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Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227

Juin 2014

Résumé : Le présent appel traite du refus de communiquer certains documents fondé principalement sur le secret professionnel des avocats. L’appel a été accueilli parce que l’institution fédérale ne s’est pas appuyée sur une preuve suffisante pour permettre à la Cour d’appel de déterminer si les refus étaient justifiés.

Faits : En septembre 2007, Citoyenneté et Immigration Canada (« CIC ») a conclu que M. Leahy n’était pas autorisé à rendre des services à des clients en matière d’immigration et a envoyé une directive demandant à tous les bureaux des visas d’envoyer une lettre aux clients de M. Leahy pour leur indiquer qu’ils (les bureaux) ne traiteraient plus avec M. Leahy et leur donner des instructions sur la façon de procéder sans lui. En janvier 2008, CIC a changé sa décision. M. Leahy a présenté une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour avoir accès à tous les dossiers le concernant. CIC a décidé de restreindre l’étendue de ses recherches à l’administration centrale et aux documents datés du 1er janvier 2007 au 16 mai 2008. CIC a divulgué certains documents à un certain moment, mais a refusé d’en communiquer d’autres en s’appuyant sur l’article 26 (renseignements personnels concernant un autre individu) et sur l’article 27 (renseignements visés par le secret professionnel des avocats) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. M. Leahy a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision et il a ensuite interjeté appel à la Cour d’appel fédérale après avoir été débouté en Cour fédérale.

Résultat : L’affaire a été renvoyée à CIC pour qu’il rende une nouvelle décision.

Décision : La première question que la Cour d’appel devait trancher était celle de la norme de contrôle applicable à la décision de CIC. La Cour d’appel a statué que la norme de la décision correcte était celle qu’il convenait d’appliquer aux décisions consistant à déterminer si des renseignements personnels sont visés ou non par une exception prévue par la loi. La Cour d’appel a également conclu que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser la divulgation des renseignements visés par une exception prévue par la loi.

La principale question à trancher par la Cour d’appel était celle de déterminer si l’exclusion résultant du privilège du secret professionnel des avocats était justifiée. La Cour d’appel a déterminé que cette question en soulevait deux autres : le décideur a-t-il à juste titre qualifié de confidentiels les documents soustraits à la communication et a-t-il ensuite exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas renoncer au privilège et de les divulguer malgré tout. La Cour d’appel n’a pas été en mesure de trancher de façon convenable le débat (et elle a, par conséquent, renvoyé l’affaire à CIC pour qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle décision) parce que la lettre de décision de CIC et les affidavits produits pour l’étayer n’ont pas valablement établi un fondement suffisant à sa revendication du privilège. CIC n’a pas indiqué qui avait pris la décision, ni si les destinataires ou les expéditeurs de la correspondance exposant des conseils juridiques étaient des avocats, ni quels documents, le cas échéant, étaient couverts par le privilège relatif au litige. En examinant la décision de ne pas divulguer des renseignements personnels, la Cour d’appel a conclu qu’elle devait avoir les cinq renseignements suivants dans le cadre d’une affaire relative à l’exclusion fondée sur le privilège du secret professionnel de l’avocat :

  1. l’identité de la personne qui a rendu la décision dans le dossier;
  2. le pouvoir qui l’autorise à rendre sa décision (c.-à-d., son autorité lui a-t-elle été déléguée de façon adéquate ou est-elle la « responsable » de l’institution?);
  3. si celle-ci s’est prononcée sur les deux questions, soit l’applicabilité du privilège aux documents et la possibilité de renoncer à ce privilège;
  4. les critères pris en compte;
  5. ces critères ont-ils été satisfaits et pourquoi?

La majorité de ces renseignements devraient figurer dans la lettre de décision de l’institution fédérale, bien qu’au besoin le cinquième point puisse être établi au moyen d’un affidavit déposé au dossier du tribunal lors de la tenue d’une audience judiciaire concernant la demande d’accès.

La Cour d’appel a également conclu que CIC a restreint de façon adéquate ses recherches à l’administration centrale, compte tenu de l’omission par M. Leahy de préciser plus en détail la portée de sa demande d’accès.

Dans le cadre de sa décision, la Cour d’appel a également énoncé deux autres principes découlant de la Loi sur la protection des renseignements personnels : a) l’exclusion au titre du privilège au secret professionnel des avocats s’étend au « privilège relatif au litige », comme c’est le cas sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information; b) les politiques rendues publiques par le Conseil du Trésor et qui traitent de renseignements personnels et d’accès à l’information, ou les classifications de documents du gouvernement à des fins de sécurité interne, ne lient pas les tribunaux et n’ont qu’une « portée juridique négligeable ».

Principes :

  1. La norme de contrôle applicable lorsqu’il s’agit de déterminer si une disposition législative donnée s’applique est celle de la décision correcte. La norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire de ne pas divulguer des renseignements personnels est celle de la décision raisonnable.
  2. Lorsqu’elle refuse de divulguer un document en alléguant le principe du secret professionnel des avocats, l’institution fédérale doit clairement indiquer : a) l’identité de la personne qui a pris la décision; b) le pouvoir qui l’autorise à rendre sa décision; c) si celle-ci s’est prononcée sur les deux questions, soit l’applicabilité du privilège aux documents et la possibilité de renoncer à ce privilège; d) quels sont les critères pris en compte; e) si ces critères ont-ils été satisfaits et pourquoi.
  3. Le privilège de secret professionnel des avocats aux fins de la Loi sur la protection des renseignements personnels s’étend au privilège relatif au litige (aux documents rédigés dans le cadre du litige).
  4. Les politiques du Conseil du Trésor en matière de renseignements personnels et d’accès à l’information ne lient pas les tribunaux.
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