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Le consentement donné pour ouvrir un compte de crédit conjoint ne suffit pas pour autoriser les vérifications ultérieures de la solvabilité des titulaires de compte

Rapport de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDE no 2015-009

Le 17 février 2015


La plaignante et son conjoint à l'époque avaient ouvert un compte de crédit conjoint chez un détaillant de meubles. Plusieurs mois après la séparation du couple, la femme a constaté que son ex-conjoint avait utilisé le compte conjoint pour effectuer en son nom des achats à crédit totalisant près de 10 000 $. Comme les relevés n'étaient plus envoyés à son adresse (l'ex-conjoint avait fait un changement d'adresse), la plaignante n'avait pris connaissance des achats de son ex-conjoint que plusieurs mois plus tard.

Selon les allégations de la plaignante, pour que son ex-conjoint puisse effectuer ces achats et les porter au compte, le détaillant a dû faire une vérification de sa solvabilité qui a été inscrite à son dossier auprès des agences d'évaluation du crédit. Or, cette vérification a été effectuée à son insu et sans son consentement. La plaignante alléguait également que le détaillant n'avait pas protégé ses renseignements personnels de façon adéquate lorsqu'il avait permis à son ex-conjoint de modifier à son insu l'adresse associée au compte.

Au cours de notre enquête, le détaillant a indiqué avoir obtenu le consentement de la plaignante en vertu de la demande de compte de crédit conjoint qu'elle-même et son conjoint à l'époque avaient signée au moment de l'ouverture du compte. Il estimait que le formulaire de demande dûment signé l'autorisait à vérifier la solvabilité de la plaignante à tout moment auprès de n'importe quelle agence d'évaluation du crédit.

De plus, le détaillant était convaincu que la plaignante et son ex-conjoint étaient conjointement responsables à titre de titulaires du compte conjoint. C'est aussi pourquoi il estimait ne pas avoir à demander le consentement de la plaignante pour vérifier sa solvabilité même si l'achat était fait par son ex conjoint.

Pour ce qui est de permettre à l'ex-conjoint de modifier l'adresse au compte, le détaillant a fait valoir qu'il ne savait pas que le couple s'était séparé après l'ouverture du compte. Il a également souligné que les titulaires d'un compte conjoint sont tous habilités à y apporter des modifications administratives au besoin.

Le Commissariat a noté que, conformément au principe 4.3.4 de la LPRPDE, la forme du consentement que l'organisation cherche à obtenir pour la collecte, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels peut varier selon les circonstances et la nature des renseignements.

Les renseignements sur le crédit constituent des renseignements personnels très sensibles qui ne doivent pas être recueillis ni communiqués sans le consentement clair et explicite de l'intéressé. À notre avis, les dispositions générales régissant le consentement qui figurent dans la demande de compte de crédit conjoint signée par la plaignante et son ex-conjoint en 2008 ne répondent pas à ce critère. Le détaillant aurait dû demander le consentement de la plaignante avant de vérifier sa solvabilité par la suite en 2013.

En conséquence, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a jugé que la plainte concernant la communication de renseignements personnels sans le consentement de l'intéressée était fondée.

Le Commissariat convient toutefois que chaque personne détenant les pleins droits pour l'administration d'un compte conjoint devrait pouvoir y apporter certaines modifications administratives, par exemple faire un changement d'adresse. En conséquence, nous avons conclu que la plainte concernant l'omission de protéger les renseignements personnels était non fondée.

Leçons apprises

  • Les renseignements sur le crédit constituent des renseignements personnels sensibles. Une interrogation inscrite à la suite d'une demande de crédit implique la communication de renseignements personnels aux agences d'évaluation du crédit et peut influer sur la cote de solvabilité et l'admissibilité au crédit. C'est pourquoi toute vérification de la solvabilité d'une personne doit être faire au su et avec le consentement explicite de l'intéressé.
  • La responsabilité partagée à l'égard d'un compte conjoint ne signifie pas que l'un des titulaires peut consentir ou a consenti à une vérification de la solvabilité de l'autre titulaire.
  • Une personne détenant les pleins droits pour l'administration d'un compte conjoint peut y apporter certaines modifications administratives, par exemple faire un changement d'adresse.

Rapport de conclusions d’enquête

Plainte déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « LPRPDE » ou la « Loi »)

Aperçu

La plaignante alléguait qu'un détaillant de meubles (le “ détaillant ”) avait effectué à son insu et sans son consentement une vérification de sa solvabilité qui a été inscrite à son dossier auprès des agences d'évaluation du crédit en 2013, si bien que son ex-conjoint avait porté au compte des achats totalisant près de 10 000 $ au nom de la plaignante. Elle alléguait également que le détaillant n'avait pas protégé ses renseignements personnels de façon adéquate lorsqu'il avait permis à son ex-conjoint de modifier à son insu l'adresse au compte.

En premier lieu, le détaillant a répondu que la plaignante avait donné son consentement sur le formulaire de demande de crédit signé en 2008 pour ouvrir son compte chez le détaillant et sur le contrat d'achat qu'elle avait signée en 2010, ajoutant que la plaignante et le codemandeur étaient conjointement et solidairement responsables. En ce qui concerne le changement d'adresse, le détaillant a répondu qu'il ne savait pas que le couple était séparé et qu'il traite de façon égale les deux titulaires d'un compte conjoint.

Le Commissariat estime que ni la demande de crédit signée par la plaignante en 2008 ni le contrat qu'elle a signé en 2010 ne constituent une forme de consentement adéquate pour d'éventuelles vérifications de la solvabilité personnelle. À notre avis, dans ce dossier, il aurait fallu obtenir un consentement distinct et à jour de la personne visée par la vérification de solvabilité.

Nous estimons que la plainte concernant la communication sans le consentement de l'intéressée était fondée et que celle concernant l'omission de protéger les renseignements personnels était non fondée.

Pour montrer sa bonne volonté, le détaillant a dégagé la plaignante de toute obligation associée à la dette et il examinera ses propres obligations en matière de protection des renseignements personnels dans les situations visées par le présent rapport.

Résumé de l'enquête

  1. La plaignante est une cliente d'un détaillant de meubles qui offre du financement aux clients désireux d'ouvrir un compte auprès de son commerce.
  2. En 2008, la plaignante et son conjoint à l'époque (inscrit en tant que codemandeur) ont ouvert un compte auprès du détaillant pour acheter des meubles. Ils ont alors signé un formulaire de demande de crédit.
  3. D'après la plaignante, le couple s'est séparé en avril 2013 et son mari a alors déménagé à une autre adresse. Elle n'a pas immédiatement informé le détaillant de sa nouvelle situation matrimoniale, car elle croyait que le compte ouvert auprès de son commerce constituait du “ crédit à tempérament ” et non du “ crédit renouvelable ”; de plus, sa limite de crédit sur le compte conjoint se chiffrait à 0 $, comme l'indiquaient les derniers relevés émis par le détaillant.
  4. En août et en septembre 2013, l'ex-conjoint de la plaignante a porté au compte conjoint ouvert auprès du détaillant neuf achats totalisant près de 10 000 $. La plaignante a pris connaissance de ces achats en novembre 2013.
  5. La plaignante a par la suite constaté sur son rapport de solvabilité obtenu auprès d'une agence d'évaluation du crédit que le détaillant avait effectué une vérification de sa solvabilité et que cette interrogation inscrite à son dossierNote de bas de page 1 coïncidant exactement avec le premier achat en cause fait par son ex-conjoint.
  6. La plaignante a fait valoir qu'elle n'avait pas autorisé le détaillant à faire cette vérification de sa solvabilité. À son dire, lorsqu'elle a soulevé le problème auprès du détaillant, celui-ci lui a mentionné que son ex-conjoint avait le droit de porter des achats au compte en vertu de son statut de codemandeur sur le formulaire de demande de crédit présenté par le couple en 2008.
  7. En novembre 2013, la plaignante a demandé au détaillant de retirer le nom de son ex-conjoint en tant que codemandeur sur son compte. Le détaillant a donné suite à sa demande et ajouté dans son système une note indiquant que l'ex-conjoint ne pouvait plus porter d'achats au compte de la plaignante.
  8. Toutefois, la plaignante demeurait responsable de la dette associée aux achats faits par son ex-conjoint.
  9. Elle a alors déposé une plainte auprès du Commissariat.
  10. Dans sa plainte, elle alléguait en premier lieu que le détaillant avait communiqué ses renseignements personnels sans son contentement lorsqu'il avait effectué sans y être autorisé une vérification de sa solvabilité qui a été inscrite à son dossier auprès des agences d'évaluation du crédit, ce qui a permis à son ex-conjoint de porter plusieurs achats au compte conjoint. La dette ainsi contractée au nom de la plaignante se chiffrait à près de 10 000 $.
  11. À ce propos, la plaignante affirme avoir dû signer un nouveau contrat chaque fois qu'elle avait fait des achats chez le détaillant auparavant. De plus, elle avait alors dû consentir à la vérification de sa solvabilité. Pour en faire la démonstration, elle a fourni au Commissariat une copie d'un contrat de crédit à tempérament signé au moment où elle avait fait un achat chez le détaillant en 2010 (son achat le plus récent). Le contrat renfermait une section précisant que la signataire consentait à l'évaluation de sa demande de crédit, à une surveillance continue de sa solvabilité et au maintien de son admissibilité au crédit.
  12. En deuxième lieu, selon les allégations de la plaignante, le détaillant n'aurait pas protégé ses renseignements personnels de façon adéquate lorsqu'il a permis à son ex-conjoint de modifier l'adresse au compte à son insu et sans son consentement. C'est pourquoi elle n'était pas au courant des factures envoyées en lien avec le compte.

Position de l'intimé

  1. Le détaillant rejette l'allégation selon laquelle il aurait communiqué les renseignements personnels de la plaignante au moment de la vérification de sa solvabilité en août 2013. Il affirme n'avoir communiqué aucun renseignement personnel lors de cette vérification.
  2. Le détaillant nie également avoir vérifié la solvabilité de la plaignante sans son consentement en août 2013, précisant que celle-ci avait consenti à cette vérification sur le formulaire de demande de crédit en 2008 ainsi que dans le contrat signé par elle en 2010. D'après lui, le contrat signé par la plaignante en 2010 était encore en vigueur en août 2013, car il restait alors des versements à effectuer. Au dire du détaillant, “ compte tenu de son expérience passée, la plaignante comprenait le mode de fonctionnement du système ”.
  3. Enfin, le détaillant nie que la vérification de solvabilité effectuée en août 2013 a permis à l'ex conjoint de la plaignante de contracter en son nom une dette totalisant près de 10 000 $ du fait que, de l'avis du détaillant, les achats étaient portés à un compte conjoint conformément aux modalités du compte en question.

Vérification de la solvabilité personnelle

  1. Le détaillant a confirmé au Commissariat qu'un titulaire doit signer un nouveau contrat pour chaque achat associé à un compte client. D'après lui, comme la plaignante et son ex-conjoint étaient titulaires du compte conjoint à parts égales et, dès lors, conjointement et solidairement responsables, l'un ou l'autre pouvait signer les contrats associés au compte en question. De plus, le détaillant était d'avis que le formulaire de demande de crédit signé en 2008 par la plaignante et son conjoint à l'époque en tant que demandeurs conjoints l'autorisait expressément à vérifier leur crédit à tout moment auprès de n'importe quelle agence d'évaluation du crédit ou à fournir lui-même de l'information à une agence d'évaluation du crédit.
  2. Le détaillant a expliqué au Commissariat les situations où il peut effectuer une vérification de solvabilité et ce que signifie “ 0 crédit disponible ” :
    [traduction] […] si un client présente un risque de crédit, par exemple du fait qu'il a manqué à des obligations de paiement en cours ou antérieures ou encore que sa cote de solvabilité a diminué, le détaillant fixera à 0 sa limite de crédit. En pareil cas, le crédit disponible sera aussi systématiquement fixé à 0. Cette mention ne signifie pas que le client n'a accès à aucun crédit. Elle indique plutôt qu'une vérification de solvabilité sera effectuée pour tout achat à crédit proposé […]. Le dernier relevé de paiement obtenu par la plaignante avant celui de mars 2010 indiquait également “ 0 ” pour la limite de crédit et le crédit disponible.
  3. Le détaillant a ajouté qu'il est possible de vérifier la solvabilité dans d'autres situations :
    [traduction] […] quand il y a un montant de crédit disponible (p. ex. lorsqu'aucune vérification de solvabilité n'est effectuée au moment de l'achat) ou qu'il reste un solde sur un contrat connexe à l'égard duquel aucun privilège n'a été établi […], [le détaillant] surveille périodiquement les comptes clients pour évaluer l'admissibilité du titulaire au crédit, laquelle peut fluctuer, et pour déterminer s'il est nécessaire de déposer un avis de privilège.
  4. Le détaillant nous a aussi expliqué de quelle façon la solvabilité de la plaignante avait été vérifiée au moment du premier achat fait par son ex-conjoint en 2013 :
    [traduction] […] au moment de l'achat fait par le codemandeur le 22 août 2013, une vérification de solvabilité aurait été effectuée du fait que le crédit disponible était fixé à 0 […]. Dans ce cas, en vérifiant la solvabilité, le caissier aurait simplement vu que le crédit disponible et la limite de crédit se chiffraient à 10 000 $. Il n'aurait pas eu accès aux détails sur lesquels reposait cette information. En arrière-plan, l'algorithme du système utilisé pour les vérifications de solvabilité auprès de [l'agence d'évaluation du crédit] aurait évalué la solvabilité du demandeur principal (la plaignante), sans vérifier celle du codemandeur (l'ex-conjoint) étant donné que le résultat était suffisant.
  5. Le détaillant affirme toutefois que cette vérification de solvabilité n'était pas associée à une “ demande ” de crédit nouveau ou plus élevé. D'après lui, il s'agissait simplement d'une “ mise à jour ” de la solvabilité pour un compte existant qui justifiait l'imputation d'un montant supplémentaire au compte.
  6. À cet égard, le Commissariat a examiné une piste d'audit du compte générée par le système que lui avait fournie le détaillant. Cette information montre que, le soir du 22 août 2013, il avait envoyé à une agence d'évaluation du crédit une demande de crédit pour la plaignante (c'est-à-dire le demandeur “ principal ”) à la suite de laquelle un crédit maximal de 10 000 $ a été approuvé. Après caviardage de l'information sur le tiers et des renseignements d'identification, la piste d'audit se présente comme suit :
    [traduction] 08/22/13 20:49:22 - […] Demande de crédit […] envoyée à l'agence d'évaluation du crédit […]
    Un crédit maximal de 10 000 $ est approuvé pour le client. Catégorie P.
    Rapport de solvabilité […] produit pour le rapport de solvabilité.
    Nouveau rapport de solvabilité […] produit pour le DEMANDEUR PRINCIPAL.
    Demande de crédit approuvée.
    Demande du codemandeur mise à jour.
    Demande […] saisie.

Formulaires de demande de crédit et de contrat du détaillant

  1. Le détaillant demande le consentement des clients avant de communiquer leurs renseignements personnels, y compris les renseignements sur le crédit, en utilisant à cette fin deux formulaires que nous avons examinés.
  2. Nous avons constaté que le formulaire de demande de crédit signé en 2008 par la plaignante et son conjoint à l'époque renfermait en bas de page de l'information en petits caractères concernant le processus de tenue des dossiers du détaillant et la façon dont il communique les renseignements personnels des demandeurs.
  3. En outre, au bas du formulaire de contrat que le client doit remplir et signer pour chaque achat, le détaillant indique les circonstances dans lesquelles une demande de crédit sera évaluée et précise que la solvabilité fera l'objet d'une surveillance continue.
  4. Pour les achats faits en 2013 par l'ex-conjoint de la plaignante, le Commissariat a constaté que le formulaire de contrat avait été signé uniquement par celui-ci en tant que codemandeur.
  5. Enfin, nous avons examiné le rapport de solvabilité de la plaignante qu'elle nous avait fournie. Selon ce rapport, le détaillant avait effectué une interrogation en août 2013 et la limite de crédit de la plaignante auprès de son commerce se chiffrait à 10 000 $.
  6. Nous avons également examiné la politique de confidentialité du détaillant, sa politique concernant les demandes de crédit ainsi que la Loi sur les renseignements concernant le consommateur de l'Ontario.

Modifications à l'information associée au compte conjoint

  1. Le détaillant n'a pas contesté l'allégation selon laquelle il avait modifié l'adresse associée au compte de la plaignante et de son ex-conjoint à la demande de ce dernier. Il a affirmé qu'il traite sur un pied d'égalité les titulaires d'un compte conjoint et qu'il ne savait pas que le couple s'était séparé.
  2. Notre enquête n'a révélé aucune information indiquant que le détaillant disposait d'une politique écrite ou d'une pratique documentée concernant la gestion des renseignements personnels associés aux comptes conjoints.
  3. En outre, le changement d'adresse dans le compte de la plaignante chez le détaillant a été signalée à l'agence d'évaluation du crédit au moment de la vérification de solvabilité. Par conséquent, l'adresse figurant dans le dossier de la plaignante géré par cette agence a été modifiée à tort (remplacée par celle de son ex-conjoint).
  4. En ce qui a trait à la gestion des comptes des membres d'une famille, le Commissariat a publié le Guide pour la gestion des comptes des membres d'une famille ou d'un ménageNote de bas de page 2. D'après ce document d'orientation, “ l'existence d'un lien de parenté entre des personnes ne signifie pas que celles-ci ont des attentes moins élevées en matière de confidentialité en ce qui a trait à la communication de leurs renseignements personnels respectifs ”. Le guide indique en outre que les organisations devraient prendre les mesures nécessaires pour atténuer le risque de communication de renseignements à la mauvaise personne, d'envoi de renseignements à la mauvaise adresse, d'absence de consentement de toutes les parties associées à un compte ou d'omission de mettre à jour ou de tenir avec exactitude les renseignements relatifs au compte.

Mesure prise ultérieurement par le détaillant

  1. À la suite de l'intervention du Commissariat, le détaillant a indiqué avoir entrepris un examen complet de son cadre de gestion des renseignements personnels en vue de peaufiner et d'améliorer ses politiques et ses pratiques et de se conformer aux lois sur la protection des renseignements personnels. Il a affirmé qu'il commencerait à mettre en œuvre les modifications requises en ajustant les systèmes et les formulaires au besoin et en mettant en œuvre des initiatives de formation appropriées. Le détaillant a ajouté qu'il établirait, dans le cadre de son examen, des indicateurs aux fins de surveillance et qu'il assurerait le suivi afin de vérifier l'efficacité de sa politique de confidentialité et la conformité à cette dernière et de l'améliorer constamment. Il prévoit d'apporter des modifications particulières à son formulaire de demande de crédit de manière à expliquer clairement le processus de vérification de solvabilité aux clients qui ouvrent un compte conjoint et à leur indiquer que chacun d'entre eux pourra modifier les renseignements personnels associés au compte conjoint, par exemple l'adresse.
  2. Enfin, au cours de notre enquête, le détaillant a informé le Commissariat que, pour montrer sa bonne volonté, il avait dégagé la plaignante de toutes les obligations découlant des neuf achats faits en août et en septembre 2013. Il a également contacté l'agence d'évaluation du crédit pour faire retirer du rapport de solvabilité de la plaignante l'information concernant la dette contractée par son ex-conjoint.

Application de la Loi

  1. Pour rendre notre décision, nous avons appliqué les principes 4.3 et 4.3.4 de l'annexe 1 de la Loi.
  2. En vertu du principe 4.3, toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire.
  3. Le principe 4.3.4 précise notamment que la forme du consentement que l'organisation cherche à obtenir peut varier selon les circonstances et la nature des renseignements. Pour déterminer la forme que prendra le consentement, les organisations doivent tenir compte de la sensibilité des renseignements.
  4. En vertu du principe 4.7, les renseignements personnels doivent être protégés au moyen de mesures de sécurité correspondant à leur degré de sensibilité.
  5. En vertu du principe 4.7.1, les mesures de sécurité doivent protéger les renseignements personnels contre la perte ou le vol ainsi que contre la consultation, la communication, la copie, l'utilisation ou la modification non autorisées. Les organisations doivent protéger les renseignements personnels quelle que soit la forme sous laquelle ils sont conservés.

Conclusions

Consentement à la communication de renseignements personnels - principes 4.3 et 4.3.4

  1. L'enjeu consiste en premier lieu à déterminer si le détaillant a communiqué à l'insu et sans le consentement de la plaignante des renseignements personnels la concernant lorsqu'il a effectué une vérification de sa solvabilité qui a été inscrite à son dossier auprès des agences d'évaluation du crédit en août 2013. Dans le cas de ce type de demande, l'agence d'évaluation du crédit est informée que la personne demande du crédit supplémentaire. Cette démarche n'est pas sans conséquences pour la personne dont les renseignements personnels sont en jeu — par exemple, ces demandes peuvent influer sur la cote de solvabilité et l'admissibilité au crédit, et les créanciers éventuels à la recherche d'information concernant le dossier de solvabilité de la personne peuvent eux aussi être informés de la démarche.
  2. En raison de éléments de preuve contradictoires, il convient de préciser d'emblée que notre enquête ne nous a pas permis de déterminer si la plaignante avait conclu une “ convention de crédit renouvelable ” ou ouvert un “ compte de crédit à tempérament ” chez le détaillant. Il nous a également été impossible de déterminer avec un degré de certitude acceptable si le détaillant vérifie systématiquement la solvabilité du titulaire d'un compte pour chaque nouveau contrat signé, selon ce que comprend la plaignante, ou s'il effectue ces vérifications au besoin, selon les propos du détaillant repris aux paragraphes 17 et 18 du présent rapport.
  3. À notre avis, ces distinctions ne sont pas pertinentes pour les besoins de notre enquête. Ce qui demeure important, c'est i) qu'une vérification de la solvabilité de la plaignante a manifestement été effectuée, donnant ainsi lieu à une mention dans son rapport de solvabilité personnelle concernant cette vérification inscrite à son dossier auprès des agences d'évaluation du crédit en août 2013; ii) que le détaillant a par la suite approuvé une limite de crédit maximale de 10 000 $ pour la plaignante (comme l'indique une piste d'audit générée par le système); et iii) que la plaignante (en l'occurrence la personne touchée directement par la vérification de solvabilité) n'avait pas consenti expressément et explicitement à ce que le détaillant vérifie sa solvabilité dans les circonstances en question et aux fins pour lesquelles elle était nécessaire (c'est-à-dire conformément au contrat conclu pour l'achat fait par son ex conjoint en août 2013).
  4. Nous n'acceptons pas les raisons invoquées par le détaillant pour expliquer pourquoi il n'avait pas obtenu le consentement exprès et explicite de la plaignante à cette vérification de solvabilité en 2013. Celui-ci a fait valoir qu'à son avis, i) les titulaires d'un compte conjoint sont sur un pied d'égalité et conjointement et solidairement responsables; ii) la plaignante avait signé le formulaire de demande de crédit en 2008, donnant ainsi son consentement; et iii) la disposition concernant le consentement à l'égard d'un contrat que la plaignante avait signé en 2010 pour un achat fait à ce moment était encore en vigueur en août 2013, car il restait des versements à effectuer pour l'achat antérieur.
  5. Nous estimons que le formulaire de demande de crédit du détaillant, signé en 2008 par la plaignante et son conjoint à l'époque en tant que codemandeur, et le contrat signé en 2010 ne donnaient pas au détaillant le consentement requis pour obtenir, communiquer ou échanger des renseignements sur le crédit de l'un des demandeurs “ à tout moment ou auprès de toute agence d'évaluation du crédit ” sans demander à l'intéressé un consentement supplémentaire (par exemple en lien avec un nouvel achat ou un nouveau contrat).
  6. Le principe 4.3.4 précise clairement que la forme du consentement que l'organisation cherche à obtenir pour la collecte, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels peut varier selon les circonstances et la nature des renseignements. Les renseignements sur le crédit sont manifestement des renseignements personnels sensibles. En outre, la plainte faisant l'objet du présent rapport illustre bien les circonstances qui nécessitent une forme de consentement spécifique, ponctuelle et positive pour utiliser ce type d'information.
  7. En outre, le Commissariat estime que la responsabilité conjointe pour les comptes conjoints et les vérifications de la solvabilité personnelle ne sont pas des concepts interchangeables. Nous reconnaissons que, en vertu des modalités des comptes conjoints ouverts chez le détaillant, l'un ou l'autre des titulaires peut faire des achats imputés au compte en question et signer un contrat d'achat à cette fin. Toutefois, du point de vue de la protection des renseignements personnels, comme les vérifications de solvabilité touchent uniquement les renseignements personnels de la personne visée, il faut informer expressément l'intéressé de chaque vérification de solvabilité et obtenir son consentement; on ne peut faire ces vérifications à son insu et sans son consentement, simplement à la demande de l'autre titulaire du compte conjoint, comme le détaillant l'a fait dans ce dossier.
  8. Du fait qu'un nouvel achat était fait sur le compte conjoint de la plaignante et de l'acheteur, le détaillant a présumé, à tort d'après nous, qu'il pouvait effectuer une vérification de la solvabilité de la plaignante qui serait inscrite à son dossier auprès des agences d'évaluation du crédit sans avoir à obtenir son consentement exprès et explicite à cette fin.
  9. En conséquence, le Commissariat estime que le détaillant a contrevenu aux principes 4.3 et 4.3.4 de la LPRPDE.

Mesures de sécurité - Principes 4.7 et 4.7.1

  1. La plaignante alléguait également que le détaillant avait omis de protéger ses renseignements personnels lorsqu'il avait modifié à la demande de son ex-conjoint et sans qu'elle le sache l'adresse associée à son compte conjoint. Notre enquête a révélé que le détaillant traite sur un pied d'égalité les titulaires d'un compte conjoint. Le détaillant a affirmé ne pas savoir que le couple s'était séparé.
  2. Nous convenons que chaque personne détenant les pleins droits pour l'administration d'un compte conjoint devrait pouvoir y apporter certaines modifications administratives, par exemple faire un changement d'adresse. En conséquence, le détaillant n'a pas contrevenu à la Loi lorsqu'il a modifié l'adresse associée au compte conjoint à la demande de l'un des titulaires.

Conclusion

  1. En conséquence, nous avons conclu que la plainte concernant la communication sans le consentement de l'intéressée était fondée et que celle concernant l'omission de protéger les renseignements personnels était non fondée.

Autres commentaires

  1. Malgré ce qui précède, nous continuons de nous demander si les clients ont facilement accès à l'information concernant les pratiques du détaillant en matière de gestion des renseignements personnels associés aux comptes conjoints. Le détaillant ne nous a présenté aucun élément de preuve témoignant de l'existence de cette information.
  2. Le détaillant devrait indiquer clairement à toutes les personnes qui ouvrent un compte conjoint que les deux titulaires peuvent modifier les renseignements personnels associés à ce compte, par exemple faire un changement d'adresse.
  3. Toutefois, nous sommes encouragés par le fait que le détaillant s'est engagé à examiner en profondeur ses obligations en matière de protection des renseignements personnels et ses procédures à cet égard dans les situations visées par le présent rapport et à améliorer la transparence de l'administration des comptes conjoints.

Notes

 

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