer à la photo versée au dossier. D’autre part, il semble que le LSAC n’ait jamais eu besoin de vérifier des empreintes du pouce après un examen, ce qui serait probablement aussi le cas avec des photos. Cependant, si l’on tient compte du fait que les photos sont un renseignement personnel beaucoup moins sensible que les empreintes du pouce, et que l’atteinte à la vie privée dans ces circonstances est minime, j’estime que, tout bien considéré, l’atteinte à la vie privée est proportionnelle à l’avantage qui en découle.
72. Enfin, il faut se demander s’il existe un autre moyen moins envahissant d’atteindre le même objectif. Il existe sans aucun doute d’autres moyens moins envahissants que la collecte et la conservation d’empreintes du pouce. Pour ce qui est des photos, le LSAC exige déjà que les candidats présentent une pièce d’identité avec photo délivrée par une administration gouvernementale à des fins d’identification au moment de l’examen (le LSAC ne conserve pas cette pièce). Je reste d’avis que cette exigence est suffisante pour réduire les risques de substitution de personne. Il est évident que la simple présentation d’une pièce d’identité avec photo est un moyen moins envahissant que la collecte et la conservation d’une photo, et qu’elle permettrait d’atteindre le même objectif. Toutefois, j’admets que la proposition du LSAC, soit la collecte et la conservation d’une photo récente des candidats à l’examen, en plus de la présentation d’une pièce d’identité délivrée par une administration gouvernementale, est seulement un peu plus envahissante que la simple présentation d’une pièce d’identité délivrée par une administration gouvernementale. J’admets également qu’il s’agit d’un moyen d’identifier, après coup, les candidats à l’examen soupçonnés d’avoir triché.
73. Dans l’ensemble, j’estime qu’un bon équilibre est atteint entre le droit du LSAC de recueillir des renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances et le droit à la vie privée. En effet, des preuves appuient l’efficacité de la collecte et de la conservation de photos, l’atteinte à la vie privée est proportionnelle à l’avantage qui en découle et, bien qu’il existe un moyen moins envahissant, il ne l’est qu’un peu moins. Par conséquent, la collecte et la conservation de photos à des fins de dissuasion est, à mon avis, un moyen qui répond aux exigences du paragraphe 5(3) et ne va pas à l’encontre du principe 4.4 de la Loi puisque la collecte est limitée aux renseignements personnels nécessaires aux fins déterminées par le LSAC.
74. La collecte de photos semble être nettement moins problématique que la collecte d’empreintes du pouce. Par conséquent, je conclus que l’organisation n’a pas simplement substitué à une pratique inacceptable de collecte et de conservation une autre pratique tout aussi inacceptable.
75. Néanmoins, je demeure préoccupée par la déclaration du LSAC selon laquelle bien qu’il ait mis sa politique de collecte et de conservation d’empreintes du pouce en veilleuse, il se réserve le « droit de rétablir sa politique de prise d’empreintes du pouce à une date ultérieure » [Traduction]. Je crois fermement que cette politique d’utilisation d’empreintes du pouce n’est pas raisonnable par rapport aux fins déterminées et qu’elle va à l’encontre du principe 4.4. Puisque le LSAC soutient qu’il peut rétablir cette politique à tout moment s’il le juge nécessaire, je ne peux conclure que la plainte est résolue.
76. Par conséquent, la plainte est fondée.
77. Pour que le LSAC se conforme à la Loi, je lui recommande de :
- cesser, de façon définitive, la collecte d’empreintes du pouce;
- limiter la période de conservation des photos à cinq ans, s’il continue d’en faire la collecte.
78. Nous ferons le suivi nécessaire conformément aux pouvoirs qui nous sont conférés en vertu de la Loi.
Post-scriptum
À la suite de la publication du rapport des conclusions de la commissaire, les deux parties étaient prêtes à entreprendre une action en justice. L'affaire a été réglée avant qu'une ou l'autre des parties ne présente un avis de requête.
Le LSAC s'est engagé à mettre en oeuvre toutes les recommandations du Commissariat. Le LSAC cessera de manière permanente de recueillir les empreintes digitales des personnes passant le Law School Admission Test au Canada. Le LSAC limitera à cinq ans la période de conservation des photos qu'il utilisera à la place des empreintes digitales pour vérifier l'identité et prévenir la fraude. Ces photos seront entreposées sécuritairement et détruites confidentiellement et sécuritairement après cinq ans.
Le CPVP a accepté de ne pas entreprendre de litige et de publier cet addenda mettant à jour son rapport de conclusions afin de tenir compte du règlement de cette affaire. Tel qu'il était précédemment indiqué dans notre rapport de conclusions du 29 mai 2008, le CPVP a déterminé que la pratique actuelle du LSAC consistant à vérifier l'identité à l'aide d'une photo afin de prévenir la fraude satisfait aux exigences du paragraphe 5(3) de la Loi et est conforme au principe 4.4. Le Commissariat a le plaisir de considérer cette affaire comme résolue.
Documents connexes
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- Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2010-007 : L'administrateur d'un examen revoit ses mesures visant à prévenir la fraude
- Résumé de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2011-012 : Une candidate au GMAT s'oppose à l'utilisation de la technologie de reconnaissance du réseau veineux de la paume de sa main
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