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Sutherland c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1994] 3 C.F. 527

Juin 2014

Résumé : Les renseignements financiers que la bande indienne Peguis a fournis au gouvernement fédéral constituaient des « renseignements personnels » concernant certains individus et ne pouvaient pas être divulgués.

Faits : La bande indienne Peguis (la « bande ») a fourni une quantité appréciable de renseignements financiers au gouvernement fédéral dans le cadre de la convention de financement qu’elle avait conclue avec celui-ci. Un membre de la bande a présenté une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information dans le but d’obliger le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le « ministère ») à produire certains renseignements financiers concernant la bande. Le ministère a alors communiqué certains renseignements et en a communiqué d’autres après que l’affaire eut été portée devant la Cour fédérale. Cependant, le ministère a encore refusé de communiquer, pour des raisons de protection de la vie privée : 1) les noms de deux personnes désignées dans la partie relative aux comptes débiteurs des états financiers de la bande; 2) les noms des personnes désignées dans la partie relative aux prêts en cours des états financiers de la bande; 3) les noms des personnes désignées dans la partie relative aux comptes créditeurs des états financiers de la bande; 4) les descriptions de tâches associées à certains salaires de la bande (les montants ont été communiqués, mais pas les descriptions de tâches); 5) les noms de deux personnes dont les emprunts ont été garantis par la bande.

Résultat : La Cour a conclu que ces éléments constituaient des « renseignements personnels » et qu’ils n’avaient donc pas à être communiqués.

Décision : La Cour a d’abord conclu que, à première vue, les renseignements énumérés ci-dessus satisfaisaient à la définition de « renseignements personnels » — surtout l’alinéa b) qui comprend « les renseignements relatifs […] à des opérations financières auxquelles [elles ont] participé ». La question était de savoir si les renseignements étaient visés par l’exemption de l’alinéa l) de la définition parce qu’il s’agissait de « renseignements concernant des avantages financiers facultatifs ». L’alinéa l) n’indique pas expressément que l’avantage doit être conféré par une institution fédérale; par conséquent, l’individu qui a présenté la demande a affirmé que tous les avantages facultatifs — peu importe qui les a accordés — sont exclus de la définition de « renseignements personnels ». La Cour a rejeté cet argument et a plutôt conclu que les avantages facultatifs dont il est question à l’alinéa l) sont ceux conférés par une institution fédérale. La Cour a expliqué que cette interprétation était plus conforme à l’intention du législateur et au fait qu’il n’était pas dans l’intérêt public de refuser de protéger des renseignements se rapportant aux avantages facultatifs existant entre des particuliers.

La Cour a ensuite conclu que, quoi qu’il en soit, les renseignements ne concernaient pas des avantages facultatifs. Les opérations étaient des opérations courantes ordinaires; par conséquent, elles n’étaient pas des avantages « facultatifs ». Quelques-unes des opérations auraient pu être facultatives (par exemple, les prêts en cours se rapportaient à des avances sur salaire et la décision de consentir pareille avance est discrétionnaire); cependant, il n’y avait aucune preuve directe selon laquelle elles l’étaient.

L’individu qui a présenté la demande a ensuite affirmé que ces renseignements personnels pouvaient être communiqués en vertu de l’al. 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels — qui permet notamment la communication des renseignements personnels à « toute association d’autochtones […] en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs ». Comme l’individu était membre de la bande (et Autochtone), il a prétendu que l’exception s’appliquait à lui. La Cour n’était pas d’accord. La Cour a expliqué que l’expression « en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs » visait les droits ou les griefs officiellement reconnus aux peuples autochtones en cette qualité. Ce ne sont pas tous les litiges entre particuliers d’ascendance autochtone qui déclenchent l’application de l’al. 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Principes :

Dans cette affaire, deux principes importants sont énoncés :

  1. L’exception se rapportant aux avantages facultatifs mentionnée dans la définition de renseignements personnels ne s’applique qu’aux avantages facultatifs conférés par une institution fédérale;
  2. L’exception prévue à l’al. 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui permet la communication des renseignements aux associations d’autochtones ne s’applique qu’aux renseignements se rapportant aux droits officiellement reconnus aux peuples autochtones en cette qualité — elle ne s’applique pas à un litige juste parce que le requérant est d’ascendance autochtone.
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